L'Art est sur l'Image Cinématographique

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jeudi 20 mars 2014

Percer dans le Cinéma : Ambitions et Possibilités

 
Depuis peu d’années, le cinéma devient une discipline de plus en plus à la mode. Réservé à l’élite des écoles ou aux artistes qui ont su se faire un nom, le phénomène continue de s’étendre au sein des universités. Les candidats sont toujours plus nombreux, mais qu’en est-il de leur avenir d’apprentis cinéastes ? Bien qu’il soit réputé comme étant un univers « fermé » ou « difficile d’accès », les étudiants se lancent corps et âme sur des sentiers étroits. Cette orientation correspond-t-elle en une entière confiance des ambitions ou plutôt à un besoin personnel ?

Le Cinéma Français de la fin des années cinquante et des années soixante voit émerger un groupe d’artistes auquel les journalistes et écrivains donneront le nom de La Nouvelle Vague. Le court métrage de Jacques Rivette, Le Coup du Berger de 1956, marque le début de cette ère. Il s’agit d’une époque marquée par le besoin de changer les codes du cinéma français face à un cinéma américain qui s’est implanté en Europe après la Seconde Guerre Mondiale. La Nouvelle Vague ne constituait pas en soi une révolution technologique, mais une façon différente d’aborder le cinéma : d’autres points de vue, de nouveaux engagements socio politiques, des angles divergeant du cinéma français traditionnel. Ce qui a fait la force de ce cinéma n’était pas l’apparition soudaine de plusieurs génies mais bien leur souci d’appartenir à un « groupe » solide. La difficulté aujourd’hui réside dans la capacité de former de nouveau un groupe. Les revendications et les talents ne manquent pas. Au contraire, comme nous venons de le préciser, les « apprentis cinéastes » sont de plus en plus nombreux, le besoin de s’exprimer demeure, mais cet engouement n’a que pour frein et faiblesse son individualisme. François Truffaut, Jean-Luc Godard, Agnès Varda, Eric Rohmer, Claude Chabrol, d’autres critiques du cinéma dont André Bazin se sont imposés grâce à leur talent et l’entraide.
Est-ce que ces dernières années et le contexte de crise économique nous permettent de saisir les rennes de l’industrie cinématographique ?

Nous pouvons citer les différentes voies qui s’ouvrent à nous pour apprendre le cinéma. Il a été démontré qu’il n’existait aucune voie « royale » afin de percer dans cet univers. J’ai par le passé connu un homme qui a été banquier  jusqu’à ses quarante ans et qui est devenu par la suite scénariste pour la télévision. Il faut comprendre que les études cinématographiques, même si elles élargissent nos connaissances autour du 7e Art, ne garantissent en rien notre insertion dans cette industrie. Beaucoup de facteurs déterminent notre réussite : les opportunités, la connaissance, le talent et le travail, les moyens, le projet ou « l’idée qui tombe à pic », la collectivité, la motivation, la persistance, la confiance en soi, la patience… . L’important est d’avoir conscience des obstacles et de l’épreuve que cela représente. L’information est sans doute ce qui manque. Comment comprendre ce monde si nous n’y sommes pas confrontés ?
Dès le lycée voire le collège il existe (dans certains établissements) des options « audiovisuelles ». Ces options ont pour but de faire participer les élèves en les présentant à des professionnels. Ensemble, ils créent un projet qu’ils mettent en scène. Ces projets sont construits à la fois autour de sujets simples et originaux qui nécessitent l’aide d’un budget restreint et pourtant pas anodin. L’élève fait ses premiers pas en tant qu’acteur, étudie la place de son corps dans l’espace, il assiste à la réalisation et au montage. Il participe à des forums des métiers, assiste à des meetings et à des projections de films. Après le bac, il faut faire un choix. Lequel est le plus judicieux ?

