L'Art est sur l'Image Cinématographique

Un Blog sur l'analyse filmique et la critique


lundi 25 février 2013

Nouvelle: "Pour le meilleur et pour le pire, Monsieur" (1ere partie)



Première partie de la Nouvelle:

« Pour le meilleur et pour le pire, Monsieur » d'Antoine Rameau.
 
 
 
 


Mon maître Thomas Anderson, vint au monde un 12 octobre 1968. Fils de James et Miranda Anderson, il hérita à leur mort du plus grand empire du textile d’Angleterre. Spécialisés dans le cuir, ils sont en collaboration avec les plus grandes marques vestimentaires et mobilières. Manteaux, gants, chaussures, ceintures ainsi que portefeuilles, fauteuils, canapés, les Anderson bâtirent une société prospère et mondialement reconnue. La famille Anderson habite dans un manoir retiré dans la campagne à la frontière de l’Ecosse. Miranda Anderson mourut en mettant Thomas au monde. Monsieur Anderson était un père peu affectif et peu présent à cause de son travail. Il me confia la tâche d’éduquer leur fils, comme s’il s’agissait du mien. James Anderson, a toujours laissé beaucoup de distance entre lui et son fils, depuis la mort de sa femme. Il fit preuve de la plus grande ignorance à l’égard de Thomas. Étant le majordome de la famille Anderson,  je m’occupais des travaux ménagers et de l’épanouissement de Thomas. Je répondais aux appels téléphoniques, puis j’organisais le planning des rendez vous de monsieur Anderson. Très peu de temps m’était accordé, nous avions seulement deux bonnes supplémentaires que je pouvais superviser. Élever Thomas ressemblait de loin au devoir le plus noble qu’il soit. Je me pris d’affection pour ce garçon, que je connais mieux que personne. Mieux que son propre père. Je lui faisais réviser ses cours, l’emmenais au théâtre ou au cinéma et l’entraînais à différentes activités sportives. Parfois même nous allions pêcher ou chasser le gibier. Ce qu’adorait le plus Thomas, c’était quand je lui montrais des tours de magie. Il m’appelait « Edward le magicien ». Sans hésitation, je considérais Thomas comme un fils adoptif. Il a toujours été un garçon très intelligent, agile et extrêmement curieux. Par moments, il semblait anxieux, voire nerveux. Il lui arrivait d’avoir des crises lorsqu’il échouait dans ce qu’il entreprenait. Je traduisais la perfectibilité de Thomas et ses crises soudaines, à un profond besoin de se distinguer de son père.
 
 
Probablement que la perte de sa mère, provoqua un énorme vide dans sa vie. Je constatais de plus en plus d’écart entre Thomas et son père. A vrai dire, il ne le considérerait même pas comme son père biologique. Il tenta à quelques reprises, de lui offrir un cadeau qu’il fabriqua lui-même, ou de lui céder l’un de ses dessins. Quand son père était dans son bureau, il n’avait le droit qu’à des « pose le sur la table, je regarderais ça après ». Thomas n’avait pas le droit de rentrer dans le bureau de son père, surtout quand celui-ci y travaillait. Le seul souvenir marquant de Thomas, fut le jour où James, l’emmena dans une fabrique, qui transformait la peau de bête en cuir. Avec le reste du temps il brisa complètement sa relation avec lui. Une nuit, alors que je faisais un tour dans le jardin pour fermer le portail, puis que je m’assurais de fermer les portes du rez-de-chaussée, j’entendis dans un couloir, un bruit provenant du bureau de James. Je vis devant la porte, Thomas en train d’espionner par l’entrebâillement au lieu d’être couché. Je l’appelais du fond du couloir, il sursauta. Je l’envoyais dans sa chambre puis je revins devant la porte légèrement ouverte. Je découvris Monsieur Anderson, en plein ébat sexuel avec notre plus jeune servante. Je fermais la porte discrètement sans me faire entendre, puis allais m’assurer que Thomas était bien retourné dans son lit.

 
Le lendemain, Thomas n’osa pas me parler et me regarder. Je lui expliquais que ce qu’il vit hier était un geste normal dans la vie d’un adulte, mais que ce genre de choses étaient privées. Il me demanda si la servante avait fait quelque chose de mal. Thomas ressentit la scène comme un acte punitif. Peut être que le fait de voir notre servante allongée sur le bureau, avec James derrière elle, ressemblait pour Thomas, à une punition. Il me demanda si sa mère faisait les mêmes choses avec son père. La seule chose que je pu dire, était que son père aimait vraiment sa mère. Thomas garda le silence. Quand il croisait Suzanne, notre jeune servante, et qu’elle lui répondait bonjour avec un immense sourire, il baissait les yeux et répondait timidement. Inquiétée par son attitude, Suzanne vint me voir pour en connaître les raisons. Je me gardais de dire la vérité. Ma réponse fut simple : « Sans doute que notre petit maître entre dans l’âge de la découverte de son corps ». Suzanne rougit et devint par la suite de plus en plus réservée dans sa façon d’approcher Thomas. Depuis je ne surpris plus aucun ébat entre Suzanne et Monsieur Anderson. A ma grande surprise, Thomas me demanda si Suzanne s’éloignait peu à peu de lui. Je répondis à Thomas, que Suzanne faisait preuve de trop de familiarité avec ses employeurs et que son père lui demanda de se contenter des tâches de la maison. Thomas répondit : « mais moi elle ne me dérange pas Suzanne, je la trouve gentille avec nous ».
 
