Depuis peu d’années, le cinéma devient une
discipline de plus en plus à la mode. Réservé à l’élite des écoles ou aux
artistes qui ont su se faire un nom, le phénomène continue de s’étendre au sein
des universités. Les candidats sont toujours plus nombreux, mais qu’en est-il
de leur avenir d’apprentis cinéastes ? Bien qu’il soit réputé comme étant
un univers « fermé » ou « difficile d’accès », les
étudiants se lancent corps et âme sur des sentiers étroits. Cette orientation
correspond-t-elle en une entière confiance des ambitions ou plutôt à un besoin
personnel ?
Le Cinéma Français de la fin des années cinquante et
des années soixante voit émerger un groupe d’artistes auquel les journalistes
et écrivains donneront le nom de La
Nouvelle Vague. Le court métrage de Jacques Rivette, Le Coup du Berger de 1956, marque le début de cette ère. Il s’agit
d’une époque marquée par le besoin de changer les codes du cinéma français face
à un cinéma américain qui s’est implanté en Europe après la Seconde Guerre
Mondiale. La Nouvelle Vague ne
constituait pas en soi une révolution technologique, mais une façon différente
d’aborder le cinéma : d’autres points de vue, de nouveaux engagements
socio politiques, des angles divergeant du cinéma français traditionnel. Ce qui
a fait la force de ce cinéma n’était pas l’apparition soudaine de plusieurs génies
mais bien leur souci d’appartenir à un « groupe » solide. La
difficulté aujourd’hui réside dans la capacité de former de nouveau un groupe.
Les revendications et les talents ne manquent pas. Au contraire, comme nous
venons de le préciser, les « apprentis cinéastes » sont de plus en
plus nombreux, le besoin de s’exprimer demeure, mais cet engouement n’a que pour
frein et faiblesse son individualisme. François Truffaut, Jean-Luc Godard,
Agnès Varda, Eric Rohmer, Claude Chabrol, d’autres critiques du cinéma dont
André Bazin se sont imposés grâce à leur talent et l’entraide.
Est-ce que ces dernières années et le contexte de
crise économique nous permettent de saisir les rennes de l’industrie
cinématographique ?
Nous pouvons citer les différentes voies qui s’ouvrent
à nous pour apprendre le cinéma. Il a été démontré qu’il n’existait aucune voie
« royale » afin de percer dans cet univers. J’ai par le passé connu
un homme qui a été banquier jusqu’à ses
quarante ans et qui est devenu par la suite scénariste pour la télévision. Il
faut comprendre que les études cinématographiques, même si elles élargissent
nos connaissances autour du 7e Art, ne garantissent en rien notre
insertion dans cette industrie. Beaucoup de facteurs déterminent notre réussite :
les opportunités, la connaissance, le talent et le travail, les moyens, le
projet ou « l’idée qui tombe à pic », la collectivité, la motivation,
la persistance, la confiance en soi, la patience… . L’important est d’avoir
conscience des obstacles et de l’épreuve que cela représente. L’information est
sans doute ce qui manque. Comment comprendre ce monde si nous n’y sommes pas
confrontés ?
Dès le lycée voire le collège il existe (dans
certains établissements) des options « audiovisuelles ». Ces options
ont pour but de faire participer les élèves en les présentant à des
professionnels. Ensemble, ils créent un projet qu’ils mettent en scène. Ces
projets sont construits à la fois autour de sujets simples et originaux qui nécessitent
l’aide d’un budget restreint et pourtant pas anodin. L’élève fait ses premiers
pas en tant qu’acteur, étudie la place de son corps dans l’espace, il assiste à
la réalisation et au montage. Il participe à des forums des métiers, assiste à
des meetings et à des projections de films. Après le bac, il faut faire un
choix. Lequel est le plus judicieux ?
