L'Art est sur l'Image Cinématographique

Un Blog sur l'analyse filmique et la critique


dimanche 29 janvier 2012

Analyse d'American Psycho de Mary Harron


Le Personnage de Patrick Bateman





Description de l'émergence d'un personnage psychotique


Premières révélations: maniaqueries [Générique - 07min 15s]

Comment transformer la gastronomie en acte meurtrier ? Le meurtre ici est un art qui demande un certain sens du détail. Le blanc, omniprésent dans le film, permet de faire ressortir les couleurs, puis exprime à la fois la pureté et l'harmonie. Le rouge et le blanc sont en conflits, car le rouge représente la passion ainsi que la mort. Nous aurons la réccurente opposition entre le noir et le blanc soulignant toutes formes de dualités dans le récit.

Notre héros, Patrick Bateman (Christian Bale) semble être dans l'immédiat quelqu'un faisant preuve d'un certain contrôle. Le double jeu de Christian Bale éclate au grand jour lorsqu'il devient violent dans la boîte de nuit. Nous voyons en partie l'image de l'acteur dans un miroir. Symboliquement le miroir a son importance, car elle exprime le double, et entre autre la double personnalité de l'acteur. Puisque nous voyons Patrick Bateman qu'à travers le miroir, c'est à se demander si il s'agit dans un premier temps de la vision de son esprit.

Quand nous entrons dans son appartement, on note la présence du blanc qui domine. En s'accordant avec le blanc, le corps du personnage ne manque pas de faire penser aux statues grecques comme si il s'agissait d'art. Le corps devient art dans le décor. Patrick Bateman dévoile peu à peu ses rituels et l'attention qu'il porte à la minutie de ses gestes. Cela en fait indéniablement un personnage "maniaque".  Le dernier plan de la séquence, est cadré sur le reflet de Bateman. Nous le voyons enlever délicatement la fine couche de peau qui s'est formé après application des produits (photo 1). Indiscutablement la double peau révèle cette personnalité intérieure et laisse émerger le "deuxième Patrick". On peut penser au reptile qui change de peau, cet animal au sang froid, c'est à dire sans émotions. Cet aspect froid peut être associé à la présence du blanc ou alors au masque de glace qu'il porte sur les yeux pour lui permettre "d'émerger, de faire surface" (photo 2).




Sexe et Pulsions [16min 50s - 19min 41s]


Nous avons une discussion autour du Dorcia qui est le lieu le plus élevé de la bourgeoisie. Durant tout le film, nous constatons qu'à aucun moment Patrick Bateman n'arrive à réserver une place dans ce lieu, ce qui provoque un insupportable sentiment d'échec chez le personnage. Indéniablement il a ce besoin constant de surpasser les autres. Le personnage de Paul Allen (Jared Leto) est l'archétype parfait, qui a pour malheur de provoquer une totale irritation chez Patrick.

Vient le moment où les quatre collègues présentent leur carte professionnelle (photo 3). Nous décelons la connotation sexuelle avec ces hommes qui cherchent à savoir qui possède la plus grosse. Un autre point amusant, est cette manière qu'ils ont de dégainer leur carte comme si il s'agissait d'une arme. Nous sommes dans un duel de prestige. Quand Patrick Bateman présente sa carte, celle-ci s'accorde avec le cadre de la caméra ainsi qu'avec le bois de la table comme si il s'agissait d'une véritable oeuvre d'art alors que ceci reste un objet insignifiant. Ensuite nous avons la deuxième carte qui surpasse celle de Patrick. Il y a donc une colère qui commence à naître. La troisième carte surpasse la deuxième laissant Patrick encore plus loin derrière. Puis la dernière et parfaite carte est celle de Paul Allen, qui est perçu comme un coup de poignard dans la fierté de Patrick. Nous obtenons par la suite la séquence la plus populaire du film, lorsque Patrick tue Allen à la hache.



Paranoïa et psychotique [37min 50s - 44min 50s]



Quand nous avons le plan large sur Patrick et la prostituée dans le bain, on peut associer la scène à un rite cannibale. La prostituée serait dans un chaudron et Patrick y ajouterait des ingrédients (produits de bain, le vin blanc). Il lui donne des ordres comme à un animal que l'on veut dresser. Autre détail: comme l'animal, la prostituée ne parle pas.


