L'Art est sur l'Image Cinématographique

Un Blog sur l'analyse filmique et la critique


lundi 3 février 2014

Analyse et Critique : 12 Years A Slave - Dans les yeux de Steve McQueen


12 Years a Slave est le troisième long métrage du réalisateur après Hunger (2008) et Shame (2011). Nous nous souvenons d'un certain Django Unchained dans lequel Tarantino se permis la fantaisie de donner au personnage principal le droit d'accéder à sa vengeance. Steve McQueen revient vers la dure réalité des faits en montrant des personnages complètements privés de ces droits. Le film est une immense claque. Neuf nominations aux Oscars et il les vaut bien. En l'espace de trois œuvres, le réalisateur laisse des empruntes claires qui l'identifient comme un auteur à part entière. Nous retrouvons l'un de ses acteurs préféré, Michael Fassbender, ainsi que le surprenant Chiwetel Ejifor.
 

Douze ans d'esclavage est adapté d'après l'autobiographie de Solomon Northup (1853) l'un des rares survivants de cette période. L'Histoire commence en 1840. Solomon Northup, père de famille, petit bourgeois et musicien jouant du violon, est pris au piège par deux individus qui lui retirent son identité et détruisent en l'espace d'une nuit l'intégralité de ses droits. Solomon est séparé de sa famille qu'il ne retrouvera que 12 années plus tard. Alors qu'on lui propose un travail à la hauteur de ses qualités, Solomon est invité à dîner. Au cours du repas offert par les prétendus employeurs, ces derniers servent abondamment Solomon en vin. Les regards ne trompent plus. En une simple seconde les masques tombent, mettant la vie du personnage principal en danger. Solomon se réveille dans un cachot, pieds et mains liés. Le lieu est digne d'une scène de théâtre. Seul au milieu du néant, le projecteur fait plein feu sur lui. Solomon pense à une blague, une erreur, une terrible méprise, un cauchemar... . Deux hommes entrent et s'adressent à un homme à qui ils ont tout retiré. Traité bien plus mal qu'un animal, Solomon se transforme en un "bien" sur lequel les "propriétaires" exercent leur volonté, accordent la vie ou la mort. 

Steve McQueen fait évoluer ses personnages vers une perte de leur identité, un effacement du corps et l'aliénation. Pour leur survie, les esclaves doivent renier ce qu'ils ont été et ne peuvent plus qu'admettre ce qu'ils sont devenus. Solomon se fait appeler Plate, il doit appeler ceux pour qui il travail "maître", être plus obéissant qu'un chien et enterrer son éducation. Solomon tente de revendiquer sa situation tandis que les autres esclaves lui conseillent de se taire. Lorsqu'il est séparé de son compagnon de bateau, l'homme retourne auprès de son "maître" en marchant comme un animal. Solomon essaye de sauver ses qualités en proposant au premier propriétaire de faciliter le transport fluvial. D'autres blancs décident de la maltraiter pour qu'il se taise et qu'il garde sa science pour lui.

Une fois privé d'identité, Solomon voit son corps s'effacer. Il se retrouve pendu à un arbre en appui sur ses doigts de pieds, luttant toute une journée pour ne pas s'écrouler. Ce plan emblématique et propre à Steve McQueen est développé pour devenir une (moindre) torture pour le spectateur. Les minutes défilent. Tout le monde ignore le corps mis en danger. Maîtres et esclaves vaquent à leurs occupations. Le spectateur n'attend que de mettre la main sur un couteau pour couper lui-même la corde. Cette scène difficile à endurer nous force à regarder le mal dans les yeux. Dans ses précédents films, le réalisateur travaillait déjà sur la longueur des plans: des plans qui nous font honte, des scènes accentuant le "pathétisme" de la situation. Le corps pendu de Solomon ne renvoie pas à son sort, mais à ce qui l'entoure. Une journée ensoleillée, des enfants qui joue, des maîtres qui prennent le thé. Qui a oublié le corps suspendu de Solomon Northup ? Cette scène symbolise l'effacement de l'esclave, pas simplement au regard des tortionnaires, mais aussi à celui des autres victimes. Steve McQueen parvient à réveiller les nombreux soupirs qui survolent la salle de cinéma.

Ne sachant plus s'il existe réellement, Solomon regarde autour de lui (photo ci-dessus). Il est à la recherche de l'individu qui saura le renvoyer à lui. Shame, le deuxième film de l'artiste proposait le même schéma: le regard de l'acteur Michael Fassbender plein de honte, prisonnier d'un corps dans ses excès. Il regarde la caméra plongeant son regard dans le notre. Le mur invisible de la fiction est levé introduisant le spectateur dans l'action. Le regard caméra, connu comme étant un plan interdit, est utilisé lorsque le réalisateur décide de rendre un instant la fiction "réalité". Solomon nous regarde dans les yeux suggérant un: me voyez-vous, êtes-vous là ? Un regard d'appel à l'aide comme le personnage malade de Michael Fassbender dans Shame. Ce plan et ces scènes travaillées sur leur longueur posent la question: Y a-t-il quelqu'un pour arrêter cela ? Steve McQueen semble avoir pour emprunte et axe d'expression artistique "la prison" et plus particulièrement celle dont l'esprit est capable. Qu'il s'agisse d'Hunger, de Shame ou de 12 Years A Slave, le cinéaste construit avec succès un enfermement, là où les corps sont perdus dans la nature. Au milieu du champ de coton, les chants gospel sont les derniers refuges.

Hans Zimmer livre de magnifiques compositions qui viennent donner le ton à 12 Years A Slave. Parfois il se sert même des sons environnants et des musiques pour créer des monstres sonores. On peut penser à la scène du bateau et au bruit des moteurs. Hans Zimmer arrête la musique pour laisser les esclaves du champ de coton s'exprimer sur la tombe de leur "frère". L'un d'entre eux salut "l'oncle Abraham", probablement un clin d’œil à Lincoln à qui l'Amérique doit l'abolition de l'esclavage. Solomon dont l'esprit et l'âme s'étaient perdus, retrouve sa place parmi les Hommes lorsqu'il s'abandonne à un chant de solidarité. 

 

Rameau Antoine

 

Philip Seymour Hoffman - 2 Février 2014


A l'heure où je regarde au cinéma 12 Years a Slave de Steve Mc Queen. Un acteur du cinéma américain s'éteint.


