L'Art est sur l'Image Cinématographique

Un Blog sur l'analyse filmique et la critique


vendredi 21 mars 2014

Critique - The Monuments Men de George Clooney


Film historique sorti en France le 12 mars 2014 – 1h58 – réalisé par George Clooney.

Adapté du livre Monuments Men de Robert M. Edsel paru en 2009.


Casting : Matt Damon, George Clooney, Bill Murray, John Goodman, Cate Blanchett, Jean Dujardin, Hugh Bonneville, Bob Balaban… .


The Monuments Men était le surnom donné au petit groupe de soldats américains envoyés en Europe entre 1943 et 1945 sur les ordres du général Eisenhower afin de retrouver les œuvres d’Art dérobés par les nazis. 

George Clooney prend les directives d’un film au sujet ambitieux qui attire notre attention. Un film tellement séduisant que nous pouvons en attendre beaucoup. The Monuments Men est intéressant car il nous rappelle que quelques hommes (notamment des spécialistes de l’Art) ont mis un point d’honneur en la sauvegarde des patrimoines. Le film est tout public, sans trop de violence et au ton amusant, afin de séduire les grands comme les plus jeunes. 

Mais cette séduction qui sied parfaitement au réalisateur, manque de neutralité quant au traitement de l’histoire. Le penchant des grosses productions hollywoodiennes vient parfois édulcorer le fond du film. Des soldats charmants, des héros de la beauté artistique qui n’agissent que dans le but de rendre à leurs propriétaires ce qui leur appartient de droit, des sauveurs à l’humour inébranlable, des hommes honnêtes et fidèles à leurs femmes, un Jean Dujardin pour la « french touch », une 7e compagnie qui ne manque pas de classe et d’autodérision… . The Monuments Men  est un bon divertissement, captivant, qui honore la mémoire d’hommes qui se sont également battus pour l’Art. La réalisation et le choix des plans sont de qualité. Mais les spectateurs exigeants pourraient en attendre plus.


Rameau Antoine

 

jeudi 20 mars 2014

Percer dans le Cinéma : Ambitions et Possibilités

 
Depuis peu d’années, le cinéma devient une discipline de plus en plus à la mode. Réservé à l’élite des écoles ou aux artistes qui ont su se faire un nom, le phénomène continue de s’étendre au sein des universités. Les candidats sont toujours plus nombreux, mais qu’en est-il de leur avenir d’apprentis cinéastes ? Bien qu’il soit réputé comme étant un univers « fermé » ou « difficile d’accès », les étudiants se lancent corps et âme sur des sentiers étroits. Cette orientation correspond-t-elle en une entière confiance des ambitions ou plutôt à un besoin personnel ?

Le Cinéma Français de la fin des années cinquante et des années soixante voit émerger un groupe d’artistes auquel les journalistes et écrivains donneront le nom de La Nouvelle Vague. Le court métrage de Jacques Rivette, Le Coup du Berger de 1956, marque le début de cette ère. Il s’agit d’une époque marquée par le besoin de changer les codes du cinéma français face à un cinéma américain qui s’est implanté en Europe après la Seconde Guerre Mondiale. La Nouvelle Vague ne constituait pas en soi une révolution technologique, mais une façon différente d’aborder le cinéma : d’autres points de vue, de nouveaux engagements socio politiques, des angles divergeant du cinéma français traditionnel. Ce qui a fait la force de ce cinéma n’était pas l’apparition soudaine de plusieurs génies mais bien leur souci d’appartenir à un « groupe » solide. La difficulté aujourd’hui réside dans la capacité de former de nouveau un groupe. Les revendications et les talents ne manquent pas. Au contraire, comme nous venons de le préciser, les « apprentis cinéastes » sont de plus en plus nombreux, le besoin de s’exprimer demeure, mais cet engouement n’a que pour frein et faiblesse son individualisme. François Truffaut, Jean-Luc Godard, Agnès Varda, Eric Rohmer, Claude Chabrol, d’autres critiques du cinéma dont André Bazin se sont imposés grâce à leur talent et l’entraide.
Est-ce que ces dernières années et le contexte de crise économique nous permettent de saisir les rennes de l’industrie cinématographique ?

Nous pouvons citer les différentes voies qui s’ouvrent à nous pour apprendre le cinéma. Il a été démontré qu’il n’existait aucune voie « royale » afin de percer dans cet univers. J’ai par le passé connu un homme qui a été banquier  jusqu’à ses quarante ans et qui est devenu par la suite scénariste pour la télévision. Il faut comprendre que les études cinématographiques, même si elles élargissent nos connaissances autour du 7e Art, ne garantissent en rien notre insertion dans cette industrie. Beaucoup de facteurs déterminent notre réussite : les opportunités, la connaissance, le talent et le travail, les moyens, le projet ou « l’idée qui tombe à pic », la collectivité, la motivation, la persistance, la confiance en soi, la patience… . L’important est d’avoir conscience des obstacles et de l’épreuve que cela représente. L’information est sans doute ce qui manque. Comment comprendre ce monde si nous n’y sommes pas confrontés ?
Dès le lycée voire le collège il existe (dans certains établissements) des options « audiovisuelles ». Ces options ont pour but de faire participer les élèves en les présentant à des professionnels. Ensemble, ils créent un projet qu’ils mettent en scène. Ces projets sont construits à la fois autour de sujets simples et originaux qui nécessitent l’aide d’un budget restreint et pourtant pas anodin. L’élève fait ses premiers pas en tant qu’acteur, étudie la place de son corps dans l’espace, il assiste à la réalisation et au montage. Il participe à des forums des métiers, assiste à des meetings et à des projections de films. Après le bac, il faut faire un choix. Lequel est le plus judicieux ?

-Les écoles : La FEMIS, l’Ecole Nationale Supérieure Louis Lumières, l’EICAR, le CLCF, La Cité du Cinéma, l’ESEC, l’Ecole des Gobelins (films d’animation), les Cours Florent, le CEEA, La Comédie Française… . Ces écoles sont réputées dans toute l’Europe et dans le monde. Elles garantissent un enseignement à la fois théorique et technique. Elles donnent aux élèves une notoriété. Sortir avec succès de ces écoles attestent de l’assiduité dans les formations cinématographiques. Ces écoles permettent des rencontres entre de grands professionnels et les élèves. Une école favorise la création de « groupes ». Ils réalisent ensemble des projets qui sont, par exemple, diffusés dans des Festivals. L’accès  à ces écoles est cependant très restreint. Tous les ans, chaque école forme une trentaine d’élèves qui sont sélectionnés sur un millier de candidats avec le rêve de percer dans le cinéma. Le concours est payant. Les écoles sont payantes et assez chères. Il faut dans certains cas posséder le baccalauréat. L’accès à la formation ne promet pas un avenir de gloire et de succès dans le Cinéma mais donne aux élèves de meilleures chances lors de la recherche d’emploi dans ce secteur. Le concours requiert au préalable des connaissances. Le concours impose une limite d’âge (par exemple de 18 à 30 ans) et de tentatives. Le choix des projets n’est pas forcement libre mais imposé.