 
Thomas semblait voir son père comme une figure autoritaire, responsable d’une certaine frustration. Suzanne était la première femme que Thomas connaissait et côtoyait. Je n’ai jamais réellement compris comment il la percevait. Peut-être comme une seconde mère. Mais elle semblait devenir également l’objet des fantasmes de Thomas. Ce n’est pas Lydia, notre deuxième servante qui pouvait inspirer cette attirance chez Thomas. Lydia était plutôt comme une nourrice ou une grand-mère. C’était une femme stricte et sérieuse dans son travail. Suzanne avait 25 ans et Thomas 13 ans. Suzanne était à l’âge où le corps suscite la curiosité, autrement dit capable d’attirer Thomas. Elle était l’opposée de Lydia. Très douce, très pure, toujours maquillée et parfumée. Elle changea les vêtements de Thomas et faisait sa toilette quand il était petit. Le soir elle lui racontait des histoires. Thomas se débrouilla entièrement tout seul vers ses 10 ans. Quand il prit conscience des changements de son corps, Thomas demandait à Suzanne de ne plus entrer dans la salle de bain. Lydia commença à devenir trop vieille pour s’occuper de la maison et de la famille, elle prit sa retraite à l’âge de 67 ans. Il ne restait plus que Suzanne et moi pour tenir la maison. Après le départ de Lydia, de nombreux indices me révélèrent que les relations entre Suzanne et James Anderson se multiplièrent. Je trouvais un jour dans la veste de Monsieur Anderson  des bas de sous vêtements féminins. J’entendis un autre jour, Suzanne en train de supplier James Anderson de les lui rendre. Un drôle de jeu se déroulait entre eux. En rangeant les affaires de Thomas, je découvris des bas en dentelles. Je décidais de laisser ces sous vêtements dans les affaires de Thomas. Un autre jour, je vis ces mêmes sous vêtements dans le tiroir ouvert du bureau de James Anderson. Encore une fois, je ne savais pas comment réagir, et encore une fois je fermais les yeux. En grandissant, Thomas devenait de plus en plus malin et rusé. J’ai cru deviner, qu’il essayait de provoquer un conflit entre son père et Suzanne. Sans doute voulait-il dégouter Suzanne de l’attitude de son père. Certains matins, elle nettoyait les sols sans prononcer un mot ou rendre un sourire. James prenait de l’assurance depuis la mort de Miranda. La seule fois ou Suzanne, me révéla l’un de ses rapports avec James, c’était pour me dire, qu’il avait usé de la force pour assouvir ses envies. James a toujours eu énormément de respect pour moi, mais la richesse accumulée par son entreprise et l’ampleur de son pouvoir, lui donna le sentiment qu’il pouvait exercer un contrôle absolu sur les autres. Miranda a toujours réussie à canaliser James lorsqu’elle était parmi nous. Il se permit depuis le décès de sa femme, beaucoup de libertés et de droits. Au point même d’user de la menace et de la force.
 

Thomas avait 17 ans et Suzanne 29 ans. Une complicité très intime se construisit entre eux depuis le jour où Thomas se confia à Suzanne. Il s’asseyait sur les marches, pendant qu’elle lustrait le marbre. Il lui disait : « Mon père est un être abjecte, qui devient de plus en plus dangereux. Il ne vous mérite pas ». Elle lui tendit un baiser sur le front. Thomas espérait sans doute plus, mais il comptait bien succéder à son père et changer les règles. Depuis deux ans il était en apprentissage dans les affaires familiales. Une autre fois, Suzanne était venue voir Thomas en pleurant. Elle lui expliqua que son père l’avait menacée de la renvoyer. Moi je su par la suite que cette menace n’avait que pour but de plier Suzanne à répondre aux plaisirs de James. Thomas fit irruption dans le bureau de son père et lui demanda pourquoi Suzanne était en pleurs. Son père lui répondit que cela ne le regardait pas et que Suzanne relâchait progressivement l’effort. Thomas répondit à son père qu’il traitait les autres comme des animaux et que seuls, Suzanne et moi, étaient dignes de la survie de notre famille. De rage, James frappa Thomas et cria les mots suivants : « C’est grâce à moi que les affaires tiennent bon et que tu peux prétendre à une vie de luxe. Ta pauvre mère aurait bien honte de toi. Tu agis égoïstement Thomas ». Après cette dispute, Suzanne supplia Thomas de ne plus recommencer car il ne comprenait pas tous les enjeux de la situation. Le soir de la dispute, Suzanne entra dans la chambre de Thomas. Lui était en train de lire dans son lit, et elle, en robe de nuit, s’asseyait sur une chaise à côté de lui : « Je sais que tu as voulu bien faire et je remercie le ciel que quelqu’un comme toi succède à ton père. Tu fera un meilleur chef de famille ». Il pose le livre sur la table de chevet, puis répond : « Tu as toujours été là pour nous, pour moi, tu n’es pas ma mère, je le sais, mais tu es bien plus ». Elle lui sourit : « J’ai déjà compris la signification des tes regards avant que tu ne les comprennes toi-même. Quand tu étais petit je me tenais à cet endroit et c’est moi qui tenais les livres. J’étais jeune et toi, encore plus. Les saisons ont sculptées ta force et ton corps. Je n’ai pas vu le temps passer. As-tu déjà eu une amoureuse ? ». « Non pas vraiment, personne ne te rivalise ». Elle donna un léger baiser sur les lèvres de Thomas puis lui dit : « Nous ne pouvons noue permettre d’avantage. C’est beaucoup trop risqué et indécent Thomas. Je tiens à toi, mais pas comme tu l’entends ».
 

