L'Art est sur l'Image Cinématographique

Un Blog sur l'analyse filmique et la critique


jeudi 26 juin 2014

Analyse et Critique - A Touch of Sin de Zhang-Ke Jia


 
Film chinois sorti en salles le 11 décembre 2013 et réalisé par Zhang-ke Jia

Filmographie : Xiao Wu, artisan pickpocket (1997), Platform (2000), Plaisirs Inconnus (2002), The World (2004), Dong (2006), Still Life (2006), Useless (2007), 24 City (2008), I Wish I Knew (2010), A Touch of Sin (2013)

Casting : Jiang Wu, Vivien Li, Luo Lanshan, Wang Baoqiang, Zhang Jia-yi, Zhao Tao.

Nomination : Le film remporte le Prix du Scénario lors du Festival de Cannes de 2013.



A Touch of Sin traduit par « Un soupçon de pêché » se réfère au film A Touch of Zen de King Hu réalisé en 1971. Le film déroule quatre histoires avec quatre personnages diamétralement opposés. Le premier est un ouvrier, le second vit dans les taudis, la troisième travaille dans un salon de massage et le dernier est un jeune en recherche perpétuel d’emploi. Le film s’inspirerait d’évènements réels et se passe dans une Chine assez récente. Le réalisateur créé un univers qui tourne autour du « wuxia » (héros-guerrier ou chevalier martial ou chevalier errant) figure décrite dès le 2e siècle av J-C.

On peut penser que ce film traite du « hors-la-loi », ressemblant en quelque sorte au « western » chinois. Les protagonistes sont chacun en proie à un monde violent, ils sont vagabonds, en quête d’une justice qu’ils appliquent eux-mêmes, par contrainte ou par choix. En déroute, ils semblent sans attaches et errants comme l’indique le terme wuxia. Ils sont à l’image d’un système déjà rude. Si l’on prend en considération les quatre personnages dans l’ensemble du film, il serait sans doute plus exact de les appeler « marginaux » (ou déviants de leur société).

On  s’attend à un quelconque lien entre eux car ils viennent à se croiser deux ou trois fois notamment lors du générique. L’absence de lien entre les personnages nous force à interpréter ces « croisements » différemment. Le film serait construit comme une « course de relais » et ils se transmettent leur violence de façon symbolique : comme si le pêché était transmis du bout du doigt. Ils deviennent chacun leur tour, des chevaliers errants, caractérisés par des attitudes ou des comportements. Il y a peu (voire pas) de musique. Par moment les « héros » ne parlent pas, sont muets. Ils sont dans la continuité du mouvement, sur la fuite, l’égarement. À leur façon ils avancent dans la narration : l’un en tuant ses patrons les uns après les autres, l’autre en étant de passage chez sa famille avant de devoir fuir, l’une après avoir tuée deux hommes et le dernier à la recherche d’un endroit où se sentir à sa place. A Touch of Sin dépeint d’une certaine manière la mentalité et l’atmosphère qui règne en Chine au sein de sa population.

Les personnages encaissent, puis viennent à exploser ne trouvant plus de solution à leur situation. Les quatre protagonistes portent un regard soucieux sur la collectivité et cherchent leur insertion en société. Confrontés à l’échec, ils basculent malgré eux vers le résultat inverse et nous renvoient au sentiment de solitude général.

Zhang-Ke Jia travaille la violence avec intelligence, qui est à la fois un aspect de leur culture et devient une forme d’inquiétude artistique.


L’info en plus : Le réalisateur Nicolas Winding Refn dans son œuvre Only God Forgives, construit le personnage de Julien de la même façon que le wuxia. Dans un monde d’errance, de justice, de silence et de violence.





Rameau Antoine



jeudi 19 juin 2014

No Pain No Gain de Michael Bay (2013)


 
Adaptation à l’écran des trois criminels les plus impensables d’Amérique

 

Michael Bay accro au pur concentré Américain, ne s’est pas fait prier pour réaliser cette histoire tellement improbable et pourtant vraie. Aucune fantaisie de la part des scénaristes, tout était bon à prendre.