-Les BTS : les BTS se concentrent sur les aspects techniques de l’image et du son. Certains établissements possèdent des spécialités, par exemple « le montage » au Lycée Robert de Luzarches à Amiens. Les études sont moins longues mais l’apprentissage est extrêmement spécialisé (au moins deux ans). Les domaines sont : l’utilisation de la caméra, du son, du montage, de l’éclairage… . Ces BTS procèdent également à une sélection des élèves sur dossier et sur candidature. Les chances de trouver du travail sont plus élevées grâce à l’aspect technique.  Les élèves peuvent travailler pour le cinéma, la télévision, avec les media, dans de nombreux secteurs du spectacle. Ils expérimentent de nombreux logiciels comme Photoshop ou In design utiles pour une grande majorité des employeurs. Il manque un apprentissage théorique poussé. Les BTS se font plus rares.

- Les Universités : Il existe une Licence en Arts du Spectacle sur une durée de trois ans. Il est possible de se spécialiser en Cinéma, en Théâtre, en Arts Plastiques et en Histoire des Arts. Il est possible de continuer sur deux ans en partant sur un Master Cinéma spécialisé (recherches, documentaire, scénario, réalisation, secteurs culturels…). Il faudra changer d’établissement en fonction de l’orientation. Puis encore trois années supplémentaires en accomplissant un doctorat qui permet également de devenir professeur de Cinéma. Ces apprentissages s’appuient en grande partie sur l’aspect théorique du Cinéma. Ces formations ont quelques ateliers mais ne proposent pas une formation aussi technique que les BTS. Ces parcours permettent de développer le sens de l’organisation des projets, les qualités rédactionnelles, les connaissances et la préparation aux concours des écoles. L’Université ne favorise pas autant la construction de « groupes » comme les écoles. L’industrie du cinéma est plus accessible par l’aspect technique que théorique. A l’issue de la fac, beaucoup changent leurs projets d’avenir par nécessité. Ces études peuvent êtres longues allant jusqu’à huit ans d’études. La formation universitaire notamment en Cinéma permet une construction de soi très enrichissante et pertinente. Elle mêle de nombreuses disciplines : Histoire, Langues, Philosophie, Social, Français, Lettres et Arts. Contrairement aux écoles et aux BTS, l’université propose plus difficilement un métier dans l’industrie cinématographique. Il en dépend de l’implication extra-scolaire de l’élève.


Ces exemples de parcours correspondent à ce qui existe globalement aujourd’hui. Il y a la possibilité d’accomplir des stages conventionnés qui apportent un excellent complément dans la limite où ce dernier est décroché. Il est possible d’accumuler les parcours. Commencer par l’université et continuer en réussissant le concours de l’une de ces écoles. Le cumule des parcours implique de longues années. Une formation implique au moins deux ou trois années. Lorsque l’on change de parcours on rajoute trois ou deux ans. Ainsi de suite. Les moyens financiers doivent suivre, le contexte affectif et la confiance en l’avenir également. L’université est le parcours le moins cher. Aucun d’entre eux ne garantit le succès dans le Cinéma. Il est possible aussi de mélanger différents corps de métiers. Un apprentissage du Cinéma et une formation en journalisme reste très cohérent dans l’intention de travailler en tant que critique. Il ne faut jamais oublier que la voie « royale » n’existe pas. L’aventure est hasardeuse et il faut en avoir conscience. Certains passionnés choisissent de faire leurs preuves en devenant « autodidacte ». Je vais prendre l’exemple d’un apprenti cinéaste, Kevin Muller, âgé de 21 ans qui rêve lui aussi de percer dans l’univers cinématographique. Kevin a suivi l’option théâtre au lycée puis une formation d’acteur aux Cours Florent. Il utilise Internet, mode de communication de ces dernières générations, pour promouvoir ses idées et ses projets. Il sollicite l’aide que l’on nomme « l’appel aux dons ». Il exploite intelligemment le médium le plus présent dans nos sociétés. Le net devenu le principal diffuseur de vidéos dans le monde a permis à de nombreux « amateurs » de sortir du lot. Je pense entre autres à la vague des podcasts (Cyprien, Norman, Hugo ou encore What the Cut) qui combinent avec stratégie, humour et la tendance du « court ». La série BREF, Scènes de Ménage, Nos chers voisins, puise leur force dans ces mêmes stratégies : court, drôle, pertinent et surtout en lien avec le quotidien. Kevin réalise ses propres vidéos qu’il publie sur Youtube. Il crée des buzz afin de donner envie aux internautes de le soutenir. Surtout, il a su s’entourer d’amis et de professionnels avec qui il monte ses projets. Il crée son site web dans lequel il décrit son parcours, met en vitrine ses talents et ses services. Depuis plusieurs jours il se sert des réseaux sociaux afin de promouvoir son dernier projet PANDORE, un court métrage original en voie de réalisation. Kevin et son équipe ont effectués de nombreuses démarches. Ils ont le soutien de l'association Deadalus Pictures qui finance en partie PANDORE et des studios TSF à Epinay sur Seine. Cependant pour accomplir son but, Kevin doit réunir la somme totale de 2000 euros en un temps restreint. Il s’agit là d’un montant peu élevé lorsque l’on sait ce qu’impose la production d’un court métrage. Kevin emploie la méthode qu’il a utilisée jusqu’ici, « l’appel aux dons », en passant par le site Ulule destiné à la promotion de projets. Il lui reste une quinzaine de jours pour atteindre son objectif. Pour mettre toutes les chances de son côté et convaincre une large population de la pertinence du projet, Kevin donne vie à son travail en révélant au fur et à mesure les rouages de PANDORE. Il anime ses pages web (kevinmuller.fr, facebook, youtube…) de vidéos, de teasers, en parlant de son casting composé de Didier DeRuelle-Kahne et de Chantal Baroin, en présentant le travail de son équipe, en donnant les prémices de son scénario et les images de son story-board. Percer dans le cinéma est indissociable d’une prise de risques mais il ne les prend pas seul. Kevin se donne les moyens pour vivre de sa passion et par force de communication, a le mérite d’avoir exploité avec succès l’ingrédient qui a fait de La Nouvelle Vague ce qu’elle a été : un « groupe ». Kevin qui ne suit plus l’école, ni un BTS, ni l’Université, est finalement plus près de la vérité qu’on ne le pense.