 
Oscar du Meilleur Acteur et Golden Globe pour Truman Capote en 2006.
 
 
Pleins d'autres:
 
The Master
Le Stratège
Le Quatuor
Les Marches du pouvoir
Rendez vous l'été prochain
Mytho Man
Good Morning England
Synecdoche
Doute
La Guerre selon Charlie Wilson
La Famille Savage
7h58 ce samedi-là
Strangers with Candy
Polly et moi
Retour a Cold Mountain
Dragon Rouge
Le Talentueux Mr Ripley
The Big Lebowski
True West
Long Day's Journey Into Night
Boogie Nights
Magnolia
Happiness
Personne n'est parfait(e)
Mission Impossible 3
Hunger Games 2
...
 

jeudi 30 janvier 2014

L'Alternative


1. EXTÉRIEUR. STATION ESSENCE. NUIT


Une voiture noire s'arrête à côté d'une pompe à essence. Un homme habillé d'un blouson en cuir, cheveux châtains, la fin trentaine, sort de son véhicule. Le conducteur est de taille moyenne. Dans les 1m75. On peut entendre une petite musique dans la station. (ACTION: enclencher ou non la vidéo)




Le conducteur rempli son réservoir de gazole. Dans l'obscurité le bruit d'une moto devient de plus en plus fort. Un phare éclaire le parking sombre. La moto vient pénétrer dans la lumière de la station. Les distributeurs sont en libre service, pas un chat ne traîne dans les environs. Le motard porte un casque. Il s'arrête derrière la pompe du conducteur. Les deux hommes ne se voient pas. Le motard fait le tour et regarde la voiture noire tout le long. Il se place derrière lui pour regarder quelle essence il utilise. Le conducteur est de plus en plus suspicieux. Il prête attention aux faits et gestes du motard. Il s'attend à une réaction. Le motard enlève son casque. L'homme est brun, mal rasé, la trentaine également. Il regarde longuement le conducteur qui est sur ses gardes. Le motard lui demande un service.


MOTARD
Tu me filerais un peu d'essence ?


Le conducteur se sent coincé.

CONDUCTEUR
L'essence est chère et je ne roule pas sur l'or.


MOTARD
(insistant)
Je ne vous demande pas une pipe. Juste cinq balles d'essence.


CONDUCTEUR
Même cinq balles.


Le motard reste plusieurs secondes appuyé sur le distributeur. Il fixe le conducteur. Ce dernier perd son sang froid.
 


Bienvenue dans un scénario aux mondes parallèles. Nous parlons parfois dans une histoire de fins alternatives, c'est à dire une fin qui a la possibilité de se terminer de plusieurs façons. Il existerait des mondes parallèles au notre. Un monde dirigé par un même temps T. La vie est faite de choix. A chaque choix, le cours des évènements prennent des tournures différentes. On peut ainsi dire qu'il existe dans la vie des Hommes, une infinité de mondes parallèles. L'Alternative permettrait de revivre un instant T sous une autre possibilité. Jouez le jeu, ne trichez pas. Faites un choix, mais ne revenez pas en arrière même si votre choix ne vous convient plus. A moins que vous soyez capable de suivre toutes les alternatives en même temps. Cette petite histoire, cependant conséquente par son challenge, est une expérience d'écriture scénaristique qui va se développer doucement au sein de ce blog. Il faudra parfois attendre avant de pouvoir valider le dernier choix. Nous allons faire en sorte de rendre captivant L'Alternative. Lors des derniers choix, vos propositions, vos idées pour faire avancer ces mondes parallèles sont les bienvenues. N'hésitez pas à laisser un commentaire.

Rameau Antoine






lundi 27 janvier 2014

Analyse et Critique: Le Vent se Lève, l'ultime film d'animation de Hayao Miyazaki


Le maître de l'animation japonaise Hayao Miyazaki se retire du cinéma en nous livrant son onzième long métrage, Le Vent se Lève. Il nous laisse une magnifique filmographie pleine de beauté et de poésie.

 
Le Château de Cagliostro -1979
Nausicaä de la vallée du vent -1984
Le Château dans le Ciel -1986
Mon voisin Totoro -1988
Kiki la petite sorcière -1989
Porco Rosso -1992
Princesse Mononoké -1997 (de loin mon préféré)
Le Voyage de Chihiro -2001
Le Château Ambulant -2004
Ponyo sur la falaise -2008
Le Vent se Lève -2013




Le film s'inspire de la vie de Jiro Horikoshi qui conçut (entre les deux Guerres Mondiales) les chasseurs bombardiers japonais Mitsubishi A6M ou appelés "Chasseurs Zéro". Le personnage principal voue depuis son enfance une véritable passion pour l'aéronautique. Son modèle, Caproni est un personnage directement inspiré de Giovanni Battista Caproni, un ingénieur italien en aéronautique (ingénieur civil, électricien, concepteur d'aéronefs) qui fonda en 1910 sa société de construction d'aéronefs. L'entreprise Caproni a participé à la construction d'avions utilisés pendant la Première et la Seconde Guerre Mondiale.
Le personnage de Jiro marche sur les pas de Caproni. Possédant tous les deux le même désir, construire de beaux avions, ils se retrouvent à bord d'un rêve commun dans lequel ils souhaitent fabriquer des avions qui transporteront des personnes et non des armes. La plus grande partie du film se situe entre les deux Guerres. Jiro consacre tout son temps aux études et à la conception. Il est brillant et se fait reconnaître auprès de la marine impériale japonaise. Le film est de bon ton car il fait le choix d'accentuer l'amour et les passions des personnages. Le but n'était pas de présenter Caproni ni Jiro comme des collaborateurs, mais simplement comme des gens qui aimaient leur métier. Le film commence avec le rêve de Jiro dans lequel il aperçoit des bombardiers en train de détruire les villages. D'une certaine façon Jiro participe à l'effort de guerre. Les attitudes souvent positives des personnages de Miyazaki, font qu'ils ne travaillent pas au nom de la Guerre, mais pour pousser leur créativité (nous devons beaucoup de choses à Einstein, y compris la bombe atomique...). Le mal n'est pas de créer, il réside dans l'utilisation de sa création. Afin de rester tout public, Miyazaki prend le parti de la beauté. Il s'agit d'un film beaucoup plus technique dans lequel l'auteur mêle Histoire de l'aéronautique et Rêverie. Le réalisateur qui est habitué aux films fantastiques, suggère par moments un peu de fantaisie. Lors du tremblement de terre nous entendons les hurlements de la planète. Les avions également produisent des bruits "bestiaux". Le vent, acteur central du film, anime ce qui semble difficile à animer. Il confie même une âme à la mécanique. Lorsque Jiro fait des tests sur un porte avion avec son patron, les avions projettent, crachent de l'huile de moteur. Les personnages sont souillés par ces gouttes noires qui ressemblent plus à des gouttes de sang. Miyazaki humanise les avions en leur donnant des cris et en les maltraitant. Leur but devrait être de servir et non détruire.
Le vent permet à Jiro de faire la connaissance de Naoko dont il va tomber amoureux. Cette force naturelle les rapproche sans cesse. Le vent sert même de messager entre les deux personnages. Le vent provoque l'intuition et sert d'énergie à ceux qui l'inspirent.
Sans doute la force de Hayao Miyazaki est de donner de la force à ce qui ne peut être animé. Le vent qui n'a pas de forme ou de visage est omniprésent. Tout dépend du mouvement de la nature, des vêtements, des objets... . La force du réalisateur est de donner vie à ce qui l'est difficilement. Comme dans tous ses films, il rend la nature complice. Il nous permet de croire en des forces qui influent sur le monde et l'environnement. La majeure partie de ses films ont pour thèmes: le ciel, le vent, le voyage, les amours épiques et les châteaux. Porco rosso était lui même un personnage pilote d'avion. Kiki vole grâce à son balai, nous retrouvons les mondes cachés et perdus avec les châteaux. Tout réside dans le voyage inattendu, le transport immatériel, les divinités. Les personnages grandissent grâce à des expériences de vie. Ils acquièrent de la sagesse et de la maturité.
Avec ce dernier film, Miyazaki s'aventure dans un sujet peut être un peu plus adulte que d'habitude, plus complexe, tout en révélant le monde beau tel qu'il est.

