L'Art est sur l'Image Cinématographique

Un Blog sur l'analyse filmique et la critique


mardi 19 novembre 2013

Analyse et Critique - Inside Llewyn Davis

 
Inside Llewyn Davis, réalisé par Joel et Ethan Coen, drame avec Oscar Isaac, Carey Mulligan, Justin Timberlake, John Goodman. Durée 1h45. Il a remporté le prix du Grand Jury au 66e Festival de Cannes.





Le personnage principal serait inspiré de Dave Van Ronk, vagabond musicien des années 60 et de la vie de Bob Dylan. Les frères Coen ne choisissent pas de montrer l’ascension d'un artiste au bord du gouffre, mais la semaine d'un type méconnu sur le point d'y tomber. Llewyn Davis, sdf en quête de gloire, aspire à un grand avenir.

Comme à leur habitude les deux réalisateurs présentent les évènements telle une fable. Une grande partie de leur filmographie commence et se termine avec un narrateur extérieur (ou non) à l'intrigue. Un personnage qui en sait d'avantage sur le personnage que le personnage lui même. Un peu moraliste, ce narrateur est à mi chemin entre les personnages et les spectateurs. Il est ce point de vue objectif, celui qui regarde les choses d'un pas en arrière. On peut mentionner le cow-boy dans The Big Lebowsky, le personnage de Tommy Lee Jones dans No Country for Old Man, ou encore la légendre qui précède l'histoire de A Serious Man. Les frères Coen démontrent qu'une tortue peut battre un lièvre à la course. Rien n'est jamais acquit. Llewyn joue sur la scène du Gaslight, nous le pensons alors artiste reconnu. C'est alors que le disque Vinyle arrive à terme de son histoire. Llewyn nous parle d'une chanson connue que les gens ont l'habitude d'entendre. Il est confronté au narrateur tapis dans l'ombre. Individu qui semble connaître le personnage bien mieux que nous. Il frappe Llewyn, plaçant le bras du lecteur de Vinyle de nouveau au début. L'aventure commence avec le gros plan d'un chat roux. Le chat symbolise le vagabond, celui qui arpente les rues, sans réel toit, un peu recueilli par tout le monde. Llewyn (qui ne se l'avoue pas) est pris d'affection pour ce chat en qui il se reconnaît: à la fois marginalisé et attendrissant. Ce chat rappel régulièrement la vraie nature du personnage principal. Quelqu'un de solitaire, fragile, capable de s'attirer les foudres de son entourage car il est complètement exclu du système.

Llewyn conserve toute sa poésie et son romantisme. Un peu à la manière d'un road-movie, il voyage en rencontrant des personnalités parfois extrêmes. Que cela soit le chat ou la rencontre avec le personnage interprété par John Goodman, ils ne sont que des messages, des symboles qui appartiennent aux chansons de Llewyn. Les trajets à pieds et en voiture, traduisent le rythme d'un disque qui tourne. Avant l'accident de la route, les ralentisseurs placés sur la route ne constituent pas les éléments suffisant pour réveiller le personnage. Ces ralentisseurs (et les essuies glace) fonctionnent comme un métronome. Llewyn est bercé dans son illusion. Quand le film fait appel à son humanité et à sa raison, celui-ci quitte le navire à la recherche d'un autre foyer.
Son père devient le seul public qu'il arrive à émouvoir. N'acceptant pas l'échec, il mise tout sur sa rencontre avec le producteur de Chicago. Le spectateur qui est touché par les chansons de Llewyn, compatit pour lui. Aucun horizon ne s'ouvre à lui, il est régulièrement irrité par les personnages qui ne retiennent que son succès passé. Il rejette sa mélancolie et rabaisse les autres par sentiment d'échec. 

De retour au Gaslight, Llewyn joue les seules musiques qu'il possède. Celle de l'album "Inside Llewyn Davis", un titre égocentrique qui tourne autour du "moi" et du "je". Le "disque Vinyle" (ou bande sonore) du film arrive à terme faisant confronter de nouveau le narrateur et le personnage principal. L'homme remet en cause l'égocentrisme qui a été parsemé tout le long du film. L'histoire ressemble à un disque rayé, voué à la répétition d'une même chanson et du souvenir.

Les frères Coen définissent à leur façon le mot "borné" sans faire de manichéisme.