-Les écoles : La FEMIS, l’Ecole Nationale
Supérieure Louis Lumières, l’EICAR, le CLCF, La Cité du Cinéma, l’ESEC, l’Ecole
des Gobelins (films d’animation), les Cours Florent, le CEEA, La Comédie
Française… . Ces écoles sont réputées dans toute l’Europe et dans le monde.
Elles garantissent un enseignement à la fois théorique et technique. Elles
donnent aux élèves une notoriété. Sortir avec succès de ces écoles attestent de
l’assiduité dans les formations cinématographiques. Ces écoles permettent des
rencontres entre de grands professionnels et les élèves. Une école favorise la
création de « groupes ». Ils réalisent ensemble des projets qui sont,
par exemple, diffusés dans des Festivals. L’accès à ces écoles est cependant très restreint. Tous
les ans, chaque école forme une trentaine d’élèves qui sont sélectionnés sur un
millier de candidats avec le rêve de percer dans le cinéma. Le concours est
payant. Les écoles sont payantes et assez chères. Il faut dans certains cas posséder
le baccalauréat. L’accès à la formation ne promet pas un avenir de gloire et de
succès dans le Cinéma mais donne aux élèves de meilleures chances lors de la recherche
d’emploi dans ce secteur. Le concours requiert au préalable des connaissances.
Le concours impose une limite d’âge (par exemple de 18 à 30 ans) et de
tentatives. Le choix des projets n’est pas forcement libre mais imposé.
-Les BTS : les BTS se concentrent sur les aspects
techniques de l’image et du son. Certains établissements possèdent des
spécialités, par exemple « le montage » au Lycée Robert de Luzarches
à Amiens. Les études sont moins longues mais l’apprentissage est extrêmement
spécialisé (au moins deux ans). Les domaines sont : l’utilisation de la
caméra, du son, du montage, de l’éclairage… . Ces BTS procèdent également à une
sélection des élèves sur dossier et sur candidature. Les chances de trouver du
travail sont plus élevées grâce à l’aspect technique. Les élèves peuvent travailler pour le cinéma,
la télévision, avec les media, dans de nombreux secteurs du spectacle. Ils
expérimentent de nombreux logiciels comme Photoshop ou In design utiles pour
une grande majorité des employeurs. Il manque un apprentissage théorique
poussé. Les BTS se font plus rares.
- Les Universités : Il existe une Licence en
Arts du Spectacle sur une durée de trois ans. Il est possible de se spécialiser
en Cinéma, en Théâtre, en Arts Plastiques et en Histoire des Arts. Il est
possible de continuer sur deux ans en partant sur un Master Cinéma spécialisé
(recherches, documentaire, scénario, réalisation, secteurs culturels…). Il
faudra changer d’établissement en fonction de l’orientation. Puis encore trois
années supplémentaires en accomplissant un doctorat qui permet également de
devenir professeur de Cinéma. Ces apprentissages s’appuient en grande partie
sur l’aspect théorique du Cinéma. Ces formations ont quelques ateliers mais ne
proposent pas une formation aussi technique que les BTS. Ces parcours
permettent de développer le sens de l’organisation des projets, les qualités
rédactionnelles, les connaissances et la préparation aux concours des écoles. L’Université
ne favorise pas autant la construction de « groupes » comme les écoles.
L’industrie du cinéma est plus accessible par l’aspect technique que théorique.
A l’issue de la fac, beaucoup changent leurs projets d’avenir par nécessité.
Ces études peuvent êtres longues allant jusqu’à huit ans d’études. La formation
universitaire notamment en Cinéma permet une construction de soi très enrichissante
et pertinente. Elle mêle de nombreuses disciplines : Histoire, Langues,
Philosophie, Social, Français, Lettres et Arts. Contrairement aux écoles et aux
BTS, l’université propose plus difficilement un métier dans l’industrie
cinématographique. Il en dépend de l’implication extra-scolaire de l’élève.