Rameau Antoine



Analyse et Critique: Le Loup de Wall Street - Le Capitaine et ses moussaillons

 
Après quelques semaines en stand-by, je me lance enfin sur le dernier film sulfureux de Martin Scorsese. 32e long métrage du cinéaste. On se disait avec un ami: "du Scorsese ça ne se périme jamais". Un Léonardo Di Caprio toujours aussi remarquable dans des rôles de Golden Boy hystériques. Gatsby l'enfant terrible, qui enchaîne les blockbusters, attend son heure de gloire. Talent reconnu, Di Caprio passe toujours à travers les mailles du filet et pourtant depuis ses fréquents retours, le poisson du Titanic devient un véritable requin. En parlant de requin, Le Loup de Wall Street nous jette indéniablement en pâtures.



 
L'effet du surnom



Jordan Belfort est surnommé par les média Le Loup de Wall Street. Ce titre qui lui est attribué est un coup marketing utilisé par les journaux mais il donne au personnage une dimension doublement fictive. Ce genre de titres transforment les simples individus en légendes ou héros de contes. Il aurait pu se faire appeler Capitaine crochet, Barbe bleue, Long John Silver, parce qu'il est présenté non comme un Président ou un Directeur Général, mais plutôt comme un Capitaine qui commande à bord de son navire. Son micro est sa barre, ses employés derrière leurs écrans tiennent les rames. Excellent orateur, qui détrousse les honnêtes gens, Jordan apprend à ses recrues comment détrousser les autres. Il accumule un butin conséquent, ils font régulièrement la fête pour se féliciter de leurs attaques, ils ne semblent pas travailler durement, ils volent le peuple en leur servant des mensonges et en bluffant. Cette jolie petite bande de pirates, parient comme si il s'agissait d'un inlassable poker menteur dont ils connaissent les règles et les failles du jeu. Cette faille a été démontrée lorsque Jordan a demandé à son coéquipier de lui vendre un stylo. L'intérêt n'est pas de mettre l'objet en valeur, mais de prouver que sans cet objet l'acheteur potentiel restera dans le besoin.
 
Un chant Indien, rituel d'initiation
Jordan veut devenir courtier. Il entre dans une société (comme moussaillon) où il obtient son brevet. Le navire à la suite d'une mauvaise attaque, coule, entraînant tous les courtiers à l'eau. Jordan déjeune avec l'un des chefs de la société (Matthew McConaughey) qui veut s'assurer que son petit protégé évolue avec la mentalité adéquate. Ils simulent un chant indien des plus ridicules. Ils se frappent la poitrine du poing, geste qui les ramène sans cesse à eux: moi, moi, moi, moi, moi... . Ce chant et ce geste définissent leur égocentrisme. En se prenant pour des indiens, ils se considèrent comme étant à la fois les fondateurs de la puissante Amérique et comme des marginaux incompris. Ce chant sera transmis à Jordan qui le répétera une nouvelle fois durant le film.
 
Le recrutement du Capitaine

Partant de zéro, Jordan recrute ses bras droits qui eux mêmes recruteront les prochains employés. Une nouvelle société Stratton Oakmont voit le jour. Comme un père et sa famille, Jordan leur apprend les ficelles du métier. Ils prennent plaisir à embobiner les citoyens américains. La famille s'agrandit et ressemble plutôt à une bande de joyeux gai lurons sortis du cirque Freaks. Des nains, une femme au crâne rasé, des larbins, des filles de joie, un petit monde qui ressemblerait plutôt à la bande de Jackass. Au micro, Jordan est le roi du discours: émotions, excitations, moqueries, craintes, retournements de situations. Il est un artiste de one man show, un clown avec un sacré charisme.
 
Une allusion à risques
Au milieu du film Scorsese frappe extrêmement fort. Dans l'euphorie la plus complète Jordan compare son équipage à: "des putains de terroristes". On prend du recule avec l'Histoire. La cible des attentats du 11 septembre étaient les tours du World Trade Center, c'est à dire des buildings comme celui qu'occupe l'équipage de Jordan Belfort. Des bureaux situés haut dans le ciel. On supposerait alors que des terroristes kamikazes auraient détruits un repère de "terroristes de l'économie". Ce sujet étant très sensible, Scorsese se permet une provocation des plus culottée. Nous savons pourtant que les traders ont été tenus en partie responsables des nombreuses chutes économiques.
 
