L'Art est sur l'Image Cinématographique

Un Blog sur l'analyse filmique et la critique


lundi 31 mars 2014

Analyse et Critique - HER de Spike Jonze

         
HER – Un Futur Proche   
  

« Une ode à la Vie et à l’Amour, une fenêtre ouverte sur le monde »
 


Sorti le 19 mars 2014 et réalisé par Spike Jonze


Filmographie : Dans la peau de John Malkovich (1999), Adaptation (2003), Max et les Maximonstres (2009), Her (2013)

Casting : Joaquin Phoenix, la voix de Scarlett Johansson, Olivia Wilde, Amy Adams, Rooney Mara.

Récompenses : « Oscar du Meilleur Scénario original », « Golden Globe du Meilleur Scénario », « le Prix d’Interprétation Féminine » au 8e Festival International du Film de Rome et de nombreuses nominations dont Meilleure Musique Originale et Meilleur Film.



Theodore Twombley (Joaquin Phoenix) travail pour une société qui propose des services d’écriture de lettres manuscrites sur le web. Malgré son don pour composer les plus belles lettres, la solitude lui pèse depuis sa séparation avec Catherine. Theodore fait l’acquisition d’un nouveau système d’exploitation, OS1, une intelligence artificielle capable d’interagir avec l’utilisateur et de bénéficier des mêmes émotions que l’être humain. Le personnage s’abandonne dans une relation avec « Samantha », l’intelligence artificielle de son OS1.

« Une claque ». Tel est le sentiment que nous laisse HER. Joaquin Phoenix dont le corps ne quitte pas le centre de la caméra, comble l’espace et l’action en laissant la voix de « Samantha » remplir les vides. Son immense appartement peu meublé fait écho avec ses états d’âmes. Le lieu reflète ce « cœur malade » dont il faut soigner le trou causé par la séparation. La voix de Scarlett Johansson s’introduit progressivement à l’intérieur de ce trou au point de devenir indispensable. Nous sommes loin de HAL 9000, l’intelligence artificielle malveillante du film 2001 : l’Odyssée de l’Espace (Stanley Kubrick). HER s’inquiète plutôt de l’éloignement entre les humains et de la place qu’occupent les nouvelles technologies. Toutes les émotions circulent entre tristesse et bonheur. C’est une façon de voir notre société qui évolue avec Internet et ses consommations quotidiennes. Nous pouvons tout faire d’un ordinateur et de chez soi, au point d’en effacer le contact avec Autrui. HER choisi pour langage « la nostalgie » (le visage de l’acteur sur l’affiche du film) et qui à sa façon, décrit son amour pour l’humanité. 




Rameau Antoine






samedi 29 mars 2014

Analyse et Critique - The Bling Ring de Sofia Coppola


 
Sorti en juin 2013, réalisé par Sofia Coppola.


Filmographie : Lick the Star (1998), Virgin Suicide (1999), Lost in Translation (2003), Marie-Antoinette (2006), Somewhere (2010), The Bling Ring (2013)

Casting : Katie Chang, Emma Watson, Israel Broussard, Claire Julien, Taissa Farmiga.

Nomination : Un « Certain Regard » au Festival de Cannes 2013 et sélection « Features » au Festival du Film de Sydney.
 

Des adolescents accros de la mode et des stars, constituent ensemble un groupe appelé The Bling Ring. Ils s’introduisent chez les célébrités les plus « people » (Paris Hilton, Lindsay Lohan, Megan Fox…) et dérobent vêtements et bijoux. Ils ont amassé un butin de 3 millions de dollars avant de se faire attraper. C’est en suivant la vie de leurs idoles qu’ils ont réussi à élaborer leurs plans. Sofia Coppola s’est inspirée d’un fait réel en lisant le magazine américain Vanity Fair : « ces jeunes portaient sur eux les affaires volés » (les suspects aux Louboutins).