-Les écoles : La FEMIS, l’Ecole Nationale Supérieure Louis Lumières, l’EICAR, le CLCF, La Cité du Cinéma, l’ESEC, l’Ecole des Gobelins (films d’animation), les Cours Florent, le CEEA, La Comédie Française… . Ces écoles sont réputées dans toute l’Europe et dans le monde. Elles garantissent un enseignement à la fois théorique et technique. Elles donnent aux élèves une notoriété. Sortir avec succès de ces écoles attestent de l’assiduité dans les formations cinématographiques. Ces écoles permettent des rencontres entre de grands professionnels et les élèves. Une école favorise la création de « groupes ». Ils réalisent ensemble des projets qui sont, par exemple, diffusés dans des Festivals. L’accès  à ces écoles est cependant très restreint. Tous les ans, chaque école forme une trentaine d’élèves qui sont sélectionnés sur un millier de candidats avec le rêve de percer dans le cinéma. Le concours est payant. Les écoles sont payantes et assez chères. Il faut dans certains cas posséder le baccalauréat. L’accès à la formation ne promet pas un avenir de gloire et de succès dans le Cinéma mais donne aux élèves de meilleures chances lors de la recherche d’emploi dans ce secteur. Le concours requiert au préalable des connaissances. Le concours impose une limite d’âge (par exemple de 18 à 30 ans) et de tentatives. Le choix des projets n’est pas forcement libre mais imposé.

-Les BTS : les BTS se concentrent sur les aspects techniques de l’image et du son. Certains établissements possèdent des spécialités, par exemple « le montage » au Lycée Robert de Luzarches à Amiens. Les études sont moins longues mais l’apprentissage est extrêmement spécialisé (au moins deux ans). Les domaines sont : l’utilisation de la caméra, du son, du montage, de l’éclairage… . Ces BTS procèdent également à une sélection des élèves sur dossier et sur candidature. Les chances de trouver du travail sont plus élevées grâce à l’aspect technique.  Les élèves peuvent travailler pour le cinéma, la télévision, avec les media, dans de nombreux secteurs du spectacle. Ils expérimentent de nombreux logiciels comme Photoshop ou In design utiles pour une grande majorité des employeurs. Il manque un apprentissage théorique poussé. Les BTS se font plus rares.

- Les Universités : Il existe une Licence en Arts du Spectacle sur une durée de trois ans. Il est possible de se spécialiser en Cinéma, en Théâtre, en Arts Plastiques et en Histoire des Arts. Il est possible de continuer sur deux ans en partant sur un Master Cinéma spécialisé (recherches, documentaire, scénario, réalisation, secteurs culturels…). Il faudra changer d’établissement en fonction de l’orientation. Puis encore trois années supplémentaires en accomplissant un doctorat qui permet également de devenir professeur de Cinéma. Ces apprentissages s’appuient en grande partie sur l’aspect théorique du Cinéma. Ces formations ont quelques ateliers mais ne proposent pas une formation aussi technique que les BTS. Ces parcours permettent de développer le sens de l’organisation des projets, les qualités rédactionnelles, les connaissances et la préparation aux concours des écoles. L’Université ne favorise pas autant la construction de « groupes » comme les écoles. L’industrie du cinéma est plus accessible par l’aspect technique que théorique. A l’issue de la fac, beaucoup changent leurs projets d’avenir par nécessité. Ces études peuvent êtres longues allant jusqu’à huit ans d’études. La formation universitaire notamment en Cinéma permet une construction de soi très enrichissante et pertinente. Elle mêle de nombreuses disciplines : Histoire, Langues, Philosophie, Social, Français, Lettres et Arts. Contrairement aux écoles et aux BTS, l’université propose plus difficilement un métier dans l’industrie cinématographique. Il en dépend de l’implication extra-scolaire de l’élève.