Rameau Antoine

Analyse et Critique - Gravity d'Alfonso Cuaron

 

 
Gravity sortit ces dernières semaines en salles, avec à l'affiche Georges Clooney et Sandra Bullock est réellement l'une des premières claques 3D que j'ai pu recevoir. Cette technologie évolue toujours de plus en plus, mais elle est plus ou moins pertinente selon le contexte du film. Certains films m'ont laissés le sentiment que son utilisation était inutile ou n'apportait rien visuellement. On se souvient de l'un des premiers films grand spectacle à l'exploiter: Avatar, où on découvrait ce nouveau cinéma. De vieux films sont revenus comme Titanic ou Star Wars. On apprécie, on n'apprécie pas, on est convaincu ou on ne l'est pas. Je me souviens avoir vu des films d'horreur en 3D: Saw, Destination Finale, Silent Hill où l'effet ne m'apporte pas grand chose. C'est probablement plus immersif. J'ai été déçu également par Alice au pays des merveilles de Tim Burton. Encore plus récemment j'ai pu découvrir le Metallica through the never dans lequel la 3D fonctionne mais la fiction laisse à désirer. Voir le groupe sur scène suffisait.

Gravity permet de donner un sens au terme "d'expérience 3D". Ryan Stone et Matt Kowalsky sont envoyés dans l'espace afin de réparer un satellite tombé en panne. Il s'agit à l'origine d'une simple mission, seulement un champ d'astéroïdes est sorti de sa trajectoire et percute le vaisseau de nos personnages. La suite de l'histoire est une longue tentative de survie dans l'espace. L'intrigue est certes simple, il ne se passe pas toujours grand-chose. J'ai entendu deux versions, voire trois: un public impressionné par le film, ceux qui n'ont pas aimés le scénario et d'autres n'ont pas été convaincus par la 3D. Avec humour, je leur dit qu'il faut ouvrir les yeux pendant un film. Un scénario qui travaille l'aspect "survie" peut toujours paraître facile. Mettons-nous à la place d'un cosmonaute: que peut-il se passer réellement quand on est perdus dans l'espace ? 

Aliens ? Voitures volantes ? Des stations Dinners en lévitation ? Non, Gravity exploite suffisamment la carte du "mauvais endroit au mauvais moment". Ne jamais oublier que Gravity est une expérience visuelle, d'acteurs et sensationnelle. Imaginez que la totalité du film soit tourné dans un cube aux 6 faces blanches avec des acteurs accrochés à des harnais. Georges Clooney semble subir les tests de la NASA. Pour la première fois, un spectateur arrive à ressentir l'angoisse d’être perdu dans l'infiniment grand. Difficile de garder espoir dans une telle situation. Ryan Stone ne contrôle aucun de ses mouvements dans la limite où elle n'arrive pas à se retenir à quoi que ce soit. Corps en absence de gravité, l'experte en ingénierie médicale n'a plus d'autre choix que de subir la rotation du système. Logé dans le casque, le spectateur ne distingue aucune échappatoire et se retrouve abandonné au néant. Le public suffoque comme s'il se sentait enfermé. Ce sentiment est paradoxal puisque le personnage est livré à l'infini. Cette panique du vide ressemblerait à cette même panique qu’éprouve le personnage enterré vivant. Nos gestes n'ont aucune emprise, personne ne nous entend et ne nous parle, la mort n'est plus soudaine, elle s'insère progressivement en soi. Elle laisse place à de l'euphorie. Il est même assez inimaginable de voir que Ryan Stone (Sandra Bullock) ai eu autant d'opportunités de survie. Seule au beau milieu de l'atelier du créateur, le personnage est confronté à la mort mais aussi à de nombreuses renaissances. Quand elle entre dans la capsule de sauvetage, Ryan Stone se sent protégée, elle renoue avec le cocon humain fait de métal. En position fœtale, elle recherche l'espoir et accède de nouveau à la vie. Elle se déploie à la recherche d'une faille, d'une issue. Entre impuissance et adrénaline elle parvient miraculeusement à retourner sur Terre. La Gravité gagne en force lorsque la capsule entraîne le personnage jusqu'au fond de l'océan. Soulagée, Ryan garde son corps en contact du sol boueux. 

Le cinéma est aujourd'hui un luxe. Mais si vous recherchez l'expérience 3D, Gravity est une réussite. Ceux qui possèdent un écran 3D à la maison, Gravity sera probablement une très bonne idée DVD (blu ray).



Rameau Antoine

jeudi 7 novembre 2013

FAIRECOURT Frissons / Nov-Dec 2013



Retrouvez la programmation de Fairecourt et l'Atelier 142 sur le site: http://www.fairecourt.com/
 
 
 
Il est 20h30 à Clermont de l’Oise, Fairecourt diffuse sa seconde projection après celle de Thourotte du mardi 5 novembre. Le thème de ce mois de novembre et décembre laisse place au frisson avec en programmation sept courts métrages.