Filmographie: Bad Boys (1995), Rock (1996), Armageddon (1998), Pearl Harbor (2001), Bad Boys 2 (2003), The Island (2005), Transformers (2007), Transformers 2 (2009), Transformers 3 (2011), No Pain No Gain (2013), Transformers : l’âge d’extinction (2014), prochainement : Ghost Recon (2014)

 

Il s’appelait Lugo Daniel, un bodybuilder, et il voulait vivre son « rêve américain ». C’est en 1994 à Miami, avec l’aide de ses acolytes (bodybuilder) Jorge Delgado et Noel Doorbal, qu’il décide de kidnapper le businessman argentin Marc Schiller, afin de s’emparer de sa fortune. Ils reportent à plusieurs reprises l’enlèvement avant de trouver la meilleure opportunité. Après le vol de ses biens, ils auraient maintes fois tentés de le tuer sans y parvenir, le laissant dans un sale état. Marc Schiller reconnaît rapidement l’un d’entre eux, suite à l’une de leur discussion. Malgré les nombreuses indiscrétions de Jorge Delgado, ils utilisent à nouveau leur plan en visant Frank Griga un producteur de porno. Le corps brûlé de ce dernier et de sa femme Krisztina Furton sont identifiés grâce au numéro de série des implants mammaires qu’elle portait. Les trois ravisseurs avaient l’intention de les découper à l’aide d’une tronçonneuse. Mais n’arrivant pas à l’allumer, ils ont échangés l’objet en magasin contre une hache. C’est ensuite qu’ils ont brûlés les corps dans un tonneau. Lugo est arrêté aux Bahamas en mai 1995. Il est condamné à mort avec Noel Doorbal après 15 ans de prison. Quant à Jorge Delgado il est libéré au bout de 7 ans au lieu de 15.

No Pain No Gain est complètement décalé, au point de devoir certifier une nouvelle fois dans le film qu’il s’agit d’une histoire vraie. Bien évidemment, certains détails sont rajoutés ou adaptés essentiellement pour la fiction. Marc Schiller, la victime, n’a pas apprécié le ton humoristique employé par le réalisateur alors qu’il a vécu l’enfer. Pourtant il n’y a pas d’autre mot que « stupidité » pour décrire cette affaire. Il écrit le livre Pain and Gain – The Untold Story afin d’éclairer certains points. Il passera un an en prison pour fraude.

L’idée de Lugo lui est venue assez simplement : « j’étais fort, je voulais être comme Tony Montana (Scarface) ». Le personnage avait beau être charismatique, il a fini comme une passoire au fond de sa piscine. Prêt à payer ce prix pour le « rêve américain » ?

 

 

Rameau Antoine
 

lundi 9 juin 2014

Batman Returns de Tim Burton (1992)


Deuxième article sur Le Chevalier Noir rédigé par Teddy Slamani, Bat-Fan et surtout connaisseur de l'univers DC Comics.




Histoire: Tucker et Esther Cobblepot, un couple aristocratique vivant à Gotham City, abandonnent leur enfant Oswald Cobblepot en le balançant dans les égouts par ce qu’ils éprouvent en voyant son physique difforme. 33 ans plus tard, Oswald Cobblepot élevé depuis par des pingouins, fomente une attaque à Gotham lors d’une représentation publique de Max Schrek (un industriel Millionnaire) visant à le kidnapper. Le Pingouin décide de se servir du pouvoir politique de Max Schreck pour refaire surface et s’imposer auprès des citoyens de Gotham. Pour ce faire le Pingouin décide de le faire chanter en le menaçant de dévoiler ses activités criminelles si ce dernier refuse de l’aider.

Le Pingouin élabore un plan visant à faire son entrée au sein de Gotham en tant que héros. Il fait kidnapper le fils du maire pour ensuite le délivrer. De son côté, Bruce Wayne/Batman émet des doutes quant à la sincérité du geste de Cobblepot. Il décide donc d’enquêter sur son passé et établit un lien avec le Gang du Cirque du Triangle Rouge (celui-ci ayant récemment été lié à la disparition d’enfants).

En parallèle, Selina Kyle, secrétaire de Max Schreck, découvre des documents compromettants sur les affaires de Schrek. Ces documents concernent une centrale qui rejette des déchets toxiques. Max Schreck prend Selina en flagrant délit et la défenestre. Laissée pour morte, Selina Kyle survit réanimée par des chats. De cette renaissance naîtra Catwoman, cambrioleuse vêtue d’un costume de chatte noire avec pour principal objectif : se venger de son patron.