Rameau Antoine

 

vendredi 14 mars 2014

Ouverture de la 9ème édition du Festival L’Europe Autour de L’Europe

 

La 9ème édition du Festival L’Europe Autour de l’Europe a été inaugurée mercredi dernier, le 12 mars à 20h au cinéma l’Entrepôt du 14e arrondissement de Paris. Le Festival occupera de nombreuses salles parisiennes pendant un mois, offrant un large éventail de films provenant de tout le continent. Le réalisateur irlandais Jim Sheridan  invité d’honneur à l’ouverture de cet évènement, nous a permis de (re)découvrir son troisième long métrage Au Nom du Père (In the Name of the Father – 1994) et d’aborder un certain nombre de questions sur le cinéma tel que nous le connaissons aujourd’hui. La thématique de cette année, « Lumière et obscurités », perpétue l’un des fondements du Festival qui est de dépasser les limites d’une industrie cinématographique au profit du cinéma d’Art et d’Auteur. « Lumière et obscurités » donne un sens au lieu du spectacle et de la projection, mais s’annonce aussi comme un partage du Savoir et de la Vérité. Une Europe dans le Temps et l’Espace, un 7e Art que les philosophes des Lumières considèreraient comme un remède à l’obscurantisme.


Filmographie Jim Sheridan

My Left Foot (1989)
The Field (1990)
In the Name of the Father (1994)
The Boxer (1998)
In America (2003)
Get Rich or Die Tryin’ (2006)
Brothers (2009)
Dream House (2011)


            


Le choix d’ouvrir le Festival avec Au Nom du Père est une excellente façon de mêler film étranger avec le désir de garder l’Histoire intact. L’œuvre est s'inspire du roman autobiographique de Gerry Conlon Proved Innocent qui retrace le procès scandaleux de 1974 des « Quatre des Guilford » et des « Sept Maguire » où plusieurs familles ont été accusées d’avoir participées aux attentats des pubs de Guilford ayant faits 5 morts et une centaine de blessés. Gerry Conlon et son père Giuseppe Colon ont été condamnés à la prison à vie. 15 ans plus tard leur innocence est prouvée et la faute judiciaire passée sous silence. Le film met en scène des personnages « bouc émissaires » manipulés à tort par une police incapable d’arrêter les activités de l’IRA (Armée Républicaine Irlandaise), afin de répondre à la soif de vengeance du peuple britannique. Les premières minutes sont telles que Jim Sheridan traduit sa vision du cauchemar et de l’emprise d’un système qui détient l’autorité. Le jeu de la folie, de l’absurdité et le monde de l’emprisonnement nous renvoient au travail du cinéaste Alan Parker notamment avec des films comme Midnight Express, Birdie ou encore The Wall. Des cris et des rires inquiétants résonnent dans les couloirs. Les tortures endurées par Gerry Conlon sont efficacement transmises au spectateur qui se sent à la fois confiné dans la tête du personnage mais également placé au centre du conflit.

Le cauchemar est brillamment construit, surtout lorsque Gerry et son père se retrouvent pour la première fois au sein de la prison. Ils se regardent les yeux dans les yeux à travers la lunette d’une cellule. La visibilité du spectateur est tantôt obstruée, tantôt injectée de peur. Les protagonistes tentent de survivre à leur incarcération en nouant des liens avec les autres détenus. Le réalisateur développe parmi les criminels une part d’humanité qui donne plus de profondeur au combat de Gerry. Cet aspect social de la narration se rapproche plus du film de Milos Forman Vol au-dessus d’un nid de coucou dans lequel le personnage interprété par Jack Nicholson protège ses derniers liens avec une population mis en marge. On  peut penser à l’une des scènes fortes lorsque les prisonniers lâchent de leur fenêtre des pages enflammées. Rien ne peut rattraper les 15 années perdues de Gerry. Jim Sheridan se sert du pouvoir du cinéma capable de rendre Justice à sa manière. L’un de ces pouvoirs étant de conserver la Mémoire.


Films en compétition

My Love Awaits Me by the Sea, Mais Darwazah (2013, Allemagne, Palestine, Jordanie, Qatar).
Mouton, Gilles Deroo, Marianne Pistone (2013, France)
Shirley : Visions of Reality, Gustav Deutsch (2013, Autriche)
El Futuro, Luis Lopez Carrasco (2013, Espagne)
Free Range, Veiko Ounpuu (2014, Estonie)
The Gambler, Ignas Jonynas (2013, Lituanie/Lettonie)
A Thousand Times Good Night, Erik Poppe (2013, Norvège, Suède, Irlande)
The Last Sentence, Jan Troell (2013, Suède/Norvège)
The Enemy Within, Yorgos Tsemberopoulos (2013, Grèce)




Le chien loup : Vie Sauvage est une section crée en 2014 politiquement engagée, dont l’objectif est la contribution à la préservation des espèces menacées. Le film d’auteur est métaphoriquement perçu de la même façon.


Suite à la projection, les spectateurs se rendent dans une autre salle où nous avons la chance de discuter avec le cinéaste irlandais. À côté de lui se tient Irena Bilic qui dirige depuis 2006 le Festival, puis le prix Vie Sauvage qui récompensera l’un des neuf films en compétition. Jim Sheridan nous parle de son film ainsi que des nuances qui séparent la mentalité irlandaise de la mentalité anglaise. Entre humour et leçon de cinéma nous abordons l’expérience du réalisateur à Hollywood avec son dernier film Dream House sorti en 2011. Malgré les moyens financiers, il a vécu ce projet avec la frustration de ne pas avoir été totalement maître de son travail contrairement à ses œuvres précédentes. C’est alors qu’il vient à citer le succès du film français Intouchables dont les américains firent un remake au lieu de projeter l’œuvre originale traduite.

J.S : « Hollywood a de gros moyens mais il en perd parfois la vraie nature et le sens d’un film. L’être humain et les enjeux sont mieux exprimés s’ils savent rester simples ».

Une ultime question est posée au réalisateur : « Est-ce qu’aujourd’hui tout le monde peut faire des films ? ». Le débat tourne autour de l’ère Internet et de la diffusion des vidéos devenues accessibles à tous. Tout le monde peut aujourd’hui filmer avec un petit appareil et diffuser des séquences le jour même. Internet a permis de créer une véritable banque d’images et de sons. Cependant la majorité des projets et leur qualité demeure amateurs. L’industrie du cinéma implique de véritables moyens : sons, musiques, images, effets, jeu d’acteur… . Internet est un immense moyen de diffusion, parfois au détriment du travail des artistes. Les nouvelles technologies bien qu’elles s’ouvrent à un plus grand public, ne remplaceront pas l’activité cinématographique exercée par une équipe professionnelle.


