L'Art est sur l'Image Cinématographique

Un Blog sur l'analyse filmique et la critique


vendredi 30 août 2013

Critique de Jeune et Jolie de François Ozon (Spoil): Clin d'oeil à Charlotte Rampling





Résumé: Isabelle (Marine Vacth), jeune fille rayonnante, réalise sa première expérience sexuelle l'été de ses 17 ans. Dès l'automne elle semble mener une double vie. Sous un pseudonyme, elle réalise plusieurs passes auprès de clients avec qui elle a pris contact sur Internet, puis par téléphone. Elle créée sa page sur laquelle elle met des photos d'elle nue. Elle ment sur son âge et sur sa situation professionnelle. Progressivement Isabelle devient prisonnière d'un engrenage dont elle n'arrive (et ne compte) pas à sortir. Cette seconde vie brouille toutes les perspectives de sa personnalité, l'empêche de distinguer ses limites et les barrières à ne pas franchir. Cette position délicate atteint le seuil de la "normalité" dans l'esprit du personnage. Sans prétention et sans juger, François Ozon nous propose de porter un regard sur un sujet longtemps resté tabou: la prostitution exercée par des mineures. Isabelle entre en conflit avec des parents qui éprouvent difficilement cette réalité. Quelle doit-être la place de chacun ? Il s'agit sans doute de remettre en question les normes et les règles qui existent en société. Isabelle ne voit aucun mal dans ses choix. Tout son petit monde vient la marginaliser puis douter d'elle. Le réalisateur nous met dans l'impasse car la situation nous semble choquante, alors que le personnage principal est entièrement consentant.



 
C'est à chacun (le spectateur) de se faire une idée du thème. Jeune et Jolie est un film qui divise le public en deux: ceux qui acceptent difficilement le sujet et ceux qui décèlent de nombreuses subtilités. Le thème de la prostitution "estudiantine" apparaît également dans un film Franco-américain réalisé par Roger Avary en 1993, Killing Zoe. Zoe (Julie Delpy) est une jeune prostituée qui rencontre Zed (Eric Stoltz) lors d'une nuit à l'hôtel. Un homme capable de percer des coffres forts et qui sera conduit à réaliser un casse sur Paris le lendemain. Le thème du film est le hold up et non la prostitution, mais nous trouvons des similitudes avec Jeune et Jolie.
Je m'arrêterai plus particulièrement sur la  dernière rencontre d'Isabelle. Elle est confrontée à la femme de George. Ce personnage est joué par Charlotte Rampling dont on reconnaît le regard bleu et pénétrant. Le regard de Charlotte nous renvoi à celui de Marine Vacth. Si nous connaissons la carrière de Charlotte Rampling, nous devinons alors que cette rencontre va au delà de la narration. Ce n'est plus une confrontation de personnage à personnage, mais d'actrice à actrice.

 

L'un des rôles majeurs dans la carrière de Charlotte Rampling est celui de Lucia dans le film Portier de Nuit, réalisé par Liliana Cavani en 1974. L'histoire se passe en 1957 à Vienne. Lucia est une ancienne déportée juive qui a survécue aux camps de concentration car elle entretenait des rapports sexuels et sado masochistes avec Maximilian, un officier nazi. C'est en 1957 que Lucia loge dans un hôtel dans lequel Maximilien travail comme portier. Cet ancien officier a réussi à échapper aux différentes traques visant à juger les partisans du régime nazi. Ce retournement de situation confrontant les deux protagonistes réveil les douloureux souvenirs. Alors que l'on s'attend à une vengeance de la part de Lucia, la passion sado masochiste refait surface et enferme de nouveau les personnages dans un rapport macabre et sans issues. Dans une chambre de l'hôtel, ils s'abandonnent à leurs anciens jeux. Ils recréent l'univers du camp de concentration au sein d'une chambre dont ils ne veulent et n'osent plus sortir. Sujet extrêmement tabou et sensible, il fait scandale à sa sortie en salles. Le spectateur refuse ce retour consentant vers l'horreur. Ce rôle transforme considérablement l'actrice.
Jeune et Jolie, vécue comme sa toute première expérience d'actrice à l'écran, est un véritable défi pour Marine Vacth qui rêve de lancer sa carrière. Nous craignons généralement que des rôles aussi sensibles viennent étiqueter l'actrice elle même. On pense également au film Le Dernier Tango à Paris de Bernardo Bertolucci réalisé en 1972. La jeune actrice Maria Schneider dans le rôle de Jeanne, a été accablée de critiques et de rumeurs à cause de la célèbre scène où Marlon Brando effectue une sodomie en utilisant du beurre. Ce passage était perçu comme choquant et sans pudeur. L'actrice a mal vécue cette expérience et a mis fin à sa carrière.
 