La deuxième femme semble tout de suite beaucoup plus luxueuse (manteau, robe, beauté). Elles apparaissent comme des animaux de compagnie. Il impose d'une certaine manière sa supériorité en profitant du fait qu'elles ne soient que des prostituées. Il donne deux ou trois informations sur la carrière de Phil Collins: le moment où l'artiste est devenu le meneur du groupe. Cette allusion est mise en parallèle avec sa propre vie, une vie dans laquelle il aimerait mener et dominer les autres. Mais la seule chose qu'il arrive à contrôler sont ces deux femmes.

Nous avons une "triangularité" entre les deux femmes sur le canapé qui forment la base du triangle et Bateman dans la chambre, qui est  au sommet de cette triangularité. Après les statues grecques, nous retrouvons la hiérarchie pyramidale. Patrick agit comme si il était un dieu. Les femmes sont en parfaite symétrie pour donner le sentiment à Patrick d'en être le point convergeant, ou le centre du monde. En parlant de Phil Collins, il défend la perfection de Genesis et surtout de la carrière solo du chanteur. Patrick s'identifie à Phil Collins, c'est à dire un artiste.

Nous avons une prostituée en dessous blancs et l'autre en dessous noirs. Il y a toujours ce contraste blanc et noir. Patrick porte un ensemble noir avec une chemise blanche. Un costume symboliquement mortuaire et montrant encore une fois cette dualité de la double personnalité. Nous avons le miroir dans la chambre révélant le visage fou de Patrick. Il se félicite lui même par des petits signes et s'admire (photo 4).

American Psycho est un film extrêmement misogyne et un monde homosocial. Quand il se réveil, c'est pour devenir le psychopathe enfoui qu'il est. Il présente un arsenal d'objets coupants, pinçant, piquants, dignes d'un bourreau. Chez le psychopathe, l'arme prend la place du sexe pour transmettre le plaisir. Il sort du meuble, un cintre qui est l'objet censé porter le costume. Patrick décide à ce moment de porter son double.
 



Conclusion:
 

Le personnage est torturé entre son impression d'infériorité et son besoin de domination.
Il est frappé de frustrations régulières qui le poussent à éclater violemment et de manière inattendue. Il passe de l'homme extrêmement névrosé à l'homme psychotique.
Il en est tel que son plaisir ne passe plus forcement par le sexe, mais par l'acte criminel. L'objet remplace le sexe et devient son moyen d'expression. Refusant d'admettre son état instable et meurtrier, le psychotique se considère comme étant un artiste incompris.



Le message du film n'est pas forcement de montrer Patrick Bateman comme un individu raté. il s'agit plutôt de révéler les incohérences du système dans lequel il se situe. (A.R)

7 commentaires:

  1. Excellente analyse que cet article !
    D'un point de vue beaucoup plus factuel, on peut trouver dans l'article suivant les éléments qui construisent le style de vie de ce golden boy new-yorkais : http://muneratio.blogspot.fr/2013/04/lifestyle-patrick-bateman-american-psycho.html

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  2. Merci Ludovic. Effectivement, l'individu fabrique sa personnalité en fonction de la marque et du prestige. Mais c'est tromper le spectateur. Au lieu d'être une icône du consommateur le plus intègre en société, on bascule finalement vers l'autre aspect, l'homme revenu à l'état sauvage et primitif. Consommer le luxe est une obsession, le meurtre est pour lui un autre luxe parce que sa position en haute sphère le lui permet. Cependant, une vie qui consomme un extrême et l'autre, demeure une vie un peu "zombie" ou morte. Le triste résumé, est que sa vie n'a pas beaucoup de sens en fin de compte.

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  3. Valentin G.mai 24, 2013

    Je suis d'accord avec tout ce que tu as dit, c'est une bonne analyse cependant je trouve que tu ne parles pas des réelles questions du film selon moi à savoir :
    - Est ce qu'il tue vraiment ses victimes? Je pense qu'il n'en a tué aucune.
    - Existe-t-il vraiment? Ok plein de personnes l'appellent Patrick Bateman mais il se fait appeler Hamilton après la 7eme minute du film, Halberstram par Jared Leto, Il se fait appeler McCloy après la 22eme minute et finalement Davis par l'avocat à 1h28 du film. Le plus intrigant est que Jared Leto Connais Evelyn Williams comme étant la femme de Patrick Bateman, il dit que Bateman est un "dork" il le connait donc un peu pour savoir que la personne qu'il voit en face de lui n'est vraiment pas Bateman...
    Pour moi la partie la plus intrigante est le dialogue entre Bateman et l'avocat à la fin du film.