Ces exemples de parcours correspondent à ce qui
existe globalement aujourd’hui. Il y a la possibilité d’accomplir des stages
conventionnés qui apportent un excellent complément dans la limite où ce
dernier est décroché. Il est possible d’accumuler les parcours. Commencer par l’université
et continuer en réussissant le concours de l’une de ces écoles. Le cumule des
parcours implique de longues années. Une formation implique au moins deux ou
trois années. Lorsque l’on change de parcours on rajoute trois ou deux ans.
Ainsi de suite. Les moyens financiers doivent suivre, le contexte affectif et
la confiance en l’avenir également. L’université est le parcours le moins cher.
Aucun d’entre eux ne garantit le succès dans le Cinéma. Il est possible aussi
de mélanger différents corps de métiers. Un apprentissage du Cinéma et une
formation en journalisme reste très cohérent dans l’intention de travailler en
tant que critique. Il ne faut jamais oublier que la voie « royale » n’existe
pas. L’aventure est hasardeuse et il faut en avoir conscience. Certains
passionnés choisissent de faire leurs preuves en devenant « autodidacte ».
Je vais prendre l’exemple d’un apprenti cinéaste, Kevin Muller, âgé de 21 ans
qui rêve lui aussi de percer dans l’univers cinématographique. Kevin a suivi l’option
théâtre au lycée puis une formation d’acteur aux Cours Florent. Il utilise
Internet, mode de communication de ces dernières générations, pour promouvoir
ses idées et ses projets. Il sollicite l’aide que l’on nomme « l’appel aux
dons ». Il exploite intelligemment le médium le plus présent dans nos
sociétés. Le net devenu le principal diffuseur de vidéos dans le monde a permis
à de nombreux « amateurs » de sortir du lot. Je pense entre autres à
la vague des podcasts (Cyprien, Norman, Hugo ou encore What the Cut) qui
combinent avec stratégie, humour et la tendance du « court ». La
série BREF, Scènes de Ménage, Nos chers voisins, puise leur force dans ces
mêmes stratégies : court, drôle, pertinent et surtout en lien avec le
quotidien. Kevin réalise ses propres vidéos qu’il publie sur Youtube. Il crée des
buzz afin de donner envie aux internautes de le soutenir. Surtout, il a su s’entourer
d’amis et de professionnels avec qui il monte ses projets. Il crée son site web
dans lequel il décrit son parcours, met en vitrine ses talents et ses services.
Depuis plusieurs jours il se sert des réseaux sociaux afin de promouvoir son
dernier projet PANDORE, un court métrage original en voie de réalisation. Kevin
et son équipe ont effectués de nombreuses démarches. Ils ont le soutien de l'association Deadalus Pictures qui finance en partie PANDORE et des
studios TSF à Epinay sur Seine. Cependant pour accomplir son but, Kevin doit
réunir la somme totale de 2000 euros en un temps restreint. Il s’agit là d’un
montant peu élevé lorsque l’on sait ce qu’impose la production d’un court
métrage. Kevin emploie la méthode qu’il a utilisée jusqu’ici, « l’appel
aux dons », en passant par le site Ulule destiné à la promotion de
projets. Il lui reste une quinzaine de jours pour atteindre son objectif. Pour
mettre toutes les chances de son côté et convaincre une large population de la
pertinence du projet, Kevin donne vie à son travail en révélant au fur et à
mesure les rouages de PANDORE. Il anime ses pages web (kevinmuller.fr,
facebook, youtube…) de vidéos, de teasers, en parlant de son casting composé de
Didier DeRuelle-Kahne et de Chantal Baroin, en présentant le travail de son
équipe, en donnant les prémices de son scénario et les images de son
story-board. Percer dans le cinéma est indissociable d’une prise de risques
mais il ne les prend pas seul. Kevin se donne les moyens pour vivre de sa
passion et par force de communication, a le mérite d’avoir exploité avec succès
l’ingrédient qui a fait de La Nouvelle
Vague ce qu’elle a été : un « groupe ». Kevin qui ne suit plus
l’école, ni un BTS, ni l’Université, est finalement plus près de la vérité qu’on
ne le pense.
Rameau
Antoine