Une comédie noire
D'un humour grinçant, le film expose principalement les côtés festifs des rois de la finance. Jordan offre le symbolique bateau à sa femme. Comme de nombreuses organisations illégales, les courtiers se focalisent sur les différentes trahisons dont ils sont victimes. Nous quittons la salle sans vraiment comprendre comment des personnes comme Jordan arrivent à devenir aussi riches. Ils passent leur temps à vendre du vent et à attendre que le cours des actions change. Ils guettent du haut de leur mat les navires à piller. L'image du capitaine et du marin nous sont suggérés lorsque Jordan prend modèle sur le personnage de Popeye. Après une dose de cocaïne il trouve la force suffisante pour sauver son ami d'un morceau de jambon avalé de travers. On peut appeler Le Loup de Wall Street une comédie noire. Comme de nombreux films chez Scorsese, nous assistons à l'élévation d'un criminel qui est rattrapé par la folie des grandeurs.
Le film s'achève sur un meeting ou une conférence pendant laquelle Jordan fait son "mea culpa". Il essaye d'expliquer son métier. Toutefois il sort de nouveau son stylo et demande au public de le lui vendre. Jordan repart de plus belle, il est en pleine séance de recrutement afin de découvrir quels seront les prochains moussaillons capables de constituer le futur navire.
 
Rameau Antoine


vendredi 20 décembre 2013

Analyse de Fight Club - La fourmilière de Tyler Durden



Je m'étais promis un jour d'y venir. Parler du film de David Fincher (1999) tiré du roman de l'ancien journaliste américain Chuck Palaniuk.

 
Pourquoi ne pas visiter quelques points qui se dégagent de cette oeuvre devenue culte ? Pourquoi ne pas défier les paradoxes ? 
Est-elle suffisamment bien interprétée ? Magnifique satire de notre monde contemporain, des modes de consommation, de la solitude et du capitalisme malade. Bienvenue sur la route de la déshumanisation.





Une Fourmilière
"En tous points de vues, Dieu te déteste"

La place de l'humain est remise en question. Quelle échelle lui accorder ? L'être humain incapable de différencier une fourmi d'une autre n'aura aucun remord à piétiner une fourmilière ou écraser quelques fourmis. Il distingue une communauté infiniment trop petite pour y prêter quelconque attention ou le moindre sentiment. Tuer un être humain est différent. On s'attaque à un semblable, une personne que l'on pourrait identifier. A l'échelle d'un Dieu, l'homme est peut être comparable à cette petite fourmi. Tous identiques, bien trop petits pour y prêter attention. Celui qui prétend être au-dessus de ses semblables pense pouvoir les exploiter ou les éliminer sans état d'âme. Selon Tyler, Dieu est qui il est sans doute parce qu'il est le seul à pouvoir distinguer une fourmi d'une autre. Dieu pourrait nous détester car l'Homme aurait oublié sa capacité de fonder une communauté soudée. Le personnage se fait tout petit, son groupe agit en sous-sol entre les piliers de béton. Il peuple sa fourmilière, crée ses petits soldats, prêts à sortir accomplir leur mission. Ils deviennent tous véritablement égaux et perdent leur identité. Comme les fourmis nous n’arrivons plus à les distinguer. Elles sont solidaires, discrètes, agissent dans l'ombre. Elles sont partout mais l'homme ordinaire ne les remarque pas. Lors du projet chaos ils s'habillent tous en noir et affirment leur appartenance à un seul groupe. La communauté devient organisée, la maison délabrée semblable à cette fourmilière s'organise, se divise en groupes qui ont chacun leur particularité. Par leur nombre ils veulent recréer ce monde qui leur appartient de droit. Il faut détruire les fondations, ébranler les plus hauts buildings d'une finance qui ne fonctionne plus. Les fourgons remplis de nitroglycérine s'attaquent aux fondations de ces buildings, faisant descendre au niveau zéro les individus qui se sont crus supérieurs à leurs semblables. La fin du film n'a pas tant besoin d'être expliquée, elle est juste symbolique. Mais qui est la reine de ce petit monde ? Tyler ou Marla ?



Un film qui fabrique du Culte

Tant sont les spectateurs qui retiennent les phrases du film. Les mots de Tyler ressemblent à des slogans publicitaires ou politiques. Il se présente comme un prophète qui vend de la "devise" à ses petites progénitures. Film qui se dit, ou fait dire aux spectateurs, être anti monde de consommation crée par son "cultissisme" de la référence à consommer. Le fan de Fight Club regardera une dizaine de fois le film, rendant le produit un objet purement contradictoire. Fight Club devient le bijou à obtenir absolument dans sa vidéothèque. De beaux discours qui cependant continuent d'exploiter le consommateur en recherche de violence, de révolutions et d'actes cool. Un film à ne voir qu'une fois ? Il cache bien des mystères comme de retrouver les images pornographiques qui ont été parsemées. Il faut abandonner le système tel que nous le connaissons. Le film joue consciemment sur ces contradictions, mais sont-elles toujours comprises ? Tyler est lui-même victime d'un univers qu'il finit par copier. Il se place à la tête de la fourmilière, il prive ses soldats de leur personnalité. Tous identiques, ils deviennent eux-mêmes des produits du travail à la chaîne. Comme une série de voitures qui se font assembler à l'intérieur d'une usine. "Vous n'êtes pas votre treillis, ni votre portefeuille, la merde de ce monde prêt à tout" - "Vous n'êtes pas un flocon de neige unique"... Tyler répète inlassablement ses discours et ses messages de propagande. Le système ne fonctionne plus. Le capitalisme est montré comme un système malade, dans lequel la population n'arrive plus à s'en sortir. Certains qualifient Tyler de psychopathe communiste... .

Le capitalisme malade ?

Il s'agit du système tel que nous le connaissons aujourd'hui. Ce n'est pas en soit le système qui est malade mais la population qui ne peut plus suivre son fonctionnement. Ce système est caractérisé par le développement rapide de son mode de consommation. Il est à la mode de consommer certains services, d'être au top de la Culture ou des diverses tendances. Tyler dit une chose: "ce que l'on possède fini par nous posséder". C'est sans doute sa définition du capitalisme malade. Cette période de crise économique qui n'a cessée de croître depuis des années, est une période où la technologie a continuée d'exploser. Le vintage ou le rétro deviennent des consommations du passé. Il faut être à la page, utiliser Internet, posséder un I phone et ses nombreuses applications, découvrir les derniers clips ou vidéos. Le capitalisme malade est caractérisé par ces populations qui ne peuvent plus financièrement suivre ces mouvances. Le sentiment de "marginalisation", de perdition, disons d'effacement de l'individu prend de l'ampleur. Tyler met en avant que le produit "aujourd'hui" est parvenu à effacer l'individu. C'est pourquoi il refuse coûte que coûte de posséder "l'éventail IKEA". Lorsque l'on vit dans un système dans lequel nous n'arrivons plus à suivre les tendances, on se sent comme "déconnectés" du système et en proie à une forme d'anomie (perte des repères). Fight Club (Palahnuik) annonçait d'une certaine façon ce vers quoi nous avancions. 