La soirée réunie dans le cinéma du Clermontois une dizaine de personnes curieuses et intriguées par cette sélection d’une durée d’1h40 environ.



-La séance débute avec le court métrage Silence (13’45 - 2013) réalisé par Pierre Gil Lecouvey. Emmanuelle Guth (30 ans) et Pierre Gil Lecouvey (38 ans) produisent eux-mêmes leur travail sous le nom de Spook (Emmanuelle) et Gloom (Pierre). Ils ont réalisés un deuxième court métrage Stress-Killer qui a été sélectionné l’année dernière au Festival Coupé court de Bordeaux. Deux étudiants Mélodie et Octave décident de passer la nuit dans la bibliothèque de leur Université. Des phénomènes étranges arrivent. Pierre et Emmanuelle jouent sur l’intensité du son et de la musique pour provoquer le sursaut chez le spectateur. Le métrage construit l’angoisse en alternant silence et sons explosifs. Lorsqu’un personnage se retrouve prisonnier du cadre de la caméra, la visibilité du spectateur est restreinte et l’empêche d’anticiper. Le son explosif déclenche le sursaut lorsque l’angle de la caméra est perturbé par un évènement soudain. Silence défie les interdits et le lieu de la bibliothèque se prête parfaitement à la situation. Comme des enfants pris la main dans le sac, Octave et Mélodie (deux prénoms très sonores), sont punis par l’horreur la plus inattendue. Ce retournement mêle humour et horreur, deux ingrédients que Spook et Gloom se sont déjà appropriés dans Stress-Killer.


-Terminus (4’05 - 2012) de Nikodem Rautszko Panz, produit par Video Graphic, est certes très court mais il fonctionne. La scène se passe dans un wagon de métro et nous avons à faire à trois personnages. Le plus inquiétant des trois semble à l’origine des incidents qui se produisent. Là où Silence exploite le son, Terminus se sert de la lumière pour traduire la force fantomatique présente dans l’histoire. Ce court métrage prouve que l’on peut construire le suspense et nourrir la peur avec très peu de moyens. Les lumières du wagon s’éteignent plongeant les personnages dans le noir. On joue sur des disparitions qui nous permettent de supposer qu’il y a des transferts ou des permutations qui s’effectuent entre les protagonistes. Terminus propose une intrigue simple mais qui mérite sa place au sein de la sélection.




-Saïd (23’ - 2012) réalisé par Valentin Frentzel et Benjamin Rancoule, visite l’univers du zombie et de l’infection. Leur maison de production « 1986 Prod » est associée avec certains labels de la musique ou des artistes tels que La Fouine (Laouni Mouhid) qui est le personnage principal de Saïd. Influencés par le cinéma de Danny Boyle avec 28 jours plus tard, Saïd présente un climat de chaos ou les personnages sont sans cesse en train de fuir. Valentin et Benjamin font le choix d’esthétiser le court métrage en filmant en noir et blanc. L’infecté, forme évoluée du zombie, est un monstre avide de chair capable de pourchasser inlassablement. Les mouvements frénétiques de la caméra permettent de rendre la situation encore plus réelle. Telle une vue subjective, le cameraman court tout en tenant son appareil. Cet effet nous laisse penser que la catastrophe est bien réelle et qu’il en est de la survie des deux artistes de fuir aux côtés de Saïd.



-Tommy (9’ - 2011) est réalisé par Arnold de Parscau et produit par ESRA Bretagne. L’ESRA est l’Ecole Supérieure de Réalisation Audiovisuelle créée en 1972 à Paris et implantée à Nice en 1988 puis à Rennes en 1999. Arnold réalise Tommy dans le cadre de ses études et se fait remarquer par David Lynch qui se sert du court métrage comme clip officiel pour sa chanson « good bye today ». Il obtient grâce à son œuvre le prix Eric JEAN. Tommy est un jeune garçon perturbé par le cocon viscéral de sa famille. Véritable huis clos, la salle à manger ressemblerait à l’intérieur encombré de sa boîte crânienne.  Comme un tableau irréaliste, chaque membre de la famille participe en tant qu’élément actif de la folie de Tommy. C’est probablement cette mise en scène de la folie qui a retenue l’attention de David Lynch. On peut rapprocher la salle à manger dans Tommy avec celle dans le film Inland Empire sorti en salles en 2006. Dans le film de Lynch les protagonistes portent des masques de lapin et semblent enfermés dans leur dimension. Cette dimension construite directement par le studio de cinéma, confine les personnages dans un lieu où habiterait « la mort ». Tommy plonge métaphoriquement dans la folie en introduisant profondément son jouet dans son plat. Le rêve du garçon nous transporte sur les mers brumeuses qui entourent la Bretagne.