Pendant ce temps, Max Shreck cherche à remplacer le maire actuel par le Pingouin, lui permettant d’accroître son pouvoir sur la ville et par la même occasion de concrétiser son projet de centrale électrique. Bruce et Selina se rencontrent et entament une relation amoureuse sans connaître la double identité de l’autre, créant ainsi une situation conflictuelle puisque Catwoman et le Pingouin s’allient pour se débarrasser de Batman en le discréditant et le faisant passer pour ce dont il s’est toujours juré de combattre : un criminel.



Suite au succès du premier opus, on peut parler de phénomène de société. Le Batman de Burton relança l’engouement auprès du personnage, ce qui sera alors appelé la Bat-mania. Rappelons que le film rapporta un peu plus de 400 millions de dollars pour un budget de 35 millions de dollars. Les Studios Warner décidèrent donc de produire un deuxième film, avec encore une fois Tim Burton aux commandes. Il n’était, dans un premier temps, pas d’accord pour réaliser la suite de Batman. D’autant plus que les Studios désiraient inclure Robin (le sidekick de Batman) et ce depuis le premier film alors que Burton a toujours été réticent à l’idée d’inclure ce personnage. Robin sera introduit par la suite dans les adaptations cinématographiques de Batman «dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom» réalisé par Joel Schumacher.

Tim Burton décida entre temps de se consacrer à la réalisation d’un projet beaucoup plus personnel, Edward aux mains d’argent, qui sortira en 1990. La Warner relança le réalisateur en lui proposant cette fois une totale liberté artistique. Burton figure même parmi les producteurs du film. Traumatisé par le tournage du premier opus, il se pencha sur ce projet avec une certaine prudence. Il réalisa ce qui devint l’un de ses films les plus personnels et à mon humble avis l’un de ses meilleurs.

Du côté du casting, on retrouve bien évidemment les mêmes acteurs pour leurs rôles respectifs lors du premier film. Dans les nouveaux nous avons, Michelle Pfeiffer dans le rôle de Selina Kyle/Catwoman, Danny DeVito dans celui du Pingouin/Oswald Cobblepot et Christopher Walken en Max Schrek.


Gotham City

Graphiquement le film est toujours dans la même lignée que le premier opus. Gotham City a entièrement été conçu en Studio avec une touche à la fois plus raffinée et gargantuesque. Dans le premier Batman, Gotham paraissait grisâtre voire rouillée. Ici le film se déroule en hiver, en pleine période de Noël. La ville y est enneigée, une imagerie récurrente chez Burton, qui n’est pas sans rappeler son précédent long métrage, Edwards aux mains d’argent. La ville apparait comme étant littéralement nettoyée des crimes dont elle fut gangrenée. En réalité, la neige apparait comme un voile visant à cacher les maux dont Gotham est affublée. Un élément produit un fort contraste avec la neige qui couvre la ville : le film se situe uniquement de nuit, même quand certaines scènes sont censées se dérouler en plein après-midi. Le premier film s’amusait à brouiller les pistes concernant l’époque de l’histoire. Ici, c’est le temps qui est encore plus encré dans l’univers. Les choix du film brouillent les pistes en nous plongeant dans une réalité aux antipodes de la nôtre.


Catwoman

 
Au début du film, Selina Kyle est représentée comme une secrétaire assez maladroite, qui a du mal à s’exprimer et à exister auprès des autres. Avant sa transformation, elle n’apparaît qu’en arrière-plan et appartient au décor. Une fois ressuscitée, un changement va s’opérer dans sa personnalité. Elle va totalement s’émanciper d’une société ou règne les hommes sous sa forme la plus féminine. Telle une force brute de la nature et indomptable. Elle va se créer un personnage masqué, une nouvelle peau à travers Catwoman, un masque qui ne lui permettra pas de se cacher mais plutôt de laisser ressortir sa vraie nature. Son costume noir, luisant, très sexuel, aux coutures découpant son corps, rappelle à la fois des monstres tels que la créature de Frankenstein, mais aussi l’état d’esprit du personnage. Les coutures représentent à la fois le chaos qui règne dans la tête de Selina Kyle mais aussi les cicatrices causées par les hommes dont elle essaiera de se venger (notamment son patron Max Shreck). Michelle Pfeiffer incarne une Catwoman absolument parfaite, au regard très félin, à l’allure et à la façon de se mouvoir très sensuelle. Notons aussi une alchimie et un jeu de regard assez intense lorsque Bruce Wayne/Batman et Selina Kyle/Catwoman apparaissent ensemble.


