L'Art est sur l'Image Cinématographique

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vendredi 14 mars 2014

Ouverture de la 9ème édition du Festival L’Europe Autour de L’Europe

 

La 9ème édition du Festival L’Europe Autour de l’Europe a été inaugurée mercredi dernier, le 12 mars à 20h au cinéma l’Entrepôt du 14e arrondissement de Paris. Le Festival occupera de nombreuses salles parisiennes pendant un mois, offrant un large éventail de films provenant de tout le continent. Le réalisateur irlandais Jim Sheridan  invité d’honneur à l’ouverture de cet évènement, nous a permis de (re)découvrir son troisième long métrage Au Nom du Père (In the Name of the Father – 1994) et d’aborder un certain nombre de questions sur le cinéma tel que nous le connaissons aujourd’hui. La thématique de cette année, « Lumière et obscurités », perpétue l’un des fondements du Festival qui est de dépasser les limites d’une industrie cinématographique au profit du cinéma d’Art et d’Auteur. « Lumière et obscurités » donne un sens au lieu du spectacle et de la projection, mais s’annonce aussi comme un partage du Savoir et de la Vérité. Une Europe dans le Temps et l’Espace, un 7e Art que les philosophes des Lumières considèreraient comme un remède à l’obscurantisme.


Filmographie Jim Sheridan

My Left Foot (1989)
The Field (1990)
In the Name of the Father (1994)
The Boxer (1998)
In America (2003)
Get Rich or Die Tryin’ (2006)
Brothers (2009)
Dream House (2011)


            


Le choix d’ouvrir le Festival avec Au Nom du Père est une excellente façon de mêler film étranger avec le désir de garder l’Histoire intact. L’œuvre est s'inspire du roman autobiographique de Gerry Conlon Proved Innocent qui retrace le procès scandaleux de 1974 des « Quatre des Guilford » et des « Sept Maguire » où plusieurs familles ont été accusées d’avoir participées aux attentats des pubs de Guilford ayant faits 5 morts et une centaine de blessés. Gerry Conlon et son père Giuseppe Colon ont été condamnés à la prison à vie. 15 ans plus tard leur innocence est prouvée et la faute judiciaire passée sous silence. Le film met en scène des personnages « bouc émissaires » manipulés à tort par une police incapable d’arrêter les activités de l’IRA (Armée Républicaine Irlandaise), afin de répondre à la soif de vengeance du peuple britannique. Les premières minutes sont telles que Jim Sheridan traduit sa vision du cauchemar et de l’emprise d’un système qui détient l’autorité. Le jeu de la folie, de l’absurdité et le monde de l’emprisonnement nous renvoient au travail du cinéaste Alan Parker notamment avec des films comme Midnight Express, Birdie ou encore The Wall. Des cris et des rires inquiétants résonnent dans les couloirs. Les tortures endurées par Gerry Conlon sont efficacement transmises au spectateur qui se sent à la fois confiné dans la tête du personnage mais également placé au centre du conflit.

Le cauchemar est brillamment construit, surtout lorsque Gerry et son père se retrouvent pour la première fois au sein de la prison. Ils se regardent les yeux dans les yeux à travers la lunette d’une cellule. La visibilité du spectateur est tantôt obstruée, tantôt injectée de peur. Les protagonistes tentent de survivre à leur incarcération en nouant des liens avec les autres détenus. Le réalisateur développe parmi les criminels une part d’humanité qui donne plus de profondeur au combat de Gerry. Cet aspect social de la narration se rapproche plus du film de Milos Forman Vol au-dessus d’un nid de coucou dans lequel le personnage interprété par Jack Nicholson protège ses derniers liens avec une population mis en marge. On  peut penser à l’une des scènes fortes lorsque les prisonniers lâchent de leur fenêtre des pages enflammées. Rien ne peut rattraper les 15 années perdues de Gerry. Jim Sheridan se sert du pouvoir du cinéma capable de rendre Justice à sa manière. L’un de ces pouvoirs étant de conserver la Mémoire.


Films en compétition

My Love Awaits Me by the Sea, Mais Darwazah (2013, Allemagne, Palestine, Jordanie, Qatar).
Mouton, Gilles Deroo, Marianne Pistone (2013, France)
Shirley : Visions of Reality, Gustav Deutsch (2013, Autriche)
El Futuro, Luis Lopez Carrasco (2013, Espagne)
Free Range, Veiko Ounpuu (2014, Estonie)
The Gambler, Ignas Jonynas (2013, Lituanie/Lettonie)
A Thousand Times Good Night, Erik Poppe (2013, Norvège, Suède, Irlande)
The Last Sentence, Jan Troell (2013, Suède/Norvège)
The Enemy Within, Yorgos Tsemberopoulos (2013, Grèce)




Le chien loup : Vie Sauvage est une section crée en 2014 politiquement engagée, dont l’objectif est la contribution à la préservation des espèces menacées. Le film d’auteur est métaphoriquement perçu de la même façon.


Suite à la projection, les spectateurs se rendent dans une autre salle où nous avons la chance de discuter avec le cinéaste irlandais. À côté de lui se tient Irena Bilic qui dirige depuis 2006 le Festival, puis le prix Vie Sauvage qui récompensera l’un des neuf films en compétition. Jim Sheridan nous parle de son film ainsi que des nuances qui séparent la mentalité irlandaise de la mentalité anglaise. Entre humour et leçon de cinéma nous abordons l’expérience du réalisateur à Hollywood avec son dernier film Dream House sorti en 2011. Malgré les moyens financiers, il a vécu ce projet avec la frustration de ne pas avoir été totalement maître de son travail contrairement à ses œuvres précédentes. C’est alors qu’il vient à citer le succès du film français Intouchables dont les américains firent un remake au lieu de projeter l’œuvre originale traduite.

J.S : « Hollywood a de gros moyens mais il en perd parfois la vraie nature et le sens d’un film. L’être humain et les enjeux sont mieux exprimés s’ils savent rester simples ».

Une ultime question est posée au réalisateur : « Est-ce qu’aujourd’hui tout le monde peut faire des films ? ». Le débat tourne autour de l’ère Internet et de la diffusion des vidéos devenues accessibles à tous. Tout le monde peut aujourd’hui filmer avec un petit appareil et diffuser des séquences le jour même. Internet a permis de créer une véritable banque d’images et de sons. Cependant la majorité des projets et leur qualité demeure amateurs. L’industrie du cinéma implique de véritables moyens : sons, musiques, images, effets, jeu d’acteur… . Internet est un immense moyen de diffusion, parfois au détriment du travail des artistes. Les nouvelles technologies bien qu’elles s’ouvrent à un plus grand public, ne remplaceront pas l’activité cinématographique exercée par une équipe professionnelle.


Toutes les personnes présentes dans la salle ont ensuite été conviées dans le grand salon du cinéma de l’Entrepôt afin de partager ensemble, autour d’un verre, les émotions et les impressions provoquées par cette soirée d’ouverture des plus réussie.

 

Rameau Antoine




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