Un jour tragique arriva, peu de temps avant les 18 ans de Thomas. James Anderson mourut dans un grave accident de voiture. Les policiers découvrirent que le tuyau du liquide de frein avait été coupé. On écarta très rapidement Suzanne, Thomas et moi de l’accident, mais je compris beaucoup plus tard qu’il s’agissait bien là, de l’œuvre de Thomas. On soupçonna des rivaux et autres concurrents de James Anderson. Il s’était fait beaucoup d’ennemis avec le temps. Le sabotage de la voiture, ressemblait plus à une démarche extérieure. L’explosion de la voiture aurait empêché de découvrir ce détail. Thomas avait bien analysé la structure de la route et la façon de conduire de James. En quittant les jardins du manoir, la route était longue et souvent en ligne droite, suffisamment pour ne pas ralentir, jusqu’à un immense virage près d’un ravin. La voiture a été retrouvée en bas du ravin. Thomas voyait de plus en plus clair sans ses projets. La mort de son père ne l’attristait pas. Aux obsèques, il se demanda même pourquoi Suzanne pleurait. Moi je continuais de m’occuper de Thomas et d’entretenir le manoir. Je gardais Suzanne avec nous. Je me chargeais de maintenir l’entreprise en état de marche, en attendant que Thomas puisse prendre la relève. J’engageais un professionnel, aux frais de l’héritage familial pour former Thomas le mieux possible. Pour moi les choses prenaient une nouvelle tournure. Je devins pendant cinq années l’unique père sentimental de Thomas. Il me faisait entièrement confiance et me laissa prendre les directives jusqu’au jour où ça serait à son tour de faire fonctionner l’entreprise. Les contrats et autres arrangements avec la Cour de Justice ont étés signés, permettant à Thomas de conserver ses droits de succession dans les affaires de son père. Le subordonné de
James Anderson, un homme proche de la retraite géra l’ensemble des activités avant de laisser Thomas reprendre sa place. Jeune homme enfin libéré de l’emprise patriarcal, doubla ses efforts. Il me demanda de changer quelques règles de vie au manoir. Suzanne et moi, avions le droit à une journée de repos dans la semaine. Il nous demanda de manger à ses côtés. Suzanne avait le droit de s’habiller de la manière qu’elle souhaitait, sauf les jours où quelqu’un venait à la maison.
 

Thomas prit place dans le fauteuil du bureau de son père. Il appela Suzanne et lui tendit les sous vêtements enfermés dans le dernier tiroir de son père. Elle reprit ses bas timidement, et enleva celui qu’elle avait sur elle pour le poser sur le bureau. Il lui demanda : « penses-tu que notre relation va changer à présent ? ». Elle sourit puis répondit : « Ceci symbolise notre étroit lien Thomas. Vous êtes mon nouvel employeur, je vous aime, mais vous restez mon jeune maître ». Thomas fut envahit d’une de ces colères qu’il avait quand il était enfant. Il ne comprenait pas la réaction de Suzanne : « Qu’est-ce qui nous retient, mon père n’est plus, vous êtes libre, nous le sommes » « Je ne le suis pas entièrement Thomas, nous sommes très proche, mais pour le bien de chacun, notre relation ne doit pas aller au-delà de la limite que nous venons d’établir » « Je ne vous attire pas ? » « Vous êtes jeune et beau, mais c’est contre nature » « Vous aimiez mon père ? » « Je l’appréciais pour d’autres valeurs. Mais je n’étais pas amoureuse » « Vous vous donniez à lui pourtant » « Le choix ne m’était pas donné » « Dans ce cas, soulevez votre jupe et allongez vous sur le bureau, c’est un ordre » « Voyons Thomas ce n’est pas sérieux, ce n’est pas votre genre ». Thomas se leva et se dirigea vers la porte pour la fermer à clef : « Je me tenais de l’autre côté, vous étiez allongée sur le bureau et mon père vous volait ce qui ne lui appartenait pas. Mon père avait ma mère avant qu’elle ne meurt. Vous, vous êtes là pour moi. Et je veux récupérer ce qui me revient de droit ». Suzanne prend peur devant les révélations de Thomas et tente de s’expliquer : « Votre père me violait » « Pourtant vous aviez l’air d’apprécier. Moi je vous libère, je vous donne le choix, vous me séduisez, et vous m’abandonnez avec mes passions dévoilées. Vous me laissez nu Suzanne, nu et faible alors que vous m’êtes dévouée » « Laissez moi m’occuper de tout sauf de ça Thomas » « Je suis nu, faites de même, que l’on soit d’égal à égal » « Je ne peux pas ». Thomas la pousse contre le bureau. Elle est allongée sur le dos. Il se place entre ses jambes et lui arrache sa chemisette blanche, qu’elle pouvait porter depuis que Thomas l’y autorisait. Les boutons sautèrent, et laissèrent apparaître son soutient gorge. Il baissa sa jupe. Suzanne criait : « Pitié ne faites pas ça ». N’arrivant pas à enlever son soutient gorge, il saisit une paire de ciseau sur le bureau puis coupa le tissu entre les seins. Il ouvrit le soutient gorge découpé. Suzanne cria à nouveau : « Je vais appeler Edward de toutes mes forces. Vous allez terriblement le décevoir, lui qui s’est occupé de vous du mieux qu’il a pu ». Une montée de rage faisait tourner la tête de Thomas. Il saisit très fort la paire de ciseau puis donne un coup violent dans l’estomac de Suzanne. Celle-ci poussa un hurlement venant de ses entrailles. Elle toussa des gouttes de sang : « Thomas non, pas vous ». Thomas enfonça deux coups dans la gorge de Suzanne pour la faire taire : « Edward est un père, je vous interdis de briser notre relation ». Le sang coula sur la table et sur le parquet. Plusieurs documents étaient tâchés ainsi que les vêtements de Thomas et de Suzanne. Suzanne émit un dernier son aussi fort qu’elle put : « Edward ! ». Thomas prit Suzanne par les cheveux et cogna sa tête à plusieurs reprises sur le bureau jusqu’à ce qu’elle perde conscience. Suzanne perdant beaucoup de sang, le crâne ouvert, perdit la vie dans des derniers mouvements de sursauts. Thomas jetait horrifié, le couteau au loin dans la pièce et découvrit le corps inerte presque violé de Suzanne. Il se tapait la tête entre ses poings, puis ouvrit la porte à clef. Il essayait de retrouver son calme. Pour cela il évitait de regarder le corps de Suzanne. Puis il se mit à pleurer, et à implorer pardon. Il referma la chemisette de Suzanne en se servant des boutons qui n’étaient pas encore arrachés. Il souleva le corps pour le poser correctement sur l’un des tapis de la salle. Il donna quelques claques au corps. Il finit par s’effondrer la tête cachée contre le ventre de Suzanne. J’étais arrivé au manoir après plusieurs heures passées en ville. J’entendis des gémissements venant du couloir. L’évènement qui eu lieu, annonçait les débuts d’une descente aux enfers.
 