Toutes les personnes présentes dans la salle ont ensuite été conviées dans le grand salon du cinéma de l’Entrepôt afin de partager ensemble, autour d’un verre, les émotions et les impressions provoquées par cette soirée d’ouverture des plus réussie.

 

Rameau Antoine




lundi 3 février 2014

Analyse et Critique : 12 Years A Slave - Dans les yeux de Steve McQueen


12 Years a Slave est le troisième long métrage du réalisateur après Hunger (2008) et Shame (2011). Nous nous souvenons d'un certain Django Unchained dans lequel Tarantino se permis la fantaisie de donner au personnage principal le droit d'accéder à sa vengeance. Steve McQueen revient vers la dure réalité des faits en montrant des personnages complètements privés de ces droits. Le film est une immense claque. Neuf nominations aux Oscars et il les vaut bien. En l'espace de trois œuvres, le réalisateur laisse des empruntes claires qui l'identifient comme un auteur à part entière. Nous retrouvons l'un de ses acteurs préféré, Michael Fassbender, ainsi que le surprenant Chiwetel Ejifor.
 

Douze ans d'esclavage est adapté d'après l'autobiographie de Solomon Northup (1853) l'un des rares survivants de cette période. L'Histoire commence en 1840. Solomon Northup, père de famille, petit bourgeois et musicien jouant du violon, est pris au piège par deux individus qui lui retirent son identité et détruisent en l'espace d'une nuit l'intégralité de ses droits. Solomon est séparé de sa famille qu'il ne retrouvera que 12 années plus tard. Alors qu'on lui propose un travail à la hauteur de ses qualités, Solomon est invité à dîner. Au cours du repas offert par les prétendus employeurs, ces derniers servent abondamment Solomon en vin. Les regards ne trompent plus. En une simple seconde les masques tombent, mettant la vie du personnage principal en danger. Solomon se réveille dans un cachot, pieds et mains liés. Le lieu est digne d'une scène de théâtre. Seul au milieu du néant, le projecteur fait plein feu sur lui. Solomon pense à une blague, une erreur, une terrible méprise, un cauchemar... . Deux hommes entrent et s'adressent à un homme à qui ils ont tout retiré. Traité bien plus mal qu'un animal, Solomon se transforme en un "bien" sur lequel les "propriétaires" exercent leur volonté, accordent la vie ou la mort. 

Steve McQueen fait évoluer ses personnages vers une perte de leur identité, un effacement du corps et l'aliénation. Pour leur survie, les esclaves doivent renier ce qu'ils ont été et ne peuvent plus qu'admettre ce qu'ils sont devenus. Solomon se fait appeler Plate, il doit appeler ceux pour qui il travail "maître", être plus obéissant qu'un chien et enterrer son éducation. Solomon tente de revendiquer sa situation tandis que les autres esclaves lui conseillent de se taire. Lorsqu'il est séparé de son compagnon de bateau, l'homme retourne auprès de son "maître" en marchant comme un animal. Solomon essaye de sauver ses qualités en proposant au premier propriétaire de faciliter le transport fluvial. D'autres blancs décident de la maltraiter pour qu'il se taise et qu'il garde sa science pour lui.

Une fois privé d'identité, Solomon voit son corps s'effacer. Il se retrouve pendu à un arbre en appui sur ses doigts de pieds, luttant toute une journée pour ne pas s'écrouler. Ce plan emblématique et propre à Steve McQueen est développé pour devenir une (moindre) torture pour le spectateur. Les minutes défilent. Tout le monde ignore le corps mis en danger. Maîtres et esclaves vaquent à leurs occupations. Le spectateur n'attend que de mettre la main sur un couteau pour couper lui-même la corde. Cette scène difficile à endurer nous force à regarder le mal dans les yeux. Dans ses précédents films, le réalisateur travaillait déjà sur la longueur des plans: des plans qui nous font honte, des scènes accentuant le "pathétisme" de la situation. Le corps pendu de Solomon ne renvoie pas à son sort, mais à ce qui l'entoure. Une journée ensoleillée, des enfants qui joue, des maîtres qui prennent le thé. Qui a oublié le corps suspendu de Solomon Northup ? Cette scène symbolise l'effacement de l'esclave, pas simplement au regard des tortionnaires, mais aussi à celui des autres victimes. Steve McQueen parvient à réveiller les nombreux soupirs qui survolent la salle de cinéma.

Ne sachant plus s'il existe réellement, Solomon regarde autour de lui (photo ci-dessus). Il est à la recherche de l'individu qui saura le renvoyer à lui. Shame, le deuxième film de l'artiste proposait le même schéma: le regard de l'acteur Michael Fassbender plein de honte, prisonnier d'un corps dans ses excès. Il regarde la caméra plongeant son regard dans le notre. Le mur invisible de la fiction est levé introduisant le spectateur dans l'action. Le regard caméra, connu comme étant un plan interdit, est utilisé lorsque le réalisateur décide de rendre un instant la fiction "réalité". Solomon nous regarde dans les yeux suggérant un: me voyez-vous, êtes-vous là ? Un regard d'appel à l'aide comme le personnage malade de Michael Fassbender dans Shame. Ce plan et ces scènes travaillées sur leur longueur posent la question: Y a-t-il quelqu'un pour arrêter cela ? Steve McQueen semble avoir pour emprunte et axe d'expression artistique "la prison" et plus particulièrement celle dont l'esprit est capable. Qu'il s'agisse d'Hunger, de Shame ou de 12 Years A Slave, le cinéaste construit avec succès un enfermement, là où les corps sont perdus dans la nature. Au milieu du champ de coton, les chants gospel sont les derniers refuges.

Hans Zimmer livre de magnifiques compositions qui viennent donner le ton à 12 Years A Slave. Parfois il se sert même des sons environnants et des musiques pour créer des monstres sonores. On peut penser à la scène du bateau et au bruit des moteurs. Hans Zimmer arrête la musique pour laisser les esclaves du champ de coton s'exprimer sur la tombe de leur "frère". L'un d'entre eux salut "l'oncle Abraham", probablement un clin d’œil à Lincoln à qui l'Amérique doit l'abolition de l'esclavage. Solomon dont l'esprit et l'âme s'étaient perdus, retrouve sa place parmi les Hommes lorsqu'il s'abandonne à un chant de solidarité. 

 

Rameau Antoine

 

Philip Seymour Hoffman - 2 Février 2014


A l'heure où je regarde au cinéma 12 Years a Slave de Steve Mc Queen. Un acteur du cinéma américain s'éteint.