 

 
Charlotte Rampling apparaît comme une mère ou un maître venant féliciter (encourager) Marine Vacth pour le dur rôle qu'elle a acceptée d'endosser. La dernière scène est extrêmement touchante et apaise le rapport que peut entretenir le personnage avec le spectateur. Ce n'est plus une première expérience sexuelle, mais une virginité ôtée par le cinéma. A son réveil, comme si Charlotte Rampling n'était rien de plus qu'un fantôme, Marine Vacht se sent soulagée comme si elle venait d'accomplir ce que peu de personnes auraient été capables de réaliser. En acceptant ce rôle, l'actrice pousse de nouvelles frontières et marque sa place dans le cinéma français. François Ozon, soucieux et conscient de l'impact d'un tel rôle, soigne les maux de la jeune actrice en lui offrant la sagesse et l'expérience de Charlotte Rampling.



Rameau Antoine

jeudi 29 août 2013

Analyse du Zombie au cinéma: La Nuit des morts Vivants (1968) à World War Z (2013)


The Night of the Living Dead, connu sous le nom de La Nuit des Morts Vivants est le tout premier film d'horreur réalisé sur l'attaque en masse du zombie. George A(ndrew) Romero est le célèbre cinéaste qui mettra en scène les nombreux films de zombies au cinéma dont The Night of the Living Dead, The Crazies (1973), Zombie (1978), Le jour des morts vivants (1985), Le territoire des morts (2005), Le vestige des morts vivants (2009) et pleins d'autres que je n'ai pas cité.


Le film sur le Vaudou et la Magie Noire est précurseur au film sur le Zombie à part le film White Zombie de Victor Halperin sorti en 1932 avec Bela Lugosi, la première oeuvre mettant en scène des morts-vivants. Nous avons notamment I walked with a Zombie (1943) de Jacques Tourneur, Zombies on Broadway (1945) de Gordon Douglas ou encore The King of Zombies (1941). Les corps sont contrôlés par des sorciers noirs Africains qui utilisent la magie noire ou l'hypnose. Ils lancent plusieurs malédictions contre les colonisateurs blancs qui viennent commercer sur le continent. Il s'agirait d'une vengeance répondant aux nombreuses déportations des peuples noirs d'Afrique. Le Zombie est alors un être qui ne connaît pas le repos. Il a pour rôle de pourchasser et persécuter ses victimes sans que rien ne puisse l'arrêter. L'être humain ressemble à un pantin, un automate qui accompli sa mission jusqu'au bout et ne peut disparaître tant qu'il n'a pas réussi.
 
C'est en 1968 que le premier film de Zombies, tels que nous les connaissons, apparaît. Les corps en putréfactions et décompositions sont ramenés à la vie. Les cadavres sortent de terre, ils déambulent sans buts et n'ont que pour seul instinct de manger les survivants. Le plus souvent, la zombification résulte du contact entre un vivant et une arme biochimique (développée secrètement, de quoi rendre le gouvernement encore plus coupable) qui s'est accidentellement répandue. L'armée est souvent tenue pour responsable de la catastrophe et décide arbitrairement de garder les derniers survivants en quarantaine. Le gouvernement est souvent entaché et tenu pour responsable de l'accident. Il est celui qui impose la loi et le pouvoir par la force lorsque la société est ébranlée ou n'existe plus.
 