La Schizophrénie Durden

Comment peut-elle s'expliquer ? Elle n'est pas là pour constituer l'univers "cool" de Fight Club. Tyler qui était en proie à l'effacement et donc à l'exclusion, s'est enfermé dans une forme de solitude. Tyler a créé son double afin de combattre sa solitude. Homme vivant seul dans son appartement, travaillant dans l'étude des accidents de voitures, collectant tout le mobilier possible, est fondamentalement seul. Un quotidien qui perd de son sens, Tyler vit comme un zombie et ne dort plus. De retour parmi les "exclus" de la société (les différents groupes de rencontre) Tyler va imaginer pouvoir renouer des liens. Les "marginaux" se rassemblent et créent leur nouvelle communauté. Le Tyler Durden qui apparaît, est celui qui va prendre la tête d'une révolution devenue nécessaire. Fight Club n'est pas à prendre comme un encouragement à la destruction ou à la rébellion ("l'anarchie ne conduit pas au bonheur") mais traduit simplement un mal être qui devient de plus en plus évident.



Marla, l'allégorie du cancer

Le personnage le plus ambigu, est probablement Marla. Toujours en train de souffrir, Marla est décrite comme une "maladie" (la plaie qui ne cicatrise pas). Sans cesse à la recherche de ses défauts, elle veut démontrer qu'elle pourrit de l'intérieur. Concrètement Marla n'a de maladif que son apparence et recherche simplement à vaincre la solitude comme les autres personnages. Rejetée et juste utilisée comme objet sexuel, elle est déshumanisée par Tyler (Brad Pitt). Tyler Durden déshumanise les gens et fini par oublier l'importance de l'authenticité. Nous vivons dans Fight Club un combat entre individualisme et déshumanisation. "Edward Norton" résout ce compromis en se débarrassant de "Brad Pitt". Il se sauve d'une complète déshumanisation et décide de s'unir à Marla afin de combattre le vrai mal être.




Rameau Antoine

dimanche 8 décembre 2013

Analyse du film Cartel de Ridley Scott

 

Trois oeuvres de Cormac Mc Carthy

No Country for Old Man (2007 - les frères Coen) La Route (2009 - John Hilcoat) Cartel (2013 - Ridley Scott)

 



Cormac McCarthy est un écrivain américain né le 20 juillet 1933. Il a écrit The Orchard Keeper en 1965, Outer Dark en 1968 et Suttree en 1979. L'auteur a vécu des deux côtés de la frontière Mexique/Etats Unis, à El Paso au Texas à partir de 1976 et aujourd'hui à Santa Fe au Nouveau Mexique. Cette position est ce qui lui a sans doute permis de concevoir le scénario de Cartel : les trafiques, les immigrations clandestines, l’ambiguïté des lois entre les deux pays. Il obtient le prix Pulitzer en 2007 et le prix des libraires du Québec avec La Route.

Ces trois œuvres fonctionnent autour d'une frontière à franchir (ou pas). Les personnages, un peu vagabonds, sont plutôt en déroute qu'autre chose. Ils s'imprègnent de la mort, de l'irréparable, du chemin de non retour comme d'une malédiction. Une vie uniquement constituée de choix. Peut être un peu manichéens, ces films mettent en avant des personnages qui doivent faire un choix entre une bonne et une mauvaise voie. Ils sont aventureux, se sentent en position de force, parfois prétentieux et vaniteux ils s'abandonnent aux travers de l'homme, ses pêchés, l'argent, la drogue, le meurtre... . La mort devient un compagnon de route qui use ces personnages. Parfois même ils sont confrontés à perdre tout ce qu'ils possèdent et préféreraient mourir. La mort est pour Michael Fassbender dans Cartel un luxe qu'il ne peut même plus s'offrir. Le personnage principal est comme maudit et il apporte le malheur à ses proches. La Route est un film dans lequel il n'y a plus de notions de frontières et de règles. Le personnage décide d'aller dans le sud des Etats Unis dans l'espoir de survivre à l'hiver. En levant toutes limites, la mort est alors omniprésente. Le personnage de Viggo Mortensen contrairement dans les autres films adaptés de Cormac, n'est pas confronté à dépasser les limites puisqu'elles n'existent plus.

Dans No Country For Old Men, le personnage de Josh Brolin (Llewelyn Moss) s'empare d'un paquet d'argent qui ne lui appartient pas. Un magot vers lequel tout converge: la tentation, les criminels, les mafias, les gens ordinaires, la police. Llewelyn est sans cesse dans la fuite et l'épuisement. Alors qu'il réussi désespérément à se sauver du tueur Anton Chigurh, il est balayé en un clin d’œil par ceux qui ont perdus leur argent lors de la sanguinolente transaction (probablement le Cartel). La femme de Llewelyn, Carla Jean devient malgré elle la victime d'Anton. Pénélope Cruz subit dans Cartel le même schéma. L'avocat joue avec le feu et finit par être confronté à l’incontrôlable situation. Ne sachant plus quoi faire il fuit, abandonné en lâche. Sa compagne est victime du sort que  décrit le personnage de Brad Pitt. Il est inutile de montrer la cruauté des tueurs là où le désespoir de l'avocat suffit pour confirmer nos craintes. M. Fassbender se retrouve seul avec ses regrets. Chacun de ces films arrivent à traduire la force oppressante des oeuvres de l'écrivain. Le sort des personnages est alors confié aux "Dieux". Leurs actes sont jugés selon leur véritable nature. L'avocat se voit refuser le droit de mourir. La tragédie (dite de façon simple) est une histoire qui nous présente les souffrances du personnage jusqu'à sa mort. La mort du héros qui a souffert devient un acte de beauté et d'immortalité. Malgré ses souffrances, l'avocat dans Cartel ne peut accéder à ce statut de héros tragique car il est épargné. Llewelyn meurt dans No Country For Old Men, ce qui nous permet de conserver nos attaches avec le personnage. Le barman mexicain dit une chose à Michael Fassbender que nous pouvons expliquer de cette façon: depuis que j'ai perdu ma femme, ma vie est une tragédie sans fin. 