Ces exemples de parcours correspondent à ce qui existe globalement aujourd’hui. Il y a la possibilité d’accomplir des stages conventionnés qui apportent un excellent complément dans la limite où ce dernier est décroché. Il est possible d’accumuler les parcours. Commencer par l’université et continuer en réussissant le concours de l’une de ces écoles. Le cumule des parcours implique de longues années. Une formation implique au moins deux ou trois années. Lorsque l’on change de parcours on rajoute trois ou deux ans. Ainsi de suite. Les moyens financiers doivent suivre, le contexte affectif et la confiance en l’avenir également. L’université est le parcours le moins cher. Aucun d’entre eux ne garantit le succès dans le Cinéma. Il est possible aussi de mélanger différents corps de métiers. Un apprentissage du Cinéma et une formation en journalisme reste très cohérent dans l’intention de travailler en tant que critique. Il ne faut jamais oublier que la voie « royale » n’existe pas. L’aventure est hasardeuse et il faut en avoir conscience. Certains passionnés choisissent de faire leurs preuves en devenant « autodidacte ». Je vais prendre l’exemple d’un apprenti cinéaste, Kevin Muller, âgé de 21 ans qui rêve lui aussi de percer dans l’univers cinématographique. Kevin a suivi l’option théâtre au lycée puis une formation d’acteur aux Cours Florent. Il utilise Internet, mode de communication de ces dernières générations, pour promouvoir ses idées et ses projets. Il sollicite l’aide que l’on nomme « l’appel aux dons ». Il exploite intelligemment le médium le plus présent dans nos sociétés. Le net devenu le principal diffuseur de vidéos dans le monde a permis à de nombreux « amateurs » de sortir du lot. Je pense entre autres à la vague des podcasts (Cyprien, Norman, Hugo ou encore What the Cut) qui combinent avec stratégie, humour et la tendance du « court ». La série BREF, Scènes de Ménage, Nos chers voisins, puise leur force dans ces mêmes stratégies : court, drôle, pertinent et surtout en lien avec le quotidien. Kevin réalise ses propres vidéos qu’il publie sur Youtube. Il crée des buzz afin de donner envie aux internautes de le soutenir. Surtout, il a su s’entourer d’amis et de professionnels avec qui il monte ses projets. Il crée son site web dans lequel il décrit son parcours, met en vitrine ses talents et ses services. Depuis plusieurs jours il se sert des réseaux sociaux afin de promouvoir son dernier projet PANDORE, un court métrage original en voie de réalisation. Kevin et son équipe ont effectués de nombreuses démarches. Ils ont le soutien de l'association Deadalus Pictures qui finance en partie PANDORE et des studios TSF à Epinay sur Seine. Cependant pour accomplir son but, Kevin doit réunir la somme totale de 2000 euros en un temps restreint. Il s’agit là d’un montant peu élevé lorsque l’on sait ce qu’impose la production d’un court métrage. Kevin emploie la méthode qu’il a utilisée jusqu’ici, « l’appel aux dons », en passant par le site Ulule destiné à la promotion de projets. Il lui reste une quinzaine de jours pour atteindre son objectif. Pour mettre toutes les chances de son côté et convaincre une large population de la pertinence du projet, Kevin donne vie à son travail en révélant au fur et à mesure les rouages de PANDORE. Il anime ses pages web (kevinmuller.fr, facebook, youtube…) de vidéos, de teasers, en parlant de son casting composé de Didier DeRuelle-Kahne et de Chantal Baroin, en présentant le travail de son équipe, en donnant les prémices de son scénario et les images de son story-board. Percer dans le cinéma est indissociable d’une prise de risques mais il ne les prend pas seul. Kevin se donne les moyens pour vivre de sa passion et par force de communication, a le mérite d’avoir exploité avec succès l’ingrédient qui a fait de La Nouvelle Vague ce qu’elle a été : un « groupe ». Kevin qui ne suit plus l’école, ni un BTS, ni l’Université, est finalement plus près de la vérité qu’on ne le pense.




Rameau Antoine

 

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