 
Oscar du Meilleur Acteur et Golden Globe pour Truman Capote en 2006.
 
 
Pleins d'autres:
 
The Master
Le Stratège
Le Quatuor
Les Marches du pouvoir
Rendez vous l'été prochain
Mytho Man
Good Morning England
Synecdoche
Doute
La Guerre selon Charlie Wilson
La Famille Savage
7h58 ce samedi-là
Strangers with Candy
Polly et moi
Retour a Cold Mountain
Dragon Rouge
Le Talentueux Mr Ripley
The Big Lebowski
True West
Long Day's Journey Into Night
Boogie Nights
Magnolia
Happiness
Personne n'est parfait(e)
Mission Impossible 3
Hunger Games 2
...
 

jeudi 30 janvier 2014

L'Alternative


1. EXTÉRIEUR. STATION ESSENCE. NUIT


Une voiture noire s'arrête à côté d'une pompe à essence. Un homme habillé d'un blouson en cuir, cheveux châtains, la fin trentaine, sort de son véhicule. Le conducteur est de taille moyenne. Dans les 1m75. On peut entendre une petite musique dans la station. (ACTION: enclencher ou non la vidéo)




Le conducteur rempli son réservoir de gazole. Dans l'obscurité le bruit d'une moto devient de plus en plus fort. Un phare éclaire le parking sombre. La moto vient pénétrer dans la lumière de la station. Les distributeurs sont en libre service, pas un chat ne traîne dans les environs. Le motard porte un casque. Il s'arrête derrière la pompe du conducteur. Les deux hommes ne se voient pas. Le motard fait le tour et regarde la voiture noire tout le long. Il se place derrière lui pour regarder quelle essence il utilise. Le conducteur est de plus en plus suspicieux. Il prête attention aux faits et gestes du motard. Il s'attend à une réaction. Le motard enlève son casque. L'homme est brun, mal rasé, la trentaine également. Il regarde longuement le conducteur qui est sur ses gardes. Le motard lui demande un service.


MOTARD
Tu me filerais un peu d'essence ?


Le conducteur se sent coincé.

CONDUCTEUR
L'essence est chère et je ne roule pas sur l'or.


MOTARD
(insistant)
Je ne vous demande pas une pipe. Juste cinq balles d'essence.


CONDUCTEUR
Même cinq balles.


Le motard reste plusieurs secondes appuyé sur le distributeur. Il fixe le conducteur. Ce dernier perd son sang froid.
 


Bienvenue dans un scénario aux mondes parallèles. Nous parlons parfois dans une histoire de fins alternatives, c'est à dire une fin qui a la possibilité de se terminer de plusieurs façons. Il existerait des mondes parallèles au notre. Un monde dirigé par un même temps T. La vie est faite de choix. A chaque choix, le cours des évènements prennent des tournures différentes. On peut ainsi dire qu'il existe dans la vie des Hommes, une infinité de mondes parallèles. L'Alternative permettrait de revivre un instant T sous une autre possibilité. Jouez le jeu, ne trichez pas. Faites un choix, mais ne revenez pas en arrière même si votre choix ne vous convient plus. A moins que vous soyez capable de suivre toutes les alternatives en même temps. Cette petite histoire, cependant conséquente par son challenge, est une expérience d'écriture scénaristique qui va se développer doucement au sein de ce blog. Il faudra parfois attendre avant de pouvoir valider le dernier choix. Nous allons faire en sorte de rendre captivant L'Alternative. Lors des derniers choix, vos propositions, vos idées pour faire avancer ces mondes parallèles sont les bienvenues. N'hésitez pas à laisser un commentaire.

Rameau Antoine






lundi 27 janvier 2014

Analyse et Critique: Le Vent se Lève, l'ultime film d'animation de Hayao Miyazaki


Le maître de l'animation japonaise Hayao Miyazaki se retire du cinéma en nous livrant son onzième long métrage, Le Vent se Lève. Il nous laisse une magnifique filmographie pleine de beauté et de poésie.

 
Le Château de Cagliostro -1979
Nausicaä de la vallée du vent -1984
Le Château dans le Ciel -1986
Mon voisin Totoro -1988
Kiki la petite sorcière -1989
Porco Rosso -1992
Princesse Mononoké -1997 (de loin mon préféré)
Le Voyage de Chihiro -2001
Le Château Ambulant -2004
Ponyo sur la falaise -2008
Le Vent se Lève -2013




Le film s'inspire de la vie de Jiro Horikoshi qui conçut (entre les deux Guerres Mondiales) les chasseurs bombardiers japonais Mitsubishi A6M ou appelés "Chasseurs Zéro". Le personnage principal voue depuis son enfance une véritable passion pour l'aéronautique. Son modèle, Caproni est un personnage directement inspiré de Giovanni Battista Caproni, un ingénieur italien en aéronautique (ingénieur civil, électricien, concepteur d'aéronefs) qui fonda en 1910 sa société de construction d'aéronefs. L'entreprise Caproni a participé à la construction d'avions utilisés pendant la Première et la Seconde Guerre Mondiale.
Le personnage de Jiro marche sur les pas de Caproni. Possédant tous les deux le même désir, construire de beaux avions, ils se retrouvent à bord d'un rêve commun dans lequel ils souhaitent fabriquer des avions qui transporteront des personnes et non des armes. La plus grande partie du film se situe entre les deux Guerres. Jiro consacre tout son temps aux études et à la conception. Il est brillant et se fait reconnaître auprès de la marine impériale japonaise. Le film est de bon ton car il fait le choix d'accentuer l'amour et les passions des personnages. Le but n'était pas de présenter Caproni ni Jiro comme des collaborateurs, mais simplement comme des gens qui aimaient leur métier. Le film commence avec le rêve de Jiro dans lequel il aperçoit des bombardiers en train de détruire les villages. D'une certaine façon Jiro participe à l'effort de guerre. Les attitudes souvent positives des personnages de Miyazaki, font qu'ils ne travaillent pas au nom de la Guerre, mais pour pousser leur créativité (nous devons beaucoup de choses à Einstein, y compris la bombe atomique...). Le mal n'est pas de créer, il réside dans l'utilisation de sa création. Afin de rester tout public, Miyazaki prend le parti de la beauté. Il s'agit d'un film beaucoup plus technique dans lequel l'auteur mêle Histoire de l'aéronautique et Rêverie. Le réalisateur qui est habitué aux films fantastiques, suggère par moments un peu de fantaisie. Lors du tremblement de terre nous entendons les hurlements de la planète. Les avions également produisent des bruits "bestiaux". Le vent, acteur central du film, anime ce qui semble difficile à animer. Il confie même une âme à la mécanique. Lorsque Jiro fait des tests sur un porte avion avec son patron, les avions projettent, crachent de l'huile de moteur. Les personnages sont souillés par ces gouttes noires qui ressemblent plus à des gouttes de sang. Miyazaki humanise les avions en leur donnant des cris et en les maltraitant. Leur but devrait être de servir et non détruire.
Le vent permet à Jiro de faire la connaissance de Naoko dont il va tomber amoureux. Cette force naturelle les rapproche sans cesse. Le vent sert même de messager entre les deux personnages. Le vent provoque l'intuition et sert d'énergie à ceux qui l'inspirent.
Sans doute la force de Hayao Miyazaki est de donner de la force à ce qui ne peut être animé. Le vent qui n'a pas de forme ou de visage est omniprésent. Tout dépend du mouvement de la nature, des vêtements, des objets... . La force du réalisateur est de donner vie à ce qui l'est difficilement. Comme dans tous ses films, il rend la nature complice. Il nous permet de croire en des forces qui influent sur le monde et l'environnement. La majeure partie de ses films ont pour thèmes: le ciel, le vent, le voyage, les amours épiques et les châteaux. Porco rosso était lui même un personnage pilote d'avion. Kiki vole grâce à son balai, nous retrouvons les mondes cachés et perdus avec les châteaux. Tout réside dans le voyage inattendu, le transport immatériel, les divinités. Les personnages grandissent grâce à des expériences de vie. Ils acquièrent de la sagesse et de la maturité.
Avec ce dernier film, Miyazaki s'aventure dans un sujet peut être un peu plus adulte que d'habitude, plus complexe, tout en révélant le monde beau tel qu'il est.