Je restais immobile après avoir ouvert la porte. Je ne comprenais pas la scène qui se présentait devant moi. Je ne bougeais pas du pas de la porte. Je vis le corps penché de Thomas sur la faute qu’il commit. La peau douce et lisse de Suzanne était devenue pâle. Depuis combien de temps le crime a été commit ? Du sang était répandu un peu partout. Beaucoup d’objets étaient tombés du bureau. Thomas était tâché, et le tapis s’imbibait progressivement. Les lèvres roses de Suzanne trempaient dans son sang. Je me suis demandé, depuis combien je ne m’étais aperçu des changements qui se produisaient dans le manoir. Moi, simple majordome, régulier et fidèle à son devoir, silencieux et dévoué, avais-je dormis pendant toutes ces années ? Moi qui avait élevé Thomas, comment n’ai-je pu remarquer les pulsions qui grandirent en lui. La toile blanche des petites habitudes, s’était déchirée. Tout devint clair à présent. Thomas était un être maudit dès sa naissance. Il perdit mère, haïssait son père, il était attiré par Suzanne, sexuellement instable et à présent la mort de notre seule servante était la preuve des diverses incompréhensions qui régnaient en lui. Je m’étais occupé de lui, mais il lui manquait autre chose. Moi qui nourrissait l’espoir de diriger Thomas jusqu’au trône, je voyais à présent son héritage s’écrouler et le nom de la famille se faire salir. Il en était fini de l’entreprise Anderson, fini de Thomas et du manoir, fini des mes années de servitude. Thomas rampa jusqu’à moi puis serra fort mon pantalon de ses mains. Il m’implora : « Je ne sais plus qui je suis, ni ce qui m’arrive. Suzanne menaça notre famille. Elle voulait se servir de mes faiblesses, pour nous dénoncer et obtenir tout ce qu’elle voulait ». Je vis plusieurs sous vêtements sur le sol. Je savais d’où ils provenaient. Je ne prêtais pas attention, aux raisons qu’essayait de se donner Thomas. « Il faut que tu m’aide Edward. Tu es ma seule famille. Je suis perdu. Je n’ai pas envie de détruire le nom de notre famille. Je n’ai jamais souhaité tout ça ». Je n’avais plus que deux possibilités, sauver Thomas du mal qui le rongeait, ou tout avouer. Devais-je vendre ma seule famille ? Était-il réellement fautif et n’étais-je pas responsable ? Comme tout parent je ne pouvais détruire toutes ces années d’avenir que je dessinais aux textiles Anderson.

 
(à suivre)
 

Le film Historique selon Quentin Tarantino

Un trio historique ?
 


Les dernières rumeurs, seraient que Quentin Tarantino compte ranger Inglorious Basterds et Django Unchained dans une future trilogie historique. Commercialement parlant, nous devrions plutôt parler d’un coffret concernant des époques passées. Mais en aucun cas, nous ne pouvons classer ces deux premiers films dans une trilogie logique, comme j’ai pu le faire avec celle des gangsters. Même si nous avons affaire à du Tarantino, Inglorious Basterds et Django Unchained n’ont rien en commun, si ce n’est ce cycle de la vengeance, utilisée dans tous les films du cinéaste. Quel serait dans ce cas le prochain film « historique » ? Quelle époque ou quel sujet serait en corrélation avec son univers ? Le réalisateur aurait mentionné, l’envie de revenir sur le film de gangsters. Vise-t-il les années 1950 ? Tarantino a également écarté l’idée d’un troisième volet à Kill Bill. Pourquoi en faire un troisième puisque Bill est mort dans le volume 2. Le faire revenir ? Nous n’espérons un coup commercial au point de créer une telle absurdité. Une préquelle ? Ceci n’apporterait rien de plus aux volumes existants. Quentin Tarantino, a tenu à nous offrir un thème différent à chaque film. Pour l’instant le mystère reste éternel, et il se plait à nous laisser de fausses pistes.

