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lundi 27 janvier 2014

Analyse et Critique: Le Loup de Wall Street - Le Capitaine et ses moussaillons

 
Après quelques semaines en stand-by, je me lance enfin sur le dernier film sulfureux de Martin Scorsese. 32e long métrage du cinéaste. On se disait avec un ami: "du Scorsese ça ne se périme jamais". Un Léonardo Di Caprio toujours aussi remarquable dans des rôles de Golden Boy hystériques. Gatsby l'enfant terrible, qui enchaîne les blockbusters, attend son heure de gloire. Talent reconnu, Di Caprio passe toujours à travers les mailles du filet et pourtant depuis ses fréquents retours, le poisson du Titanic devient un véritable requin. En parlant de requin, Le Loup de Wall Street nous jette indéniablement en pâtures.



 
L'effet du surnom



Jordan Belfort est surnommé par les média Le Loup de Wall Street. Ce titre qui lui est attribué est un coup marketing utilisé par les journaux mais il donne au personnage une dimension doublement fictive. Ce genre de titres transforment les simples individus en légendes ou héros de contes. Il aurait pu se faire appeler Capitaine crochet, Barbe bleue, Long John Silver, parce qu'il est présenté non comme un Président ou un Directeur Général, mais plutôt comme un Capitaine qui commande à bord de son navire. Son micro est sa barre, ses employés derrière leurs écrans tiennent les rames. Excellent orateur, qui détrousse les honnêtes gens, Jordan apprend à ses recrues comment détrousser les autres. Il accumule un butin conséquent, ils font régulièrement la fête pour se féliciter de leurs attaques, ils ne semblent pas travailler durement, ils volent le peuple en leur servant des mensonges et en bluffant. Cette jolie petite bande de pirates, parient comme si il s'agissait d'un inlassable poker menteur dont ils connaissent les règles et les failles du jeu. Cette faille a été démontrée lorsque Jordan a demandé à son coéquipier de lui vendre un stylo. L'intérêt n'est pas de mettre l'objet en valeur, mais de prouver que sans cet objet l'acheteur potentiel restera dans le besoin.
 
Un chant Indien, rituel d'initiation
Jordan veut devenir courtier. Il entre dans une société (comme moussaillon) où il obtient son brevet. Le navire à la suite d'une mauvaise attaque, coule, entraînant tous les courtiers à l'eau. Jordan déjeune avec l'un des chefs de la société (Matthew McConaughey) qui veut s'assurer que son petit protégé évolue avec la mentalité adéquate. Ils simulent un chant indien des plus ridicules. Ils se frappent la poitrine du poing, geste qui les ramène sans cesse à eux: moi, moi, moi, moi, moi... . Ce chant et ce geste définissent leur égocentrisme. En se prenant pour des indiens, ils se considèrent comme étant à la fois les fondateurs de la puissante Amérique et comme des marginaux incompris. Ce chant sera transmis à Jordan qui le répétera une nouvelle fois durant le film.
 
Le recrutement du Capitaine

Partant de zéro, Jordan recrute ses bras droits qui eux mêmes recruteront les prochains employés. Une nouvelle société Stratton Oakmont voit le jour. Comme un père et sa famille, Jordan leur apprend les ficelles du métier. Ils prennent plaisir à embobiner les citoyens américains. La famille s'agrandit et ressemble plutôt à une bande de joyeux gai lurons sortis du cirque Freaks. Des nains, une femme au crâne rasé, des larbins, des filles de joie, un petit monde qui ressemblerait plutôt à la bande de Jackass. Au micro, Jordan est le roi du discours: émotions, excitations, moqueries, craintes, retournements de situations. Il est un artiste de one man show, un clown avec un sacré charisme.
 
Une allusion à risques
Au milieu du film Scorsese frappe extrêmement fort. Dans l'euphorie la plus complète Jordan compare son équipage à: "des putains de terroristes". On prend du recule avec l'Histoire. La cible des attentats du 11 septembre étaient les tours du World Trade Center, c'est à dire des buildings comme celui qu'occupe l'équipage de Jordan Belfort. Des bureaux situés haut dans le ciel. On supposerait alors que des terroristes kamikazes auraient détruits un repère de "terroristes de l'économie". Ce sujet étant très sensible, Scorsese se permet une provocation des plus culottée. Nous savons pourtant que les traders ont été tenus en partie responsables des nombreuses chutes économiques.
 
Une comédie noire
D'un humour grinçant, le film expose principalement les côtés festifs des rois de la finance. Jordan offre le symbolique bateau à sa femme. Comme de nombreuses organisations illégales, les courtiers se focalisent sur les différentes trahisons dont ils sont victimes. Nous quittons la salle sans vraiment comprendre comment des personnes comme Jordan arrivent à devenir aussi riches. Ils passent leur temps à vendre du vent et à attendre que le cours des actions change. Ils guettent du haut de leur mat les navires à piller. L'image du capitaine et du marin nous sont suggérés lorsque Jordan prend modèle sur le personnage de Popeye. Après une dose de cocaïne il trouve la force suffisante pour sauver son ami d'un morceau de jambon avalé de travers. On peut appeler Le Loup de Wall Street une comédie noire. Comme de nombreux films chez Scorsese, nous assistons à l'élévation d'un criminel qui est rattrapé par la folie des grandeurs.
Le film s'achève sur un meeting ou une conférence pendant laquelle Jordan fait son "mea culpa". Il essaye d'expliquer son métier. Toutefois il sort de nouveau son stylo et demande au public de le lui vendre. Jordan repart de plus belle, il est en pleine séance de recrutement afin de découvrir quels seront les prochains moussaillons capables de constituer le futur navire.
 
Rameau Antoine


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