Rameau Antoine



Analyse et Critique: Le Loup de Wall Street - Le Capitaine et ses moussaillons

 
Après quelques semaines en stand-by, je me lance enfin sur le dernier film sulfureux de Martin Scorsese. 32e long métrage du cinéaste. On se disait avec un ami: "du Scorsese ça ne se périme jamais". Un Léonardo Di Caprio toujours aussi remarquable dans des rôles de Golden Boy hystériques. Gatsby l'enfant terrible, qui enchaîne les blockbusters, attend son heure de gloire. Talent reconnu, Di Caprio passe toujours à travers les mailles du filet et pourtant depuis ses fréquents retours, le poisson du Titanic devient un véritable requin. En parlant de requin, Le Loup de Wall Street nous jette indéniablement en pâtures.



 
L'effet du surnom



Jordan Belfort est surnommé par les média Le Loup de Wall Street. Ce titre qui lui est attribué est un coup marketing utilisé par les journaux mais il donne au personnage une dimension doublement fictive. Ce genre de titres transforment les simples individus en légendes ou héros de contes. Il aurait pu se faire appeler Capitaine crochet, Barbe bleue, Long John Silver, parce qu'il est présenté non comme un Président ou un Directeur Général, mais plutôt comme un Capitaine qui commande à bord de son navire. Son micro est sa barre, ses employés derrière leurs écrans tiennent les rames. Excellent orateur, qui détrousse les honnêtes gens, Jordan apprend à ses recrues comment détrousser les autres. Il accumule un butin conséquent, ils font régulièrement la fête pour se féliciter de leurs attaques, ils ne semblent pas travailler durement, ils volent le peuple en leur servant des mensonges et en bluffant. Cette jolie petite bande de pirates, parient comme si il s'agissait d'un inlassable poker menteur dont ils connaissent les règles et les failles du jeu. Cette faille a été démontrée lorsque Jordan a demandé à son coéquipier de lui vendre un stylo. L'intérêt n'est pas de mettre l'objet en valeur, mais de prouver que sans cet objet l'acheteur potentiel restera dans le besoin.
 
Un chant Indien, rituel d'initiation
Jordan veut devenir courtier. Il entre dans une société (comme moussaillon) où il obtient son brevet. Le navire à la suite d'une mauvaise attaque, coule, entraînant tous les courtiers à l'eau. Jordan déjeune avec l'un des chefs de la société (Matthew McConaughey) qui veut s'assurer que son petit protégé évolue avec la mentalité adéquate. Ils simulent un chant indien des plus ridicules. Ils se frappent la poitrine du poing, geste qui les ramène sans cesse à eux: moi, moi, moi, moi, moi... . Ce chant et ce geste définissent leur égocentrisme. En se prenant pour des indiens, ils se considèrent comme étant à la fois les fondateurs de la puissante Amérique et comme des marginaux incompris. Ce chant sera transmis à Jordan qui le répétera une nouvelle fois durant le film.
 
Le recrutement du Capitaine

Partant de zéro, Jordan recrute ses bras droits qui eux mêmes recruteront les prochains employés. Une nouvelle société Stratton Oakmont voit le jour. Comme un père et sa famille, Jordan leur apprend les ficelles du métier. Ils prennent plaisir à embobiner les citoyens américains. La famille s'agrandit et ressemble plutôt à une bande de joyeux gai lurons sortis du cirque Freaks. Des nains, une femme au crâne rasé, des larbins, des filles de joie, un petit monde qui ressemblerait plutôt à la bande de Jackass. Au micro, Jordan est le roi du discours: émotions, excitations, moqueries, craintes, retournements de situations. Il est un artiste de one man show, un clown avec un sacré charisme.
 
Une allusion à risques
Au milieu du film Scorsese frappe extrêmement fort. Dans l'euphorie la plus complète Jordan compare son équipage à: "des putains de terroristes". On prend du recule avec l'Histoire. La cible des attentats du 11 septembre étaient les tours du World Trade Center, c'est à dire des buildings comme celui qu'occupe l'équipage de Jordan Belfort. Des bureaux situés haut dans le ciel. On supposerait alors que des terroristes kamikazes auraient détruits un repère de "terroristes de l'économie". Ce sujet étant très sensible, Scorsese se permet une provocation des plus culottée. Nous savons pourtant que les traders ont été tenus en partie responsables des nombreuses chutes économiques.
 
Une comédie noire
D'un humour grinçant, le film expose principalement les côtés festifs des rois de la finance. Jordan offre le symbolique bateau à sa femme. Comme de nombreuses organisations illégales, les courtiers se focalisent sur les différentes trahisons dont ils sont victimes. Nous quittons la salle sans vraiment comprendre comment des personnes comme Jordan arrivent à devenir aussi riches. Ils passent leur temps à vendre du vent et à attendre que le cours des actions change. Ils guettent du haut de leur mat les navires à piller. L'image du capitaine et du marin nous sont suggérés lorsque Jordan prend modèle sur le personnage de Popeye. Après une dose de cocaïne il trouve la force suffisante pour sauver son ami d'un morceau de jambon avalé de travers. On peut appeler Le Loup de Wall Street une comédie noire. Comme de nombreux films chez Scorsese, nous assistons à l'élévation d'un criminel qui est rattrapé par la folie des grandeurs.
Le film s'achève sur un meeting ou une conférence pendant laquelle Jordan fait son "mea culpa". Il essaye d'expliquer son métier. Toutefois il sort de nouveau son stylo et demande au public de le lui vendre. Jordan repart de plus belle, il est en pleine séance de recrutement afin de découvrir quels seront les prochains moussaillons capables de constituer le futur navire.
 