La prouesse d’Inglorious Basterds, réside dans l’incroyable prestation de l’acteur Christophe Waltz, dans le rôle du colonel nazie Hans Landa. Jusqu’à ce rôle, l’acteur trilingue (allemand, français, anglais) était inconnu dans les hautes sphères cinématographiques. Résultat: un choc sans précédent. Il n’est pas question d’admirer le personnage fictif, mais le pouvoir dramatique que lui confère l’acteur. Jamais dans un Tarantino, un personnage n’aura autant insufflé la terreur. Le spectateur ressent l’angoisse et la peur. Pour la première fois, un film sur la Seconde Guerre Mondiale, ne nous a à ce point, placé aux côtés des juifs persécutés. La première séquence du film restera un passage culte du cinéma. Chaque spectateur dans son siège de cinéma, à eu ce sentiment d’être interrogé et recherché. Christophe Waltz, réveil chez vous une culpabilité bien trop louche pour que vous lui cachiez un secret. Il vous arrache les mots, avec une aisance déconcertante. « L’inévitable » Tarantinien, revient à la charge, et chacun d’entre nous sait au plus profond, qu’il n’y a pas d’issue. Hans Landa est plein de cynisme. Il s’invite à nous, comme un homme courtois et de bonne éducation, plein d’humour et de délicats compliments. Jusqu’à ce qu’il laisse tomber le sourire, pour vous dire exactement ce que vous essayez de lui cacher. Le spectateur éprouve de la pitié pour le fermier de la première séquence. Il éprouve du remord pour les juifs cachés sous le plancher de la maison, qui ne comprennent pas la langue anglaise. L’expérience cruelle du spectateur est certainement de posséder un point de vue objectif sur la situation et de savoir que cette partie de l’Histoire de l’Humanité, a bien existée. En mon sens, Inglorious Basterds est certainement le film le plus violent de la filmographie du réalisateur. Cette violence ne tient pas dans la quantité de sang comme un Kill Bill ou un Django Unchained, cette violence est psychologique. Quentin Tarantino a su représenter à travers Hans Landa, toute l’inhumanité nazie.

Inglorious Basterds est considéré également, pour la plupart, comme un film scandaleux, parce que le réalisateur déforme totalement le déroulement historique. Comme avec Django Unchained, le film repose plus sur son genre que sur son contexte. Il réutilise, cette époque et la puissance nazie, comme source du Mal. Il ne faut pas prendre Inglorious Basterds au premier degré et garder en mémoire qu’un film, ne se déroule qu’aux dépends de son réalisateur. Quentin Tarantino, voulait sans doute, une situation où les hommes d’origine juive, puissent répondre violemment aux actes nazis. Cela a pour réponse, un chancelier troué, au point de disparaitre physiquement de l’écran. Quentin Tarantino rend possible une vengeance et ce n’est pas le spectateur qui se sentira capable de blâmer les hommes d’Aldo l’Apache.  Mais prenons du recule. Les hommes d’Aldo (Brad Pitt) répondent à la cruauté nazie par une autre cruauté aussi violente. Ces hommes, sont comparés à des indigènes, qui scalpent leurs ennemis pour créer un sentiment de malaise. Ils racontent des légendes sur eux, pour impressionner l’ennemi. D’où vient cette comparaison aux Indiens d’Amérique alors que nous sommes en France ? Les Indiens furent persécutés par les colons. Hitler traitait les juifs, comme des animaux, et en utilisant la sauvagerie d’Aldo, Tarantino instaure un territoire de bêtes et de prédateurs. Qui est la bête ? Il n’y a aucune barbarie qui ne vaut l’autre. Mais en temps de guerre, chaque camp en appelle à son instinct meurtrier. Il s’agit finalement d’une compétition, sur celui qui effrayera le plus l’autre. La scène de l’exécution à la batte de base-ball, est l’une des plus dures du film. Un plan montre le visage et les yeux apeurés du nazi. Comme si il était question d’un point de vue subjectif, le spectateur a le sentiment de tenir lui-même la batte et de la poser sur l’épaule de l’homme. Par ce plan, le réalisateur donne les armes au spectateur et lui propose d’exécuter lui-même le nazi. Inglorious Basterds n’a aucune humanité, hormis peut être le personnage de Shosanna, jusqu’à ce qu’elle réponde elle aussi par la violence. Le film ne se voit certainement pas offrir le prix Nobel de la Paix, et risque des confusions et des mauvaises interprétations dans les esprits de ceux qui s’en tiennent au premier degré de la fiction. Nous vivons à une époque où plus grand-chose ne rencontre de censures. Probablement que quelques années auparavant, Inglorious Basterds aurait crée un scandale mondial.

Inglorious Basterds demande un certain recule. Sa qualité s’appui avant tout sur le jeu des acteurs. La touche d’humour du film apporte toujours une dédramatisation de la violence. Quentin Tarantino prend le parti du: on peut parler de tout. On pourrait classer le film à la fois dans les plus choquants de la filmographie, mais également dans les plus réussis. Inglorious Basterds nous conduit sur la frontière entre les conflits où nous assistons à des tueries ne laissant plus rien derrière. Le coup de maître a été d’avoir épargné la vie d’Hans Landa… ou presque.

 
 

Analyse du Grindhouse: Boulevard de la mort et Planet Terror

 
 
En 2007, le résultat du binôme Quentin Tarantino et Robert Rodriguez, s’intitule Le Grindhouse. Il s’agit plutôt d’une association entre deux amis réalisateurs, plutôt que d’une rivalité. Ils avaient pour intention, de produire deux films, s’inscrivant dans la lignée du film de série B. Le film de série B regroupe certains genre comme: l’horreur, l’action ou l’aventure. La production confit une somme d’argent assez restreinte, obligeant aux réalisateurs d’avoir recourt à du matériel moins performant, à un casting composé d’acteurs amateurs, des musiques commerciales et à des conditions de tournage plus complexes. Etant donné que la qualité du film et du jeu d’acteur, semble en dessous de la moyenne, le film B mise sa réussite sur certains points: des jolies filles, une histoire déjantée, pleine d’action et… « cool ». Le film B, n’ayant pas sa place dans les grandes salles de cinéma, était souvent diffusé en binôme sur les écrans d’un « Drive-in » (grand parking + cinéma américain, se déroulant le soir).