Cartel n'est pas un excellent, mais un bon film. Il laisse sans doute une partie des spectateurs sur leur fin tout simplement parce qu'il n'y a pas de fin pour le personnage principal. Les rôles sont biens joués et les interprétations sont globalement réussies. Cartel est un film qui ne manque pas de challenge et qui est moins simple à faire adhérer au spectateur qu'un No Country For Old Men (par rapport aux codes que nous venons de décrire). Il demeure un film de divertissement qui a tendance parfois à trop caricaturer ses personnages. Le casting est conséquent et peut être trop décalé. On aurait pu remplacer certaines personnalités par des acteurs moins connus. Fassbender est l'un des personnages les plus aboutis. Cet ensemble préserve le "kitchissisme" d'un Ridley Scott dont on reconnaît le style.



Rameau Antoine

mardi 19 novembre 2013

Analyse et Critique - Inside Llewyn Davis

 
Inside Llewyn Davis, réalisé par Joel et Ethan Coen, drame avec Oscar Isaac, Carey Mulligan, Justin Timberlake, John Goodman. Durée 1h45. Il a remporté le prix du Grand Jury au 66e Festival de Cannes.





Le personnage principal serait inspiré de Dave Van Ronk, vagabond musicien des années 60 et de la vie de Bob Dylan. Les frères Coen ne choisissent pas de montrer l’ascension d'un artiste au bord du gouffre, mais la semaine d'un type méconnu sur le point d'y tomber. Llewyn Davis, sdf en quête de gloire, aspire à un grand avenir.

Comme à leur habitude les deux réalisateurs présentent les évènements telle une fable. Une grande partie de leur filmographie commence et se termine avec un narrateur extérieur (ou non) à l'intrigue. Un personnage qui en sait d'avantage sur le personnage que le personnage lui même. Un peu moraliste, ce narrateur est à mi chemin entre les personnages et les spectateurs. Il est ce point de vue objectif, celui qui regarde les choses d'un pas en arrière. On peut mentionner le cow-boy dans The Big Lebowsky, le personnage de Tommy Lee Jones dans No Country for Old Man, ou encore la légendre qui précède l'histoire de A Serious Man. Les frères Coen démontrent qu'une tortue peut battre un lièvre à la course. Rien n'est jamais acquit. Llewyn joue sur la scène du Gaslight, nous le pensons alors artiste reconnu. C'est alors que le disque Vinyle arrive à terme de son histoire. Llewyn nous parle d'une chanson connue que les gens ont l'habitude d'entendre. Il est confronté au narrateur tapis dans l'ombre. Individu qui semble connaître le personnage bien mieux que nous. Il frappe Llewyn, plaçant le bras du lecteur de Vinyle de nouveau au début. L'aventure commence avec le gros plan d'un chat roux. Le chat symbolise le vagabond, celui qui arpente les rues, sans réel toit, un peu recueilli par tout le monde. Llewyn (qui ne se l'avoue pas) est pris d'affection pour ce chat en qui il se reconnaît: à la fois marginalisé et attendrissant. Ce chat rappel régulièrement la vraie nature du personnage principal. Quelqu'un de solitaire, fragile, capable de s'attirer les foudres de son entourage car il est complètement exclu du système.

Llewyn conserve toute sa poésie et son romantisme. Un peu à la manière d'un road-movie, il voyage en rencontrant des personnalités parfois extrêmes. Que cela soit le chat ou la rencontre avec le personnage interprété par John Goodman, ils ne sont que des messages, des symboles qui appartiennent aux chansons de Llewyn. Les trajets à pieds et en voiture, traduisent le rythme d'un disque qui tourne. Avant l'accident de la route, les ralentisseurs placés sur la route ne constituent pas les éléments suffisant pour réveiller le personnage. Ces ralentisseurs (et les essuies glace) fonctionnent comme un métronome. Llewyn est bercé dans son illusion. Quand le film fait appel à son humanité et à sa raison, celui-ci quitte le navire à la recherche d'un autre foyer.
Son père devient le seul public qu'il arrive à émouvoir. N'acceptant pas l'échec, il mise tout sur sa rencontre avec le producteur de Chicago. Le spectateur qui est touché par les chansons de Llewyn, compatit pour lui. Aucun horizon ne s'ouvre à lui, il est régulièrement irrité par les personnages qui ne retiennent que son succès passé. Il rejette sa mélancolie et rabaisse les autres par sentiment d'échec. 

De retour au Gaslight, Llewyn joue les seules musiques qu'il possède. Celle de l'album "Inside Llewyn Davis", un titre égocentrique qui tourne autour du "moi" et du "je". Le "disque Vinyle" (ou bande sonore) du film arrive à terme faisant confronter de nouveau le narrateur et le personnage principal. L'homme remet en cause l'égocentrisme qui a été parsemé tout le long du film. L'histoire ressemble à un disque rayé, voué à la répétition d'une même chanson et du souvenir.

Les frères Coen définissent à leur façon le mot "borné" sans faire de manichéisme.



Rameau Antoine

Analyse et Critique - Gravity d'Alfonso Cuaron

 

 
Gravity sortit ces dernières semaines en salles, avec à l'affiche Georges Clooney et Sandra Bullock est réellement l'une des premières claques 3D que j'ai pu recevoir. Cette technologie évolue toujours de plus en plus, mais elle est plus ou moins pertinente selon le contexte du film. Certains films m'ont laissés le sentiment que son utilisation était inutile ou n'apportait rien visuellement. On se souvient de l'un des premiers films grand spectacle à l'exploiter: Avatar, où on découvrait ce nouveau cinéma. De vieux films sont revenus comme Titanic ou Star Wars. On apprécie, on n'apprécie pas, on est convaincu ou on ne l'est pas. Je me souviens avoir vu des films d'horreur en 3D: Saw, Destination Finale, Silent Hill où l'effet ne m'apporte pas grand chose. C'est probablement plus immersif. J'ai été déçu également par Alice au pays des merveilles de Tim Burton. Encore plus récemment j'ai pu découvrir le Metallica through the never dans lequel la 3D fonctionne mais la fiction laisse à désirer. Voir le groupe sur scène suffisait.