Les «  pies voleuses » nichées chez maman et papa attendent le bon moment pour passer par la fenêtre ouverte. La réalisatrice donne le ton dès les premières minutes du film. Lorsque le groupe passe la baie vitrée, la musique « Crown on the Ground » du groupe Sleigh Bells s’enclenche comme une alarme, donnant un sens à l’effraction. Les faits et gestes sont réglés comme du papier à musique, construisant tout le long du film le professionnalisme du Bling Ring. Le groupe est trahi par son propre égocentrisme et son désir de devenir le calque des célébrités. En devenant « people » à leur tour, les autorités n’avaient plus qu’à leur mettre la main dessus. La recherche de preuves n’était pas nécessaire, il suffisait de faire comme tout le monde : partager les pages Facebook, lire la presse, regarder la télévision… . Le Bling Ring est lui-même victime de sa génération où il devient difficile de se cacher. Sofia Coppola donne avec justesse un reflet d’actualité en montrant l’emprise des modes de consommations et la « société de l’image ». The Bling Ring attire, le titre clignote dans nos têtes comme un stroboscope  et les plans du film s’enchaînent tels des pages d’éditos.


Films à associer au genre: Projet X et Spring Breakers

Rameau Antoine





vendredi 28 mars 2014

PERSON OF INTEREST – Point de Vue Omniscient

 

« La ville de Gotham sommeille en Nolan »

 
Depuis le 6 mars 2013, Person of Interest (produit par J.J Abrams) est diffusé en France le mardi soir sur la première chaîne. L’intrigue semble assez simple, faisant croire à une série redondante : la « machine » élaborée par Harold Finch a été construite afin de prévenir d’actes terroristes. Cette machine capable de tout voir, via n’importe quelle caméra ou moyen de communication, a la possibilité de prédire les actes criminels ainsi que de dévoiler l’identité des victimes potentielles. Finch s’en sert pour faire lui-même justice. Il collabore avec John Reese ancien agent paramilitaire de la CIA qui agit directement sur le terrain.
 
En prenant du recule, John Reese est le parfait Batman et quant à Harold Finch il serait Alfred son majordome, donnant des informations depuis la Batcave. Cette « machine » sortie de la tête de Jonathan Nolan ressemble étrangement au dispositif dont se sert Batman dans le second volet The Dark Knight lorsqu’il tente de localiser le Joker.
 
Jonathan, le frère de Christopher Nolan peut enlever son masque. Person of Interest est brillant et déroule un scénario, jusqu’à aujourd’hui, très bien ficelé. La « machine » est d’autant plus captivante car nous ne savons de quoi elle est faite. Rien n’échappe à son regard. Elle émet d’étranges sons et signaux qui lui donnent vie comme s’il était question d’une créature. Le point de vue omniscient appelé aussi « point de vue de Dieu » fait d’elle un troisième protagoniste dont on découvre progressivement toute son autonomie et son intelligence. Là où John est au service des idéaux d’Harold, ce dernier est au service d’une invention qui le dépasse et l’étonne de plus en plus. Une série mélangeant espionnage et action, Person of Interest vaut bien qu’on la garde à l’œil.
 
 
 
Rameau Antoine
 
 

vendredi 21 mars 2014

Critique - The Monuments Men de George Clooney


Film historique sorti en France le 12 mars 2014 – 1h58 – réalisé par George Clooney.

Adapté du livre Monuments Men de Robert M. Edsel paru en 2009.


Casting : Matt Damon, George Clooney, Bill Murray, John Goodman, Cate Blanchett, Jean Dujardin, Hugh Bonneville, Bob Balaban… .


The Monuments Men était le surnom donné au petit groupe de soldats américains envoyés en Europe entre 1943 et 1945 sur les ordres du général Eisenhower afin de retrouver les œuvres d’Art dérobés par les nazis. 