 
Pour soutenir l'idée de cet article sur le zombie, j'ai choisi l'ouvrage:
Des revenants, corps, lieux, images, d'Olivier SCHEFER, 2009, éditions Bayard, p101.
 
Le cinéma de George A Romero, comme le Vaudou, est une culture qui lutte contre la maîtrise. Le Zombie devient le monstre crée par une société industrialisée qui repousse dans les marges des corps improductifs. Le film de Zombies permet aussi de réfléchir sur la violence qui persiste au sein d'un système. Cette violence du capitalisme, ne produit non seulement des monstres et des survivants marginaux, mais elle les nomme, gère les flux, organise les marges, règle les cadres, elle surveille ses propres monstres.
 
Adorno et Horkheimer: "La violence de la société industrielle, constataient-ils, s'est installée dans l'esprit des hommes". Il ne faudrait pas seulement dire que le plaisir consiste à consommer quelque chose, à s'approprier tel objet, aux dépens d'une approche plus intériorisée, méditative ou contemplative de l'objet. La nature même du plaisir est conditionnée et déterminée par cette logique de l'appropriation. L'objet est répétitif et le plaisir est plaisir de répétition. "Le seul moyen de se soustraire à ce qui se passe à l'usine et au bureau est de s'y adapter durant des heures de loisir".
 
Les Zombies renvoient cette image déformante de cette mécanique d'appropriation. Violents et dociles à la fois, maîtres et esclaves, victimes et agresseurs, les zombies sont devenus des victimes idéales, d'authentiques cibles de fêtes foraines sur lesquelles le mâle occidental peut se soulager en vidant un chargeur et en libérant son âme de toute responsabilité. Les Zombies sont des révoltés et les derniers affranchis rejettent toute loi et organisation. Les Zombies transforment les vivants en une société de corps anonymes. En dévorant leurs contemporains, ils mangent sans se rassasier, non seulement parce qu'ils appartiennent à un monde de la consommation frénétique, mais surtout parce qu'en zombifiant les autres vivants, ils réduisent l'autre à du même et bouclent ainsi toutes les issues.
 
Dans l'Anti-Oedipe, Deleuze et Guattari estiment que le propre du capitalisme est d'avoir intériorisé la mort, en l'espèce d'une antiproduction mêlée partout à de la production. "Le seul mythe moderne c'est celui des zombies - schizos mortifiés, bons pour le travail, ramenés à la raison. En ce sens, le sauvage et le barbare, avec leurs manières de coder la mort, sont des enfants par rapport à l'homme moderne et son axiomatique".
 