Bien que la notoriété de ces deux réalisateurs, leur permette d’obtenir assez aisément la confiance de certains producteurs, ils avaient tout de même ce désir de lancer un projet de série B ensemble. Les frères « Weinstein » (producteurs) prirent ce projet en main et divisèrent les coûts de la production entre les deux réalisateurs. C’est en partie la raison pour laquelle nous retrouvons les mêmes acteurs dans les deux films. Plus par question d’esthétisme, les deux réalisateurs voulaient donner un effet « sale et abimé » à la pellicule. Il fallait reproduire cette même sous-qualité que les films de série B. Mais surtout, nos deux réalisateurs voulaient livrer leur vision « cool » du cinéma. Ce n’est pas manqué, quand nous voyons le casting féminin de Boulevard de la mort ainsi que la fatale Cherry à la mitraillette. Tarantino et Rodriguez, s’amusent en parfait duo et travaillent même à deux sur chacun des films.

Quentin Tarantino (ainsi que Robert Rodriguez) revisitent le film B d’horreur. Les belles voitures ont souvent une place importante dans ces types de film, et Tarantino a eu l’idée de se servir de carrosserie pour forger le squelette de son film d’horreur. L’histoire est simple: un homme prend plaisir à tuer de jolies filles avec sa belle caisse. La force de Tarantino est de rendre à la fois tous ses acteurs attachants, de nous inquiéter de leur folie, et le plaisir de transformer le psychopathe en une victime par des retournements de situation. Les années 70, connaissent une émergence de la figure « psychopathe » au cinéma. Le film de série B, a connu une forte prolifération de tueurs dangereux. Il était remarquable de voir Quentin Tarantino, associer un psychopathe, à sa voiture. Quant bien même il s’agit là d’une imitation de films dépassés. Les réalisateurs ont su les remettre au goût du jour et les innover. De plus, Boulevard de la Mort, entre parfaitement dans les codes du cinéma Tarantinien. Nous restons dans « l’ultra-référence ». Nous pouvons d’ailleurs voir le film Grindhouse de Tarantino, comme un hommage au cinéma de Dario Argento.


Anecdote:

Cette référence concernerait « l’Oiseau au plumage de cristal » de Dario Argento. Nous avons le point de vue subjectif d’un appareil photographique qui semble prendre des clichés d’une femme. Pendant ces prises de vue, on entend une musique assez enfantine, composée par Ennio Morricone. On apprend au fur et à mesure, que ces photos sont prises par « le tueur en série » du film. Il matérialise la figure de ses prochaines victimes. Nous pouvons retrouver ce clin d’œil dans « Boulevard de la mort » de Quentin Tarantino, quand le tueur photographie ses prochaines victimes. Nous retrouvons le même point de vue subjectif de l’appareil photographique, ainsi que la même musique. « L’Oiseau au plumage de cristal » est constitué des mêmes musiques d’ambiance. « Boulevard de la mort » reprend les mêmes sons, pour instaurer ce suspense à la Argento.  Tarantino, fait sans aucun doute référence au cinéma italien, et qu’il s’inspire du genre suspense-horreur. On connaît le goût du réalisateur pour le western spaghetti, dont Sergio Leone fut le fondateur.

Boulevard de la mort, propose des montages cinématographiques intéressant. Lorsque Stuntman Mike tue les quatre premières filles du film, on nous montre à quatre reprises comment ont périt chacune d’entre elles. Il détruit ces icônes féminin du film B par la cascade suicidaire du tueur. Tarantino fait percuter la beauté mécanique à la beauté charnelle, à tel point que nous nous demandons si nous sommes contents ou non de la prouesse meurtrière de Kurt Russell (Stuntman Mike). Ces filles dont on ne peut nier le charme, se transforment chacune, en des victimes méconnaissables. Boulevard de la mort, provoque par la destruction du beau, une cruauté qui nous fait changer d’avis sur l’amicalité de Kurt Russell. Tarantino, comme à son habitude, balance entre le beau et l’horrible, entre humour et l’inquiétude. Le spectateur se prend d’amitié avec le personnage de Stuntman Mike, parce qu’il semble posséder une forte personnalité et des arguments à toute épreuve. Alors que nous croyons êtres rassurés par l’attitude de cet homme, à bord de son véhicule, il tombe dans un état d’instabilité mentale, puis devient un bourreau sans état d’âme. Le véhicule semble même posséder une vie propre à lui (comme dans le film, Christine). En fin de compte, Boulevard de la Mort est à la croisée d’un Dario Argento et d’un John Carpenter, dont ce dernier avait d’ailleurs pour acteur fétiche, Kurt Russell. Nous savons dès le début du film, qu’il sera l’ignoble tueur, et pourtant, Tarantino arrive à créer un doute dans notre proximité avec ce personnage. Dans la deuxième partie du film, quand il cherche ses prochaines cibles, il n’y a plus de doutes, nous connaissons le personnage et de quoi il est capable. C’est pour cela, quand les nouvelles filles, réagissent, et massacrent à mains nues leur persécuteur, nous spectateur, ressentons une sorte d’exaltation à ce qui semble être une « vengeance d’outre tombe ». La force de Quentin Tarantino, demeure dans la puissance dramatique de ses personnages. Parce qu’il sait tout semer: l’amitié, la compassion, le doute et la peur.

 
 

Critique de Kill Bill

L'arc Kill Bill
 


Pendant près de 6 ans, le cinéaste s’éloigne du monde médiatique. Il décide de prendre son temps, pour trouver une nouvelle inspiration, et écrire de nouveaux projets.