George Clooney prend les directives d’un film au sujet ambitieux qui attire notre attention. Un film tellement séduisant que nous pouvons en attendre beaucoup. The Monuments Men est intéressant car il nous rappelle que quelques hommes (notamment des spécialistes de l’Art) ont mis un point d’honneur en la sauvegarde des patrimoines. Le film est tout public, sans trop de violence et au ton amusant, afin de séduire les grands comme les plus jeunes. 

Mais cette séduction qui sied parfaitement au réalisateur, manque de neutralité quant au traitement de l’histoire. Le penchant des grosses productions hollywoodiennes vient parfois édulcorer le fond du film. Des soldats charmants, des héros de la beauté artistique qui n’agissent que dans le but de rendre à leurs propriétaires ce qui leur appartient de droit, des sauveurs à l’humour inébranlable, des hommes honnêtes et fidèles à leurs femmes, un Jean Dujardin pour la « french touch », une 7e compagnie qui ne manque pas de classe et d’autodérision… . The Monuments Men  est un bon divertissement, captivant, qui honore la mémoire d’hommes qui se sont également battus pour l’Art. La réalisation et le choix des plans sont de qualité. Mais les spectateurs exigeants pourraient en attendre plus.


Rameau Antoine

 

jeudi 20 mars 2014

Percer dans le Cinéma : Ambitions et Possibilités

 
Depuis peu d’années, le cinéma devient une discipline de plus en plus à la mode. Réservé à l’élite des écoles ou aux artistes qui ont su se faire un nom, le phénomène continue de s’étendre au sein des universités. Les candidats sont toujours plus nombreux, mais qu’en est-il de leur avenir d’apprentis cinéastes ? Bien qu’il soit réputé comme étant un univers « fermé » ou « difficile d’accès », les étudiants se lancent corps et âme sur des sentiers étroits. Cette orientation correspond-t-elle en une entière confiance des ambitions ou plutôt à un besoin personnel ?

Le Cinéma Français de la fin des années cinquante et des années soixante voit émerger un groupe d’artistes auquel les journalistes et écrivains donneront le nom de La Nouvelle Vague. Le court métrage de Jacques Rivette, Le Coup du Berger de 1956, marque le début de cette ère. Il s’agit d’une époque marquée par le besoin de changer les codes du cinéma français face à un cinéma américain qui s’est implanté en Europe après la Seconde Guerre Mondiale. La Nouvelle Vague ne constituait pas en soi une révolution technologique, mais une façon différente d’aborder le cinéma : d’autres points de vue, de nouveaux engagements socio politiques, des angles divergeant du cinéma français traditionnel. Ce qui a fait la force de ce cinéma n’était pas l’apparition soudaine de plusieurs génies mais bien leur souci d’appartenir à un « groupe » solide. La difficulté aujourd’hui réside dans la capacité de former de nouveau un groupe. Les revendications et les talents ne manquent pas. Au contraire, comme nous venons de le préciser, les « apprentis cinéastes » sont de plus en plus nombreux, le besoin de s’exprimer demeure, mais cet engouement n’a que pour frein et faiblesse son individualisme. François Truffaut, Jean-Luc Godard, Agnès Varda, Eric Rohmer, Claude Chabrol, d’autres critiques du cinéma dont André Bazin se sont imposés grâce à leur talent et l’entraide.
Est-ce que ces dernières années et le contexte de crise économique nous permettent de saisir les rennes de l’industrie cinématographique ?