Le Cinéma du Clermontois allume ses lumières. C’est l’entracte. Tout le monde se réuni dans l’entrée du cinéma et partage leurs premières impressions autour d’un verre. Les avis sont partagés et les sensibilités différentes. Les spectateurs de Fairecourt rejoignent impatiemment leur siège.



-Rail (20’ – 2009) d’Yvan Georges dit Soudril ouvre la deuxième partie de cette soirée. Yvan a réalisé trois courts métrages : Block (2005) et Rail (2009) qu’il a autoproduit et Le Syndrome de Cushing (2011) avec Heska Productions une société créée en juin 2011 par Cyril Schulmann et Nabil Khouri. Rail présente un personnage qui du statut de victime se dirige vers celui du monstre. Il se métamorphose lorsqu’il prend possession d’une arme. Il cherche à se venger et à enterrer définitivement ses faiblesses. Tel Robert De Niro dans Taxi Driver, le personnage veut se transformer en un individu dangereux et surentraîné. Il répète de nombreux gestes, il modifie son look afin d’inspirer la crainte. Cette transformation le pousse à rejeter tout ce qui lui semble faible, au point d’écraser d’autres victimes selon lui incapables de se défendre. Progressivement l’organisme du protagoniste est affecté, il devient une entité indescriptible tantôt en décomposition, tantôt en pleine mutation. On retrouve l’influence du cinéaste David Cronenberg qui travaille le corps humain en fusionnant l’organique et le matériel. Le personnage ne fait plus qu’un avec le pistolet. Son corps rejette des balles. Il arrache ses ongles comme le fit l’acteur Jeff Goldblum dans La Mouche (1986). On peut faire un parallèle avec le film Existenz (1999) de Cronenberg dans lequel l’acteur Jude Law constitue une arme en se servant des restes d’un plat et en prenant ses dents comme balles. Le personnage de Rail devient l’arme, il perd toute identité et se confond lui-même avec la violence dont il fut victime.



-On continue la soirée Fairecourt avec un deuxième court métrage d’Yvan Georges dit Soudril : Le Syndrome de Cushing (17’ - 2011). Le syndrome de Cushing serait une maladie hormonale aux conséquences psychiatriques. Le personnage de l’intrigue, malade, tente d’échapper à sa situation en s’imaginant dans un autre corps et vivant une autre vie. Cependant son esprit instable perturbe le monde qu’il s’est créé et chavire de nouveau vers la folie. Il rêve de meurtres et de vengeances. Ce syndrome est défini comme un hypercortisolisme chronique. Ceci est dût à un excès de sécrétion d’hormones cortico-surrénalienne. Harvey Cushing décrit ce syndrome en 1932. Il se manifeste chez l’homme par l’apparition d’une obésité chronique de la partie supérieure du corps, des aspects bouffis du visage, des manifestations cutanées, un hirsutisme et des troubles psychologiques variés. Le personnage du court métrage apparaît brièvement de dos au début de l’histoire. Quand nous revenons à lui, on constate comment il a manipulé la réalité pour rendre sa vie « supportable ».



-Nous en arrivons au dernier court métrage de cette soirée frissons avec La Dame Blanche (15’ – 2012) d’Arnaud Baur, produit par Nitrium Films. Arnaud s’est rendu à Lisbonne en octobre 2012 et a visité la ville de Cintra où serait apparue la dame blanche pour la première fois. Malgré toutes les versions qui peuvent exister autour de la légende, le réalisateur reste au plus près de la version originale et reprend simplement le nom américain de la défunte. L’histoire raconte qu’une jeune femme a été renversée par un automobiliste et qu’elle hante depuis les routes ainsi que sa famille. Ceux qui ont la possibilité de la rencontrer ne peuvent détourner leur regard de cette femme. Ils tentent de la suivre jusqu’à ce que la mort ne les emporte. La dame blanche est comparable à une sirène, elle charme, hypnotise ceux qui peuvent la voir et les marque de sa malédiction.


La soirée Fairecourt s’achève. Les spectateurs sortent de la salle satisfaits, donnant leur ultime appréciation. Parmi le public, l’un d’entre eux a assisté pour la première fois à une soirée Fairecourt et prend cette expérience comme une excellente façon d’aborder le cinéma.






RAMEAU Antoine.