Le Pingouin

Oswald Cobblepot alias le Pingouin, représente le monstre que Burton adule, un être abandonné par ses parents, vivant dans les égouts, en marge de la société, élevé par des pingouins, rejeté à cause de son physique et perçu comme n’étant qu’une bête de foire. Celui-ci le dit d’ailleurs dans le film « c’est humain hélas, que de rejeter ce qui est autre ». Il va alors chercher à se faire accepter auprès des citoyens de Gotham à l’aide de Max Schreck. Ce dernier va se servir de lui pour mener une campagne et prouver qu’Oswald Cobblepot « l’homme » est quelqu’un de bien. Pour ce faire, Oswald va alors maquiller ses véritables intentions, ne pouvant se plier aux conventions de la société. Il laissera réapparaître sa nature profonde, sa part d’animalité, d’homme «pingouin», dont la mort rendra son existence d’autant plus pathétique. Sous le costume du Pingouin se cache un Danny DeVito méconnaissable qui incarne le personnage avec beaucoup de sens.


Max Shreck
 
 
Le véritable méchant si l’on regarde sous un autre angle n’est autre que Max Shreck. Il apparait comme étant le plus humain mais s’avère être au fond le véritable monstre. Contrairement au Pingouin, il est accepté au sein de la société, il a l’air sympathique et présente « bien » afin de s’attirer le soutien du peuple. En réalité il s’agit d’un homme d’affaire véreux, sans scrupule, un assassin ne reculant devant rien et n’hésitant pas à corrompre et manipuler son entourage à des fins personnelles. Il se construit une  façade. Toutefois, il n’est pas complètement dénué d’humanité puisqu’il n’hésitera pas à se sacrifier à la place de son fils. On peut noter, que le personnage qu’incarne Christopher Walken est une autre référence à l’Expressionnisme Allemand. Son personnage s’appelle Max Shreck comme l’acteur Allemand Max Schreck qui a joué en 1921 dans Nosferatu.

[Rameau Antoine : Christopher Walken (Max Shreck) ressemble de près à l’acteur Rudolf Klein-Rogge de Metropolis dans lequel il donne vie à Maria l’androïde. Michelle Pfeiffer (Catwoman), par la découpe de son costume est, à la manière de Tim Burton, la création de Max Shreck.]


Batman

 
Et Batman au milieu de tout ça ? Il a toujours l’aura d’un fantôme qui surveille sa ville, tel une bête défendant son territoire. Il est placé sur un même pied d’égalité avec ses ennemis. Cependant il se retrouve vite dépassé par les événements. Dans un monde qu’il ne comprend plus où chacun avance à visage masqué laissant paraître sa vraie nature. Ou au contraire avance à visage découvert cachant leur nature profonde. Il tente de nouer une relation amoureuse avec Selina Kyle, ce qui s’avère impossible à cause de la rivalité qui les anime via leur double identité.



 
Danny Elfman

 
Compositeur attitré de Tim Burton, qui a œuvré dans tous ses films (à l’exception d’Ed Wood et Sweeney Todd), Danny Elfman vient ici parachever les compositions du premier Batman. Il compose un véritable opéra. Les thèmes y sont mémorables pour chacun des protagonistes. Ainsi le thème de Batman y est transcendé grâce à l’utilisation omniprésente de chœurs rappelant Edward aux mains d’argent. Le Pingouin profite d’un thème à l’atmosphère funèbre et pour Catwoman, personnage sinueux et torturé, des musiques portées par une émotion incroyable.





Ainsi vous l’aurez compris, la dualité est l’un des thèmes qui inonde le film. En effet Batman Returns met en exergue la dualité des Hommes à travers l’animalité de chacun. Représentés respectivement par une chauve-souris, un chat et un pingouin. Où chaque personnage cherche à exorciser ses névroses, s’émanciper ou tirer profit de la faiblesse des autres. Plus personne ne sait où il en est quant à sa place dans la société. Le film démontre à travers tous ses personnages qu’il est loin d’être « manichéen » et fait preuve d’une certaine profondeur dans son traitement. Tout n’est pas, soit noir soit blanc, tout y est nuancé. Il y a encore énormément de choses à dire sur ce film tant les thématiques abordées y sont riches en symbolisme. Tim Burton développe en ce sens l’une des œuvres les plus pessimistes, riches et profondes sur le Chevalier Noir. La nature humaine qui hisse le film parmi les meilleures adaptations de Batman, de Super héros est en fait tout simplement l’un de ses plus grands films.



Teddy Slamani