Nous pouvons citer les différentes voies qui s’ouvrent à nous pour apprendre le cinéma. Il a été démontré qu’il n’existait aucune voie « royale » afin de percer dans cet univers. J’ai par le passé connu un homme qui a été banquier  jusqu’à ses quarante ans et qui est devenu par la suite scénariste pour la télévision. Il faut comprendre que les études cinématographiques, même si elles élargissent nos connaissances autour du 7e Art, ne garantissent en rien notre insertion dans cette industrie. Beaucoup de facteurs déterminent notre réussite : les opportunités, la connaissance, le talent et le travail, les moyens, le projet ou « l’idée qui tombe à pic », la collectivité, la motivation, la persistance, la confiance en soi, la patience… . L’important est d’avoir conscience des obstacles et de l’épreuve que cela représente. L’information est sans doute ce qui manque. Comment comprendre ce monde si nous n’y sommes pas confrontés ?
Dès le lycée voire le collège il existe (dans certains établissements) des options « audiovisuelles ». Ces options ont pour but de faire participer les élèves en les présentant à des professionnels. Ensemble, ils créent un projet qu’ils mettent en scène. Ces projets sont construits à la fois autour de sujets simples et originaux qui nécessitent l’aide d’un budget restreint et pourtant pas anodin. L’élève fait ses premiers pas en tant qu’acteur, étudie la place de son corps dans l’espace, il assiste à la réalisation et au montage. Il participe à des forums des métiers, assiste à des meetings et à des projections de films. Après le bac, il faut faire un choix. Lequel est le plus judicieux ?

-Les écoles : La FEMIS, l’Ecole Nationale Supérieure Louis Lumières, l’EICAR, le CLCF, La Cité du Cinéma, l’ESEC, l’Ecole des Gobelins (films d’animation), les Cours Florent, le CEEA, La Comédie Française… . Ces écoles sont réputées dans toute l’Europe et dans le monde. Elles garantissent un enseignement à la fois théorique et technique. Elles donnent aux élèves une notoriété. Sortir avec succès de ces écoles attestent de l’assiduité dans les formations cinématographiques. Ces écoles permettent des rencontres entre de grands professionnels et les élèves. Une école favorise la création de « groupes ». Ils réalisent ensemble des projets qui sont, par exemple, diffusés dans des Festivals. L’accès  à ces écoles est cependant très restreint. Tous les ans, chaque école forme une trentaine d’élèves qui sont sélectionnés sur un millier de candidats avec le rêve de percer dans le cinéma. Le concours est payant. Les écoles sont payantes et assez chères. Il faut dans certains cas posséder le baccalauréat. L’accès à la formation ne promet pas un avenir de gloire et de succès dans le Cinéma mais donne aux élèves de meilleures chances lors de la recherche d’emploi dans ce secteur. Le concours requiert au préalable des connaissances. Le concours impose une limite d’âge (par exemple de 18 à 30 ans) et de tentatives. Le choix des projets n’est pas forcement libre mais imposé.

-Les BTS : les BTS se concentrent sur les aspects techniques de l’image et du son. Certains établissements possèdent des spécialités, par exemple « le montage » au Lycée Robert de Luzarches à Amiens. Les études sont moins longues mais l’apprentissage est extrêmement spécialisé (au moins deux ans). Les domaines sont : l’utilisation de la caméra, du son, du montage, de l’éclairage… . Ces BTS procèdent également à une sélection des élèves sur dossier et sur candidature. Les chances de trouver du travail sont plus élevées grâce à l’aspect technique.  Les élèves peuvent travailler pour le cinéma, la télévision, avec les media, dans de nombreux secteurs du spectacle. Ils expérimentent de nombreux logiciels comme Photoshop ou In design utiles pour une grande majorité des employeurs. Il manque un apprentissage théorique poussé. Les BTS se font plus rares.

- Les Universités : Il existe une Licence en Arts du Spectacle sur une durée de trois ans. Il est possible de se spécialiser en Cinéma, en Théâtre, en Arts Plastiques et en Histoire des Arts. Il est possible de continuer sur deux ans en partant sur un Master Cinéma spécialisé (recherches, documentaire, scénario, réalisation, secteurs culturels…). Il faudra changer d’établissement en fonction de l’orientation. Puis encore trois années supplémentaires en accomplissant un doctorat qui permet également de devenir professeur de Cinéma. Ces apprentissages s’appuient en grande partie sur l’aspect théorique du Cinéma. Ces formations ont quelques ateliers mais ne proposent pas une formation aussi technique que les BTS. Ces parcours permettent de développer le sens de l’organisation des projets, les qualités rédactionnelles, les connaissances et la préparation aux concours des écoles. L’Université ne favorise pas autant la construction de « groupes » comme les écoles. L’industrie du cinéma est plus accessible par l’aspect technique que théorique. A l’issue de la fac, beaucoup changent leurs projets d’avenir par nécessité. Ces études peuvent êtres longues allant jusqu’à huit ans d’études. La formation universitaire notamment en Cinéma permet une construction de soi très enrichissante et pertinente. Elle mêle de nombreuses disciplines : Histoire, Langues, Philosophie, Social, Français, Lettres et Arts. Contrairement aux écoles et aux BTS, l’université propose plus difficilement un métier dans l’industrie cinématographique. Il en dépend de l’implication extra-scolaire de l’élève.