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  4. C'est super, j'attendais que quelqu'un me parle de ce détail ^^:
    Alors, c'est drôle parce que ma toute dernière remarque à la fin du film c'était: il change toujours de nom celui là. Donc ma première question était, est ce que tout ceci s'est vraiment déroulé ?
    Après mon avis, c'est qu'un film qui n'est pas clair et ne sait pas trop où il va... ben c'est pas un si bon film. Il y a ce genre de films où ils ne veulent pas donner de réponses et laisser le spectateur interpréter à sa façon. Je pense que l'idéal serait de le confronter au livre dont il s'est inspiré.
    L'avocat est assez étrange parce qu'il insiste sur le prénom Davis, alors que Bateman insiste que ce n'est pas le cas. Son dernier message est un message de détresse en quelque sorte, et finalement les gens lui donnent une nouvelle identité venant à effacer tous ses crimes.
    Donc ma première idée, c'est: il a tout imaginé depuis le début, et le film ne traduit rien d'autre que les pensées du tueur.
    Dans mon analyse je parle de personnage reptilien, qui change de peau, se transforme, mue pour être plus exacte. Je parle entre autres de cette fine couche de peau qu'il retire au début du film.
    Indéniablement Patrick, possède plusieurs facettes. Est-ce qu'il y a un moment où il n'est pas redevenu "le vrai Patrick".
    On peut affirmer que le film traite de la folie. La seule preuve que nous pouvons affirmer, c'est que l'on voit son nom inscrit sur sa carte professionnelle.
    Patrick c'est un fantôme, à la fois monsieur tout le monde et monsieur personne.
    C'est pour ça que je suis venu à me demander, est ce vraiment important ce changement de nom. Est ce réellement décisif dans les enjeux narratifs ?
    Il représente plus un état "malade" du capitalisme, comme das un film récent de David Cronenberg "Cosmopolis".
    Par état malade je pense au pouvoir de consommation, à une forme d'aliénation, à une emprise du monde économique sur l'Humain.
    Mais je pense que quelqu'un ayant lu le livre, pourrait apporter une autre vision à la question.

    Merci Valentin, n'hésite pas à faire un retour sur le blog.

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  5. Juste une dernière précision:

    Mon article se concentre exclusivement sur le personnage.
    Du coup j'ai mis de côté les aspects complexes du récit, dont le mystère qui plane autour de ce qui s'est réellement passé.

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  6. Super analyse ! Je pense aussi qu'il est bateman (ses initial sur le livre que sa secrétaire lit a la fin) mais comme dans fight club, sa folie lui a fait voir des truc qui ne sont pas la, il a du tout imaginer.

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  7. Très bon analyse Antoine, j’ajouterai bien sûr que les scènes de meurtres n’ont pas existées, elles sont le fruit de son désir et imagination et sont juste retranscrites sur son fameux livre de dessins , le réalisateur a délibérément fait des scènes de meurtres impossible , par l’indiscrétion générale, l’épouvantable carnage innétoyable . l’impossibilité de jeter la tronçonneuse sur le tapin dans les escaliers , courir nu dans les couloirs de l’immeuble avec une tronçonneuse en marche relève de l’impossible sans se faire démasquer et pour finir bien sûr ce fameux chargeur éternel de son calibre nous pousse bien sûr à comprendre que tout cela relève de son imagination et ne peut être crédible que dans une bande dessiné , mais Patrick est bien Patrick, schyso, victime de cette ambiance News yorkaises dans laquelle triomphe cette stupide compétition matérialiste pourrie par l’oseille , et Patrick Bateman souffre terriblement de sa place dans cet univers , placé dans laquelle il est très à la traîne et écrasé , surpassé par ces amis nettement au dessus sur le plan sociétale ! Lionel franc

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