Puis Kill Bill volume 1 est annoncé et devient également le film le plus attendu de l’année. Il n’est pas commun de rencontrer un film qui nécessite deux parties pour sa réalisation. Le cinéaste nous offre un film aux diversités culturelles peu habituelles. Kill Bill est un film américain façon asiatique, ou asiatique à l’américaine. Nous sortons des narrations tortueuses des films de gangsters pour rentrer dans l’ère de « l’ultra référence Tarantinienne ». Kill Bill devient la mise en abime des films et des bandes dessinées qui ont bercés sa jeunesse. Il voulait une histoire de samouraïs, de combats au katana, une histoire de vengeance et de quête spirituelle, des scènes d’actions à couper le souffle. Uma Thurman, mère dépossédée de son enfant, veut accomplir sa vengeance en éliminant les bras droits de Bill et obtenir la force nécessaire pour atteindre le duel ultime. Comme un conte asiatique, le personnage principal utilise l’apprentissage de son maître Pai Mei. Elle affronte sa rivale puis retrouve son enfant qui a été enlevée par Bill. Nous retrouvons ce schéma de « liste à rayer », d’une vengeance progressive, effectuée à travers le monde. Le but en quelque sorte est de dépasser le maître Bill. Derrière cette violence stylisée, nous décelons une histoire d’amour complexe, basée sur la force. Beatrix Kiddo, ancienne compagne de Bill, a décidée de quitter le groupe de tueurs, afin de se marier avec un autre homme et élever son enfant.

 

Par jalousie, Bill interrompt le mariage, massacre tout le monde et laisse Beatrix pour morte. Après quatre année, Beatrix est résolue à obtenir des réponses et enterrer définitivement son passé. Kill Bill est cette « mort suspendue dans le temps ». Elle est juste reportée à plus tard. Le film s’inscrit dans l’exploitation hongkongaise et le genre western spaghetti. Il est inévitable de penser à l’acteur Bruce Lee, quand Beatrix porte sa combinaison jaune et noire. Le démembrement des ennemis, ressemblerait au découpage nerveux d’une page de manga. Sans nier le caractère violent du film, le sang, dans son exagération, demeure comme Django Unchained, l’expression artistique de l’amour et de la mort. La plupart des films, ont pour but de faire oublier au spectateur, qu’il s’agit bien là d’une fiction. Chez Tarantino, il est impossible de ne pas voir la dimension fictionnelle, qui nous rappel que ceci n’est rien d’autre qu’un film. Certains films veulent se faire oublier, d’autres tiennent à revendiquer qu’ils ne sont qu’une fiction. C’est en partie ce qui permet de relativiser la violence chez Tarantino et la quantité d’hémoglobine employée. La vraie violence dérangeante, est celle qui veut se rapprocher de la réalité. Avec Kill Bill, le film appui sa force narrative en progressant comme un conte. Nous retrouvons encore dans Kill Bill, ce montage Tarantinien, comme si il s’agissait d’un livre avec plusieurs chapitres. Cependant, le réalisateur ne crée pas de désordre dans les scènes, mais plutôt une progression active et rythmée. Le véritable retour en arrière, concerne le flash back où Beatrix se remémore son entrainement avec Pai Mei et sa rivalité avec Elle Driver.

Il est peu commun au cinéma, de placer en avant l’héroïne, avec autant de force et de violence. Depuis Pulp Fiction, nous nous rendons compte de l’importance qu’accorde Tarantino aux personnages féminins. Est-ce parce que Tarantino, a vécu seul avec sa mère étant enfant ? Il fait de ses acteurs, de grandes icônes cinématographiques, qui ne manqueront pas de plaire aux femmes « battantes ». Encore plus loin que son rôle et son image médiatique, Uma Thurman dans Kill Bill, développe une certaine fascination chez le spectateur, et offre à Tarantino un public toujours plus grand. Peut-on voir chez le cinéaste, une stratégie ? Rendre sa force à la femme, au peuple africain, aux juifs persécutés… . Derrière cette violence, n’est-il pas un grand romantique ?

 

 

Rétrospective des films de gangsters de Quentin Tarantino

L’arc des films de gangsters
 


Je me permet de ranger Reservoir Dogs, Pulp Fiction et Jackie Brown, en une trilogie, pour deux raisons: dans un premier temps, nous avons affaire à des films de gangsters. Bien que Jackie Brown se détache du lot. Puis dans un dernier temps parce que ces trois films, témoignent de l’une des plus grandes réussites du cinéaste, c'est-à-dire, le découpage narratif.
 
Quentin Tarantino, estimait que le déroulement d’un film pouvait être structuré comme un livre. Composé de chapitres où l’on alternerait entre les personnages clefs du film, tout en gardant le meilleur pour la fin (ou tout simplement la réponse cruciale de l’intrigue). L’idée (par exemple) est de commencer par la fin, de se demander comment cela a-t-il pu se produire, puis de revenir au début.
 
Il ne se contente pas d’un déroulement linéaire avec un début, un milieu et une fin. Il préfère partir de la fin, reprendre dès le début, pour nous conduire à ce fameux « milieu de film » où tous les protagonistes finissent par s’entrechoquer. Pour la première fois dans le cinéma Hollywoodien, est proposé un schéma aussi déstructuré.

 Un scénario (dans un schéma linéaire à trois parties) composé d’un début, d’un milieu et d’une fin, rencontre ce que l’on appelle deux « turning points ». Il s’agit là, d’éléments déclencheurs, permettant de créer des retournements de situation dans un scénario. Ils se situent entre le [début-milieu] et le [milieu-fin]. Le premier « turning point » permet d’installer un problème dans la narration, que les protagonistes essaieront de résoudre en milieu de film. Puis le deuxième « turning point » est l’évènement qui va permettre de résoudre le problème et de nous faire accéder à la fin du film. Le but de Quentin Tarantino, si nous le simplifions, serait de suivre ce schéma suivant: [fin-début-premier turning point-milieu-deuxième turning point]. Les films de cette trilogie auront tout de même des constructions différentes, permettant de s’adapter à l’intrigue. Le réalisateur tient à nous donner les réponses de façon morcelée, comme un puzzle que nous ne pourrons accomplir qu’une fois toutes les pièces en notre possession. C’est pourquoi, de toute sa filmographie, cette trilogie est probablement, l’œuvre maître du cinéaste américain. Un autre scénariste comme Guillermo Arriaga (Babel, 21 grammes…) construira les narrations de cette manière.