Ces exemples de parcours correspondent à ce qui existe globalement aujourd’hui. Il y a la possibilité d’accomplir des stages conventionnés qui apportent un excellent complément dans la limite où ce dernier est décroché. Il est possible d’accumuler les parcours. Commencer par l’université et continuer en réussissant le concours de l’une de ces écoles. Le cumule des parcours implique de longues années. Une formation implique au moins deux ou trois années. Lorsque l’on change de parcours on rajoute trois ou deux ans. Ainsi de suite. Les moyens financiers doivent suivre, le contexte affectif et la confiance en l’avenir également. L’université est le parcours le moins cher. Aucun d’entre eux ne garantit le succès dans le Cinéma. Il est possible aussi de mélanger différents corps de métiers. Un apprentissage du Cinéma et une formation en journalisme reste très cohérent dans l’intention de travailler en tant que critique. Il ne faut jamais oublier que la voie « royale » n’existe pas. L’aventure est hasardeuse et il faut en avoir conscience. Certains passionnés choisissent de faire leurs preuves en devenant « autodidacte ». Je vais prendre l’exemple d’un apprenti cinéaste, Kevin Muller, âgé de 21 ans qui rêve lui aussi de percer dans l’univers cinématographique. Kevin a suivi l’option théâtre au lycée puis une formation d’acteur aux Cours Florent. Il utilise Internet, mode de communication de ces dernières générations, pour promouvoir ses idées et ses projets. Il sollicite l’aide que l’on nomme « l’appel aux dons ». Il exploite intelligemment le médium le plus présent dans nos sociétés. Le net devenu le principal diffuseur de vidéos dans le monde a permis à de nombreux « amateurs » de sortir du lot. Je pense entre autres à la vague des podcasts (Cyprien, Norman, Hugo ou encore What the Cut) qui combinent avec stratégie, humour et la tendance du « court ». La série BREF, Scènes de Ménage, Nos chers voisins, puise leur force dans ces mêmes stratégies : court, drôle, pertinent et surtout en lien avec le quotidien. Kevin réalise ses propres vidéos qu’il publie sur Youtube. Il crée des buzz afin de donner envie aux internautes de le soutenir. Surtout, il a su s’entourer d’amis et de professionnels avec qui il monte ses projets. Il crée son site web dans lequel il décrit son parcours, met en vitrine ses talents et ses services. Depuis plusieurs jours il se sert des réseaux sociaux afin de promouvoir son dernier projet PANDORE, un court métrage original en voie de réalisation. Kevin et son équipe ont effectués de nombreuses démarches. Ils ont le soutien de l'association Deadalus Pictures qui finance en partie PANDORE et des studios TSF à Epinay sur Seine. Cependant pour accomplir son but, Kevin doit réunir la somme totale de 2000 euros en un temps restreint. Il s’agit là d’un montant peu élevé lorsque l’on sait ce qu’impose la production d’un court métrage. Kevin emploie la méthode qu’il a utilisée jusqu’ici, « l’appel aux dons », en passant par le site Ulule destiné à la promotion de projets. Il lui reste une quinzaine de jours pour atteindre son objectif. Pour mettre toutes les chances de son côté et convaincre une large population de la pertinence du projet, Kevin donne vie à son travail en révélant au fur et à mesure les rouages de PANDORE. Il anime ses pages web (kevinmuller.fr, facebook, youtube…) de vidéos, de teasers, en parlant de son casting composé de Didier DeRuelle-Kahne et de Chantal Baroin, en présentant le travail de son équipe, en donnant les prémices de son scénario et les images de son story-board. Percer dans le cinéma est indissociable d’une prise de risques mais il ne les prend pas seul. Kevin se donne les moyens pour vivre de sa passion et par force de communication, a le mérite d’avoir exploité avec succès l’ingrédient qui a fait de La Nouvelle Vague ce qu’elle a été : un « groupe ». Kevin qui ne suit plus l’école, ni un BTS, ni l’Université, est finalement plus près de la vérité qu’on ne le pense.