Gravity permet de donner un sens au terme "d'expérience 3D". Ryan Stone et Matt Kowalsky sont envoyés dans l'espace afin de réparer un satellite tombé en panne. Il s'agit à l'origine d'une simple mission, seulement un champ d'astéroïdes est sorti de sa trajectoire et percute le vaisseau de nos personnages. La suite de l'histoire est une longue tentative de survie dans l'espace. L'intrigue est certes simple, il ne se passe pas toujours grand-chose. J'ai entendu deux versions, voire trois: un public impressionné par le film, ceux qui n'ont pas aimés le scénario et d'autres n'ont pas été convaincus par la 3D. Avec humour, je leur dit qu'il faut ouvrir les yeux pendant un film. Un scénario qui travaille l'aspect "survie" peut toujours paraître facile. Mettons-nous à la place d'un cosmonaute: que peut-il se passer réellement quand on est perdus dans l'espace ? 

Aliens ? Voitures volantes ? Des stations Dinners en lévitation ? Non, Gravity exploite suffisamment la carte du "mauvais endroit au mauvais moment". Ne jamais oublier que Gravity est une expérience visuelle, d'acteurs et sensationnelle. Imaginez que la totalité du film soit tourné dans un cube aux 6 faces blanches avec des acteurs accrochés à des harnais. Georges Clooney semble subir les tests de la NASA. Pour la première fois, un spectateur arrive à ressentir l'angoisse d’être perdu dans l'infiniment grand. Difficile de garder espoir dans une telle situation. Ryan Stone ne contrôle aucun de ses mouvements dans la limite où elle n'arrive pas à se retenir à quoi que ce soit. Corps en absence de gravité, l'experte en ingénierie médicale n'a plus d'autre choix que de subir la rotation du système. Logé dans le casque, le spectateur ne distingue aucune échappatoire et se retrouve abandonné au néant. Le public suffoque comme s'il se sentait enfermé. Ce sentiment est paradoxal puisque le personnage est livré à l'infini. Cette panique du vide ressemblerait à cette même panique qu’éprouve le personnage enterré vivant. Nos gestes n'ont aucune emprise, personne ne nous entend et ne nous parle, la mort n'est plus soudaine, elle s'insère progressivement en soi. Elle laisse place à de l'euphorie. Il est même assez inimaginable de voir que Ryan Stone (Sandra Bullock) ai eu autant d'opportunités de survie. Seule au beau milieu de l'atelier du créateur, le personnage est confronté à la mort mais aussi à de nombreuses renaissances. Quand elle entre dans la capsule de sauvetage, Ryan Stone se sent protégée, elle renoue avec le cocon humain fait de métal. En position fœtale, elle recherche l'espoir et accède de nouveau à la vie. Elle se déploie à la recherche d'une faille, d'une issue. Entre impuissance et adrénaline elle parvient miraculeusement à retourner sur Terre. La Gravité gagne en force lorsque la capsule entraîne le personnage jusqu'au fond de l'océan. Soulagée, Ryan garde son corps en contact du sol boueux. 

Le cinéma est aujourd'hui un luxe. Mais si vous recherchez l'expérience 3D, Gravity est une réussite. Ceux qui possèdent un écran 3D à la maison, Gravity sera probablement une très bonne idée DVD (blu ray).



Rameau Antoine

jeudi 7 novembre 2013

FAIRECOURT Frissons / Nov-Dec 2013



Retrouvez la programmation de Fairecourt et l'Atelier 142 sur le site: http://www.fairecourt.com/
 
 
 
Il est 20h30 à Clermont de l’Oise, Fairecourt diffuse sa seconde projection après celle de Thourotte du mardi 5 novembre. Le thème de ce mois de novembre et décembre laisse place au frisson avec en programmation sept courts métrages.

La soirée réunie dans le cinéma du Clermontois une dizaine de personnes curieuses et intriguées par cette sélection d’une durée d’1h40 environ.



-La séance débute avec le court métrage Silence (13’45 - 2013) réalisé par Pierre Gil Lecouvey. Emmanuelle Guth (30 ans) et Pierre Gil Lecouvey (38 ans) produisent eux-mêmes leur travail sous le nom de Spook (Emmanuelle) et Gloom (Pierre). Ils ont réalisés un deuxième court métrage Stress-Killer qui a été sélectionné l’année dernière au Festival Coupé court de Bordeaux. Deux étudiants Mélodie et Octave décident de passer la nuit dans la bibliothèque de leur Université. Des phénomènes étranges arrivent. Pierre et Emmanuelle jouent sur l’intensité du son et de la musique pour provoquer le sursaut chez le spectateur. Le métrage construit l’angoisse en alternant silence et sons explosifs. Lorsqu’un personnage se retrouve prisonnier du cadre de la caméra, la visibilité du spectateur est restreinte et l’empêche d’anticiper. Le son explosif déclenche le sursaut lorsque l’angle de la caméra est perturbé par un évènement soudain. Silence défie les interdits et le lieu de la bibliothèque se prête parfaitement à la situation. Comme des enfants pris la main dans le sac, Octave et Mélodie (deux prénoms très sonores), sont punis par l’horreur la plus inattendue. Ce retournement mêle humour et horreur, deux ingrédients que Spook et Gloom se sont déjà appropriés dans Stress-Killer.


-Terminus (4’05 - 2012) de Nikodem Rautszko Panz, produit par Video Graphic, est certes très court mais il fonctionne. La scène se passe dans un wagon de métro et nous avons à faire à trois personnages. Le plus inquiétant des trois semble à l’origine des incidents qui se produisent. Là où Silence exploite le son, Terminus se sert de la lumière pour traduire la force fantomatique présente dans l’histoire. Ce court métrage prouve que l’on peut construire le suspense et nourrir la peur avec très peu de moyens. Les lumières du wagon s’éteignent plongeant les personnages dans le noir. On joue sur des disparitions qui nous permettent de supposer qu’il y a des transferts ou des permutations qui s’effectuent entre les protagonistes. Terminus propose une intrigue simple mais qui mérite sa place au sein de la sélection.