Rameau Antoine


vendredi 20 décembre 2013

Analyse de Fight Club - La fourmilière de Tyler Durden



Je m'étais promis un jour d'y venir. Parler du film de David Fincher (1999) tiré du roman de l'ancien journaliste américain Chuck Palaniuk.

 
Pourquoi ne pas visiter quelques points qui se dégagent de cette oeuvre devenue culte ? Pourquoi ne pas défier les paradoxes ? 
Est-elle suffisamment bien interprétée ? Magnifique satire de notre monde contemporain, des modes de consommation, de la solitude et du capitalisme malade. Bienvenue sur la route de la déshumanisation.





Une Fourmilière
"En tous points de vues, Dieu te déteste"

La place de l'humain est remise en question. Quelle échelle lui accorder ? L'être humain incapable de différencier une fourmi d'une autre n'aura aucun remord à piétiner une fourmilière ou écraser quelques fourmis. Il distingue une communauté infiniment trop petite pour y prêter quelconque attention ou le moindre sentiment. Tuer un être humain est différent. On s'attaque à un semblable, une personne que l'on pourrait identifier. A l'échelle d'un Dieu, l'homme est peut être comparable à cette petite fourmi. Tous identiques, bien trop petits pour y prêter attention. Celui qui prétend être au-dessus de ses semblables pense pouvoir les exploiter ou les éliminer sans état d'âme. Selon Tyler, Dieu est qui il est sans doute parce qu'il est le seul à pouvoir distinguer une fourmi d'une autre. Dieu pourrait nous détester car l'Homme aurait oublié sa capacité de fonder une communauté soudée. Le personnage se fait tout petit, son groupe agit en sous-sol entre les piliers de béton. Il peuple sa fourmilière, crée ses petits soldats, prêts à sortir accomplir leur mission. Ils deviennent tous véritablement égaux et perdent leur identité. Comme les fourmis nous n’arrivons plus à les distinguer. Elles sont solidaires, discrètes, agissent dans l'ombre. Elles sont partout mais l'homme ordinaire ne les remarque pas. Lors du projet chaos ils s'habillent tous en noir et affirment leur appartenance à un seul groupe. La communauté devient organisée, la maison délabrée semblable à cette fourmilière s'organise, se divise en groupes qui ont chacun leur particularité. Par leur nombre ils veulent recréer ce monde qui leur appartient de droit. Il faut détruire les fondations, ébranler les plus hauts buildings d'une finance qui ne fonctionne plus. Les fourgons remplis de nitroglycérine s'attaquent aux fondations de ces buildings, faisant descendre au niveau zéro les individus qui se sont crus supérieurs à leurs semblables. La fin du film n'a pas tant besoin d'être expliquée, elle est juste symbolique. Mais qui est la reine de ce petit monde ? Tyler ou Marla ?



Un film qui fabrique du Culte

Tant sont les spectateurs qui retiennent les phrases du film. Les mots de Tyler ressemblent à des slogans publicitaires ou politiques. Il se présente comme un prophète qui vend de la "devise" à ses petites progénitures. Film qui se dit, ou fait dire aux spectateurs, être anti monde de consommation crée par son "cultissisme" de la référence à consommer. Le fan de Fight Club regardera une dizaine de fois le film, rendant le produit un objet purement contradictoire. Fight Club devient le bijou à obtenir absolument dans sa vidéothèque. De beaux discours qui cependant continuent d'exploiter le consommateur en recherche de violence, de révolutions et d'actes cool. Un film à ne voir qu'une fois ? Il cache bien des mystères comme de retrouver les images pornographiques qui ont été parsemées. Il faut abandonner le système tel que nous le connaissons. Le film joue consciemment sur ces contradictions, mais sont-elles toujours comprises ? Tyler est lui-même victime d'un univers qu'il finit par copier. Il se place à la tête de la fourmilière, il prive ses soldats de leur personnalité. Tous identiques, ils deviennent eux-mêmes des produits du travail à la chaîne. Comme une série de voitures qui se font assembler à l'intérieur d'une usine. "Vous n'êtes pas votre treillis, ni votre portefeuille, la merde de ce monde prêt à tout" - "Vous n'êtes pas un flocon de neige unique"... Tyler répète inlassablement ses discours et ses messages de propagande. Le système ne fonctionne plus. Le capitalisme est montré comme un système malade, dans lequel la population n'arrive plus à s'en sortir. Certains qualifient Tyler de psychopathe communiste... .

Le capitalisme malade ?

Il s'agit du système tel que nous le connaissons aujourd'hui. Ce n'est pas en soit le système qui est malade mais la population qui ne peut plus suivre son fonctionnement. Ce système est caractérisé par le développement rapide de son mode de consommation. Il est à la mode de consommer certains services, d'être au top de la Culture ou des diverses tendances. Tyler dit une chose: "ce que l'on possède fini par nous posséder". C'est sans doute sa définition du capitalisme malade. Cette période de crise économique qui n'a cessée de croître depuis des années, est une période où la technologie a continuée d'exploser. Le vintage ou le rétro deviennent des consommations du passé. Il faut être à la page, utiliser Internet, posséder un I phone et ses nombreuses applications, découvrir les derniers clips ou vidéos. Le capitalisme malade est caractérisé par ces populations qui ne peuvent plus financièrement suivre ces mouvances. Le sentiment de "marginalisation", de perdition, disons d'effacement de l'individu prend de l'ampleur. Tyler met en avant que le produit "aujourd'hui" est parvenu à effacer l'individu. C'est pourquoi il refuse coûte que coûte de posséder "l'éventail IKEA". Lorsque l'on vit dans un système dans lequel nous n'arrivons plus à suivre les tendances, on se sent comme "déconnectés" du système et en proie à une forme d'anomie (perte des repères). Fight Club (Palahnuik) annonçait d'une certaine façon ce vers quoi nous avancions. 