Rameau Antoine

 

vendredi 14 mars 2014

Ouverture de la 9ème édition du Festival L’Europe Autour de L’Europe

 

La 9ème édition du Festival L’Europe Autour de l’Europe a été inaugurée mercredi dernier, le 12 mars à 20h au cinéma l’Entrepôt du 14e arrondissement de Paris. Le Festival occupera de nombreuses salles parisiennes pendant un mois, offrant un large éventail de films provenant de tout le continent. Le réalisateur irlandais Jim Sheridan  invité d’honneur à l’ouverture de cet évènement, nous a permis de (re)découvrir son troisième long métrage Au Nom du Père (In the Name of the Father – 1994) et d’aborder un certain nombre de questions sur le cinéma tel que nous le connaissons aujourd’hui. La thématique de cette année, « Lumière et obscurités », perpétue l’un des fondements du Festival qui est de dépasser les limites d’une industrie cinématographique au profit du cinéma d’Art et d’Auteur. « Lumière et obscurités » donne un sens au lieu du spectacle et de la projection, mais s’annonce aussi comme un partage du Savoir et de la Vérité. Une Europe dans le Temps et l’Espace, un 7e Art que les philosophes des Lumières considèreraient comme un remède à l’obscurantisme.


Filmographie Jim Sheridan

My Left Foot (1989)
The Field (1990)
In the Name of the Father (1994)
The Boxer (1998)
In America (2003)
Get Rich or Die Tryin’ (2006)
Brothers (2009)
Dream House (2011)


            


Le choix d’ouvrir le Festival avec Au Nom du Père est une excellente façon de mêler film étranger avec le désir de garder l’Histoire intact. L’œuvre est s'inspire du roman autobiographique de Gerry Conlon Proved Innocent qui retrace le procès scandaleux de 1974 des « Quatre des Guilford » et des « Sept Maguire » où plusieurs familles ont été accusées d’avoir participées aux attentats des pubs de Guilford ayant faits 5 morts et une centaine de blessés. Gerry Conlon et son père Giuseppe Colon ont été condamnés à la prison à vie. 15 ans plus tard leur innocence est prouvée et la faute judiciaire passée sous silence. Le film met en scène des personnages « bouc émissaires » manipulés à tort par une police incapable d’arrêter les activités de l’IRA (Armée Républicaine Irlandaise), afin de répondre à la soif de vengeance du peuple britannique. Les premières minutes sont telles que Jim Sheridan traduit sa vision du cauchemar et de l’emprise d’un système qui détient l’autorité. Le jeu de la folie, de l’absurdité et le monde de l’emprisonnement nous renvoient au travail du cinéaste Alan Parker notamment avec des films comme Midnight Express, Birdie ou encore The Wall. Des cris et des rires inquiétants résonnent dans les couloirs. Les tortures endurées par Gerry Conlon sont efficacement transmises au spectateur qui se sent à la fois confiné dans la tête du personnage mais également placé au centre du conflit.