 Reservoir Dogs: Un groupe de gangsters ratent leur hold-up. Certains sont blessés, d’autres en fuite. Nous remontons dans la narration, à l’aide de flash-back, pour découvrir le déroulement de l’opération à travers chaque protagoniste. Le but étant de découvrir lequel d’entre eux est le fameux traître. Coup de théâtre: Le gangster blessé, aux portes de la mort, est ce fameux policier infiltré. La force de l’intrigue est jouée sur cette ironie du sort.

 Pulp Fiction: Certainement le film le plus complexe des trois, a pour but de montrer comment les personnages principaux ont pu se croiser dans la narration alors que la motivation de chacun est différente. Inspiré des bandes dessinées Pulp, le film crée parfaitement ce décalage entre action, culture populaire et multi intrigues. Pulp Fiction à l’art de donner son importance à chacun. « Tous les œufs pourris sont dans le même panier » (Inglorious Basterds), afin de rendre l’issue de Pulp Fiction, aussi incertaine et inattendue.

 Jackie Brown: Prisonnière de sa relation avec le trafiquant Ordell Robbie, elle va monter un coup entre plusieurs personnes pour se libérer d’Ordell et fuir avec une grosse somme d’argent. Au beau milieu d’un conflit entre policiers et truands, Jackie va monter toute l’opération afin de se servir des plus utiles et de se débarrasser des plus gênants.  Tous les personnages se croisent lorsqu’une mallette pleine d’argent est en jeu. Tarantino présente le déroulement du plan, à plusieurs reprises, à chaque fois à travers un protagoniste différent.

 


 

Un réalisateur et un cinéma indépendant



Quentin Tarantino naît dans le Tennessee à Knoxville le 27 mars 1963.

Etant jeune, il dévora un grand nombre de films en côtoyant le vidéo club de son quartier.

Tel un véritable cinéphile, il consacra ses journées à regarder des films de genre très variés.

Il vécu seul avec sa mère. Son père quitta la famille avant sa naissance.

Après avoir décroché un petit job au sein d’un vidéo club, il devient à ses 16 ans, ouvreur dans un cinéma pornographique.

Il découvre le cinéma de la Nouvelle Vague. Entre autres Jean-Pierre Melville et Jean-Luc Godard. Il commença à écrire des scénarios.

En 1984, il tente de réaliser son premier long métrage, My Best Friend’s Birthday. Il met trois ans à le réaliser lui-même, avec un petit budget. Pour un résultat selon lui, décevant.

Il écrit le scénario de True Romance et de Tueurs Nés.

En peu de temps, il décide par la suite d’écrire Reservoir Dogs et trouve de l’aide auprès de son ami Lawrence Bender (producteur). Il fait lire le scénario à l’acteur Harvey Keitel qui décide d’aider financièrement à sa réalisation. Il confie 1 million de dollars pour ce projet.

Le film est projeté dans des festivals comme Sundance. Puis sera diffusé au festival de Cannes (1991). Il s’agit là d’un succès mondial.

Dès son premier film en tant que scénariste et réalisateur, il se révèle être un auteur du cinéma indépendant.

Grâce à l’argent accumulé, Tarantino décide de monter sa boîte de production « A Band Apart » et réalise parallèlement le film Pulp Fiction imaginé avec son ami Roger Avary. Ce film lui fait remporter la Palme d’Or à Cannes (1994). Il remporte aux Etats Unis le trophée du meilleur scénario original.

En 1997, il réalise un film blaxploitation, Jackie Brown.

Après un long silence, le temps d’écrire et de retrouver l’inspiration, Tarantino revient en 2003 avec Kill Bill volume 1 et le volume 2 en 2004. Etant un projet long et important, Kill Bill devait nécessairement être divisé en deux parties. Il est considéré comme l’un des meilleurs films d’action de sa génération.

Ensuite le cinéaste sera impliqué dans plusieurs projets: la réalisation de deux épisodes des Experts, il réalise une scène du film Sin City, puis il produit le film Hostel de son ami Eli Roth.

Il entame un projet en collaboration avec son ami Robert Rodriguez, qui aboutira en 2007 . Ils réalisent le Grindhouse, qui nous plonge dans les films de série B des années 70. Tarantino réalise alors Boulevard de la mort, et Robert Rodriguez, Planète Terreur.

En 2009, Tarantino sort son film sur la Second Guerre Mondiale, Inglorious Basterds, dont il imagina le scénario bien avant Kill Bill. L’acteur méconnu Christophe Waltz, remporta Le Prix d’Interprétation masculine à Cannes, puis le Golden Globe et l’Oscar du meilleur second rôle masculin. Le film fut nominé à huit reprises aux Oscars.

Début 2013, sort son dernier film, Django Unchained. Il remporte deux Golden Globes pour le meilleur scénario et le meilleur second rôle masculin, après cinq nominations. Comme Jackie Brown, nous pourrions (à mon sens) le classer dans les films blaxploitation.

Il s’agit d’un parcours bien raccourci, mais néanmoins très riche. Le réalisateur est aujourd’hui rangé comme un artiste postmoderne. Il mélange les époques ainsi que les produits du monde de la consommation. Nous pouvons identifier son travail avec le « Pop Art » d’Andy Warhol. Quentin Tarantino crée un véritable décalage en associant l’action (l’ultra violence) avec cet univers culturel populaire. En cela, le cinéma français des années 60 était précurseur: entre fictif et culturel.