La Schizophrénie Durden

Comment peut-elle s'expliquer ? Elle n'est pas là pour constituer l'univers "cool" de Fight Club. Tyler qui était en proie à l'effacement et donc à l'exclusion, s'est enfermé dans une forme de solitude. Tyler a créé son double afin de combattre sa solitude. Homme vivant seul dans son appartement, travaillant dans l'étude des accidents de voitures, collectant tout le mobilier possible, est fondamentalement seul. Un quotidien qui perd de son sens, Tyler vit comme un zombie et ne dort plus. De retour parmi les "exclus" de la société (les différents groupes de rencontre) Tyler va imaginer pouvoir renouer des liens. Les "marginaux" se rassemblent et créent leur nouvelle communauté. Le Tyler Durden qui apparaît, est celui qui va prendre la tête d'une révolution devenue nécessaire. Fight Club n'est pas à prendre comme un encouragement à la destruction ou à la rébellion ("l'anarchie ne conduit pas au bonheur") mais traduit simplement un mal être qui devient de plus en plus évident.



Marla, l'allégorie du cancer

Le personnage le plus ambigu, est probablement Marla. Toujours en train de souffrir, Marla est décrite comme une "maladie" (la plaie qui ne cicatrise pas). Sans cesse à la recherche de ses défauts, elle veut démontrer qu'elle pourrit de l'intérieur. Concrètement Marla n'a de maladif que son apparence et recherche simplement à vaincre la solitude comme les autres personnages. Rejetée et juste utilisée comme objet sexuel, elle est déshumanisée par Tyler (Brad Pitt). Tyler Durden déshumanise les gens et fini par oublier l'importance de l'authenticité. Nous vivons dans Fight Club un combat entre individualisme et déshumanisation. "Edward Norton" résout ce compromis en se débarrassant de "Brad Pitt". Il se sauve d'une complète déshumanisation et décide de s'unir à Marla afin de combattre le vrai mal être.




Rameau Antoine

dimanche 8 décembre 2013

Analyse du film Cartel de Ridley Scott

 

Trois oeuvres de Cormac Mc Carthy

No Country for Old Man (2007 - les frères Coen) La Route (2009 - John Hilcoat) Cartel (2013 - Ridley Scott)

 



Cormac McCarthy est un écrivain américain né le 20 juillet 1933. Il a écrit The Orchard Keeper en 1965, Outer Dark en 1968 et Suttree en 1979. L'auteur a vécu des deux côtés de la frontière Mexique/Etats Unis, à El Paso au Texas à partir de 1976 et aujourd'hui à Santa Fe au Nouveau Mexique. Cette position est ce qui lui a sans doute permis de concevoir le scénario de Cartel : les trafiques, les immigrations clandestines, l’ambiguïté des lois entre les deux pays. Il obtient le prix Pulitzer en 2007 et le prix des libraires du Québec avec La Route.

Ces trois œuvres fonctionnent autour d'une frontière à franchir (ou pas). Les personnages, un peu vagabonds, sont plutôt en déroute qu'autre chose. Ils s'imprègnent de la mort, de l'irréparable, du chemin de non retour comme d'une malédiction. Une vie uniquement constituée de choix. Peut être un peu manichéens, ces films mettent en avant des personnages qui doivent faire un choix entre une bonne et une mauvaise voie. Ils sont aventureux, se sentent en position de force, parfois prétentieux et vaniteux ils s'abandonnent aux travers de l'homme, ses pêchés, l'argent, la drogue, le meurtre... . La mort devient un compagnon de route qui use ces personnages. Parfois même ils sont confrontés à perdre tout ce qu'ils possèdent et préféreraient mourir. La mort est pour Michael Fassbender dans Cartel un luxe qu'il ne peut même plus s'offrir. Le personnage principal est comme maudit et il apporte le malheur à ses proches. La Route est un film dans lequel il n'y a plus de notions de frontières et de règles. Le personnage décide d'aller dans le sud des Etats Unis dans l'espoir de survivre à l'hiver. En levant toutes limites, la mort est alors omniprésente. Le personnage de Viggo Mortensen contrairement dans les autres films adaptés de Cormac, n'est pas confronté à dépasser les limites puisqu'elles n'existent plus.

Dans No Country For Old Men, le personnage de Josh Brolin (Llewelyn Moss) s'empare d'un paquet d'argent qui ne lui appartient pas. Un magot vers lequel tout converge: la tentation, les criminels, les mafias, les gens ordinaires, la police. Llewelyn est sans cesse dans la fuite et l'épuisement. Alors qu'il réussi désespérément à se sauver du tueur Anton Chigurh, il est balayé en un clin d’œil par ceux qui ont perdus leur argent lors de la sanguinolente transaction (probablement le Cartel). La femme de Llewelyn, Carla Jean devient malgré elle la victime d'Anton. Pénélope Cruz subit dans Cartel le même schéma. L'avocat joue avec le feu et finit par être confronté à l’incontrôlable situation. Ne sachant plus quoi faire il fuit, abandonné en lâche. Sa compagne est victime du sort que  décrit le personnage de Brad Pitt. Il est inutile de montrer la cruauté des tueurs là où le désespoir de l'avocat suffit pour confirmer nos craintes. M. Fassbender se retrouve seul avec ses regrets. Chacun de ces films arrivent à traduire la force oppressante des oeuvres de l'écrivain. Le sort des personnages est alors confié aux "Dieux". Leurs actes sont jugés selon leur véritable nature. L'avocat se voit refuser le droit de mourir. La tragédie (dite de façon simple) est une histoire qui nous présente les souffrances du personnage jusqu'à sa mort. La mort du héros qui a souffert devient un acte de beauté et d'immortalité. Malgré ses souffrances, l'avocat dans Cartel ne peut accéder à ce statut de héros tragique car il est épargné. Llewelyn meurt dans No Country For Old Men, ce qui nous permet de conserver nos attaches avec le personnage. Le barman mexicain dit une chose à Michael Fassbender que nous pouvons expliquer de cette façon: depuis que j'ai perdu ma femme, ma vie est une tragédie sans fin. 

Cartel n'est pas un excellent, mais un bon film. Il laisse sans doute une partie des spectateurs sur leur fin tout simplement parce qu'il n'y a pas de fin pour le personnage principal. Les rôles sont biens joués et les interprétations sont globalement réussies. Cartel est un film qui ne manque pas de challenge et qui est moins simple à faire adhérer au spectateur qu'un No Country For Old Men (par rapport aux codes que nous venons de décrire). Il demeure un film de divertissement qui a tendance parfois à trop caricaturer ses personnages. Le casting est conséquent et peut être trop décalé. On aurait pu remplacer certaines personnalités par des acteurs moins connus. Fassbender est l'un des personnages les plus aboutis. Cet ensemble préserve le "kitchissisme" d'un Ridley Scott dont on reconnaît le style.



Rameau Antoine