Le cauchemar est brillamment construit, surtout lorsque Gerry et son père se retrouvent pour la première fois au sein de la prison. Ils se regardent les yeux dans les yeux à travers la lunette d’une cellule. La visibilité du spectateur est tantôt obstruée, tantôt injectée de peur. Les protagonistes tentent de survivre à leur incarcération en nouant des liens avec les autres détenus. Le réalisateur développe parmi les criminels une part d’humanité qui donne plus de profondeur au combat de Gerry. Cet aspect social de la narration se rapproche plus du film de Milos Forman Vol au-dessus d’un nid de coucou dans lequel le personnage interprété par Jack Nicholson protège ses derniers liens avec une population mis en marge. On  peut penser à l’une des scènes fortes lorsque les prisonniers lâchent de leur fenêtre des pages enflammées. Rien ne peut rattraper les 15 années perdues de Gerry. Jim Sheridan se sert du pouvoir du cinéma capable de rendre Justice à sa manière. L’un de ces pouvoirs étant de conserver la Mémoire.


Films en compétition

My Love Awaits Me by the Sea, Mais Darwazah (2013, Allemagne, Palestine, Jordanie, Qatar).
Mouton, Gilles Deroo, Marianne Pistone (2013, France)
Shirley : Visions of Reality, Gustav Deutsch (2013, Autriche)
El Futuro, Luis Lopez Carrasco (2013, Espagne)
Free Range, Veiko Ounpuu (2014, Estonie)
The Gambler, Ignas Jonynas (2013, Lituanie/Lettonie)
A Thousand Times Good Night, Erik Poppe (2013, Norvège, Suède, Irlande)
The Last Sentence, Jan Troell (2013, Suède/Norvège)
The Enemy Within, Yorgos Tsemberopoulos (2013, Grèce)




Le chien loup : Vie Sauvage est une section crée en 2014 politiquement engagée, dont l’objectif est la contribution à la préservation des espèces menacées. Le film d’auteur est métaphoriquement perçu de la même façon.


Suite à la projection, les spectateurs se rendent dans une autre salle où nous avons la chance de discuter avec le cinéaste irlandais. À côté de lui se tient Irena Bilic qui dirige depuis 2006 le Festival, puis le prix Vie Sauvage qui récompensera l’un des neuf films en compétition. Jim Sheridan nous parle de son film ainsi que des nuances qui séparent la mentalité irlandaise de la mentalité anglaise. Entre humour et leçon de cinéma nous abordons l’expérience du réalisateur à Hollywood avec son dernier film Dream House sorti en 2011. Malgré les moyens financiers, il a vécu ce projet avec la frustration de ne pas avoir été totalement maître de son travail contrairement à ses œuvres précédentes. C’est alors qu’il vient à citer le succès du film français Intouchables dont les américains firent un remake au lieu de projeter l’œuvre originale traduite.

J.S : « Hollywood a de gros moyens mais il en perd parfois la vraie nature et le sens d’un film. L’être humain et les enjeux sont mieux exprimés s’ils savent rester simples ».

Une ultime question est posée au réalisateur : « Est-ce qu’aujourd’hui tout le monde peut faire des films ? ». Le débat tourne autour de l’ère Internet et de la diffusion des vidéos devenues accessibles à tous. Tout le monde peut aujourd’hui filmer avec un petit appareil et diffuser des séquences le jour même. Internet a permis de créer une véritable banque d’images et de sons. Cependant la majorité des projets et leur qualité demeure amateurs. L’industrie du cinéma implique de véritables moyens : sons, musiques, images, effets, jeu d’acteur… . Internet est un immense moyen de diffusion, parfois au détriment du travail des artistes. Les nouvelles technologies bien qu’elles s’ouvrent à un plus grand public, ne remplaceront pas l’activité cinématographique exercée par une équipe professionnelle.


Toutes les personnes présentes dans la salle ont ensuite été conviées dans le grand salon du cinéma de l’Entrepôt afin de partager ensemble, autour d’un verre, les émotions et les impressions provoquées par cette soirée d’ouverture des plus réussie.

 

Rameau Antoine