Depuis le début des années 2000, la figure du Zombie évolue en ce que j'appellerai la figure de l'Infecté. Nous avons le film 28 jours plus tard de Danny Boyle sorti en 2002. Ces Zombies évoluent avec le temps et il devient de plus en plus difficile de les nommer. Ils semblent évoluer de la même façon que la technologie avance. Ils s'améliorent, deviennent plus dangereux, rapides, agiles, voire intelligents. On fera donc la distinction entre Zombie et Infecté. Le Zombie semblait être le résultat d'une catastrophe où il était encore possible de lui faire face à cause de sa lenteur. A présent cela devient un phénomène trop complexe à endiguer. Il semblerait donc que cette figure soit le miroir du capitalisme dans nos sociétés. En période de crise, l'individu demeure prisonnier de ce monde de consommation qui ne cesse de proliférer. Il s'agit d'une situation qu'on ne contrôle plus. Entre diverses avancées et modes de productions, malgré la situation de crise, la société pousse à consommation au delà du possible. L'Infecté, forme de Zombie évolué, surpasse l'Homme qui n'a plus que comme solution la fuite et non le combat. Nous parlons de maladie comme la rage ou la peste, capable de se propager rapidement et à grande échelle. 28 jours plus tard montre le pays des Royaume-Unis submergé par cette vague en l'espace de quelques jours. Dans le film de Zombies, le personnage principal constate lui même cette propagation et l'état chaotique de la société. Dans ces films "nouvelle génération", le héros se réveil au sein du chaos (souvent dans un hôpital après un long coma - 28 jours plus tard et The Walking Dead) et comprend difficilement la situation.
Les moyens de riposter deviennent démesurés, des fois presques absurdes. Les héros sont excentriques ou fous. Les survivants qui intègrent la violence et ses extrêmes semblent êtres dans la mesure de faire face au désastre. On peut mentionner le film Planet Terror de Robert Rodriguez où les personnages du films font appels à toutes les armes inimaginables pour répondre à la propagation des Infectés.
 
 
Jusqu'ici ces catastrophes se passaient dans une ville, une région ou bien un pays tout entier. Avec World War Z sorti récemment en salle et réalisé par Marc Forster, l'Infection devient une affaire mondiale. L'image du Zombie a évolué et pas forcement dans le bon sens. Si le mythe du Zombie est un mythe moderne qui reflète le capitalisme et le monde de la consommation, on s'aperçoit que même derrière un film de divertissement, le sujet nous renvoi à l'image de notre société actuelle. Sans tomber dans le négativisme nous sommes forcés d'admettre que le Zombie n'a cessé de nous dépasser et de symboliser non seulement la violence de la société industrielle mais aussi la mort d'un système dysfonctionnel.
 


 
 
 
 
 
Rameau Antoine
 

dimanche 11 août 2013

Critique de Lone Ranger et American Nightmare

J'ai eu l'occasion de voir deux films très récemment. Ce ne sont pas des films sur lesquels je vais m'étendre.

Le premier, Lone Ranger: très bon divertissement de 2h30 sur l'Ouest sauvage Américain. Cela mêle humour, fantastique et aventure. Attendez vous à un Pirate des Caraïbes version western. Le film reste très agréable à voir. Johnny Depp dans toute sa splendeur dans la peau d'un indien.  Par certains aspects nous pouvons penser à Wild wild west avec Will Smith. Attendons nous sans aucun doute à des suites.

Le deuxième, American Nightmare: bon divertissement pour ceux qui aiment l'action, le frisson, l'horreur et la violence. Nous retrouvons Ethan Hawke... mais pas seulement. Un nombre important de clichés américains. Résumé du film: afin de retrouver une économie stable et de réguler la violence qui règne aux Etats Unis, la loi autorise une fois par an pendant douze heures, tous les crimes possibles. Meurtres, coups, vols... cette nuit de folie est censé provoquer l'autorégulation du pays et calmer la colère des populations, gardée depuis 365 jours. Comme un Thanksgiving endiablé, les américains attendent avec impatience cette fameuse soirée où tout le monde pourra se mettre sur la t******. Ils acclament tous les bienfaits de cette "Purge", jusqu'au jour où cela leur tombe dessus. L'histoire se passe en 2022... c'est à dire bientôt. Je ne pense pas que les Etats Unis décideront de cela aussi vite, mais il s'agit bien sur d'une critique bien enrobée de la violence en Amérique. Critique du marché d'armes, dérive du genre Humain, folie engendrée par la crise... bref, c'est vrai qu'il y a une belle morale. L'idée était intéressante et aurait peut être mérité d'être mieux construite. L'intrigue est clair et le frisson est bien présent. Je n'assassinerai pas le film (même si il m'autorise une quelconque Purge), mais si vous n'aimez pas le cliché un peu lourd... ce film n'est pas pour vous.
 


Rameau Antoine