-Saïd (23’ - 2012) réalisé par Valentin Frentzel et Benjamin Rancoule, visite l’univers du zombie et de l’infection. Leur maison de production « 1986 Prod » est associée avec certains labels de la musique ou des artistes tels que La Fouine (Laouni Mouhid) qui est le personnage principal de Saïd. Influencés par le cinéma de Danny Boyle avec 28 jours plus tard, Saïd présente un climat de chaos ou les personnages sont sans cesse en train de fuir. Valentin et Benjamin font le choix d’esthétiser le court métrage en filmant en noir et blanc. L’infecté, forme évoluée du zombie, est un monstre avide de chair capable de pourchasser inlassablement. Les mouvements frénétiques de la caméra permettent de rendre la situation encore plus réelle. Telle une vue subjective, le cameraman court tout en tenant son appareil. Cet effet nous laisse penser que la catastrophe est bien réelle et qu’il en est de la survie des deux artistes de fuir aux côtés de Saïd.



-Tommy (9’ - 2011) est réalisé par Arnold de Parscau et produit par ESRA Bretagne. L’ESRA est l’Ecole Supérieure de Réalisation Audiovisuelle créée en 1972 à Paris et implantée à Nice en 1988 puis à Rennes en 1999. Arnold réalise Tommy dans le cadre de ses études et se fait remarquer par David Lynch qui se sert du court métrage comme clip officiel pour sa chanson « good bye today ». Il obtient grâce à son œuvre le prix Eric JEAN. Tommy est un jeune garçon perturbé par le cocon viscéral de sa famille. Véritable huis clos, la salle à manger ressemblerait à l’intérieur encombré de sa boîte crânienne.  Comme un tableau irréaliste, chaque membre de la famille participe en tant qu’élément actif de la folie de Tommy. C’est probablement cette mise en scène de la folie qui a retenue l’attention de David Lynch. On peut rapprocher la salle à manger dans Tommy avec celle dans le film Inland Empire sorti en salles en 2006. Dans le film de Lynch les protagonistes portent des masques de lapin et semblent enfermés dans leur dimension. Cette dimension construite directement par le studio de cinéma, confine les personnages dans un lieu où habiterait « la mort ». Tommy plonge métaphoriquement dans la folie en introduisant profondément son jouet dans son plat. Le rêve du garçon nous transporte sur les mers brumeuses qui entourent la Bretagne.


Le Cinéma du Clermontois allume ses lumières. C’est l’entracte. Tout le monde se réuni dans l’entrée du cinéma et partage leurs premières impressions autour d’un verre. Les avis sont partagés et les sensibilités différentes. Les spectateurs de Fairecourt rejoignent impatiemment leur siège.



-Rail (20’ – 2009) d’Yvan Georges dit Soudril ouvre la deuxième partie de cette soirée. Yvan a réalisé trois courts métrages : Block (2005) et Rail (2009) qu’il a autoproduit et Le Syndrome de Cushing (2011) avec Heska Productions une société créée en juin 2011 par Cyril Schulmann et Nabil Khouri. Rail présente un personnage qui du statut de victime se dirige vers celui du monstre. Il se métamorphose lorsqu’il prend possession d’une arme. Il cherche à se venger et à enterrer définitivement ses faiblesses. Tel Robert De Niro dans Taxi Driver, le personnage veut se transformer en un individu dangereux et surentraîné. Il répète de nombreux gestes, il modifie son look afin d’inspirer la crainte. Cette transformation le pousse à rejeter tout ce qui lui semble faible, au point d’écraser d’autres victimes selon lui incapables de se défendre. Progressivement l’organisme du protagoniste est affecté, il devient une entité indescriptible tantôt en décomposition, tantôt en pleine mutation. On retrouve l’influence du cinéaste David Cronenberg qui travaille le corps humain en fusionnant l’organique et le matériel. Le personnage ne fait plus qu’un avec le pistolet. Son corps rejette des balles. Il arrache ses ongles comme le fit l’acteur Jeff Goldblum dans La Mouche (1986). On peut faire un parallèle avec le film Existenz (1999) de Cronenberg dans lequel l’acteur Jude Law constitue une arme en se servant des restes d’un plat et en prenant ses dents comme balles. Le personnage de Rail devient l’arme, il perd toute identité et se confond lui-même avec la violence dont il fut victime.



-On continue la soirée Fairecourt avec un deuxième court métrage d’Yvan Georges dit Soudril : Le Syndrome de Cushing (17’ - 2011). Le syndrome de Cushing serait une maladie hormonale aux conséquences psychiatriques. Le personnage de l’intrigue, malade, tente d’échapper à sa situation en s’imaginant dans un autre corps et vivant une autre vie. Cependant son esprit instable perturbe le monde qu’il s’est créé et chavire de nouveau vers la folie. Il rêve de meurtres et de vengeances. Ce syndrome est défini comme un hypercortisolisme chronique. Ceci est dût à un excès de sécrétion d’hormones cortico-surrénalienne. Harvey Cushing décrit ce syndrome en 1932. Il se manifeste chez l’homme par l’apparition d’une obésité chronique de la partie supérieure du corps, des aspects bouffis du visage, des manifestations cutanées, un hirsutisme et des troubles psychologiques variés. Le personnage du court métrage apparaît brièvement de dos au début de l’histoire. Quand nous revenons à lui, on constate comment il a manipulé la réalité pour rendre sa vie « supportable ».



-Nous en arrivons au dernier court métrage de cette soirée frissons avec La Dame Blanche (15’ – 2012) d’Arnaud Baur, produit par Nitrium Films. Arnaud s’est rendu à Lisbonne en octobre 2012 et a visité la ville de Cintra où serait apparue la dame blanche pour la première fois. Malgré toutes les versions qui peuvent exister autour de la légende, le réalisateur reste au plus près de la version originale et reprend simplement le nom américain de la défunte. L’histoire raconte qu’une jeune femme a été renversée par un automobiliste et qu’elle hante depuis les routes ainsi que sa famille. Ceux qui ont la possibilité de la rencontrer ne peuvent détourner leur regard de cette femme. Ils tentent de la suivre jusqu’à ce que la mort ne les emporte. La dame blanche est comparable à une sirène, elle charme, hypnotise ceux qui peuvent la voir et les marque de sa malédiction.


La soirée Fairecourt s’achève. Les spectateurs sortent de la salle satisfaits, donnant leur ultime appréciation. Parmi le public, l’un d’entre eux a assisté pour la première fois à une soirée Fairecourt et prend cette expérience comme une excellente façon d’aborder le cinéma.






RAMEAU Antoine.