Il
n’était encore qu’un enfant, que le milliardaire Bruce Wayne vit ses parents
assassinés. Dès lors il se jura de combattre le crime et l’injustice. De ce
traumatisme naquît le chevalier noir Batman, personnification symbolique de la
peur de Bruce Wayne, celle des chauves-souris, qu’il souhaite insuffler à ses
ennemis. Alors que Batman n’en est qu’à ses balbutiements, le procureur Harvey
Dent et le commissaire Gordon mènent une croisade contre la criminalité menée
par Carl Grissom, le parrain de la pègre secondé par son bras droit Jack Napier
et la corruption qui règne à Gotham. En parallèle, le reporter Alexander Knox
et la photojournaliste Vicki Vale enquêtent sur les agissements de Batman,
alors que celui-ci n’est pour le moment qu’une sorte de mythe urbain. Grissom
envoie Jack Napier et ses hommes de main à l’usine chimique Axis Chemicals pour
y récupérer des documents. Mais la police est alertée par Grissom qui a en
réalité tout manigancé, celui-ci ayant découvert que Jack Napier entretenait
une liaison avec son épouse. S’ensuit une altercation entre la police et les
malfaiteurs durant laquelle Batman se retrouve confronté à Jack Napier. Ce
dernier évite l’une de ces balles qui ricoche et le défigure. Par la suite
tombe dans une cuve d’acide et sera laissé pour mort. De cette confrontation
naîtra le Joker. Jack Napier devenu le Joker, physiquement et psychologiquement
transformé, sombre dans la folie et décide de se venger de son ancien patron. Par
la même occasion il prend les rênes de la criminalité de Gotham et s’ensuit
alors un désir de reconnaissance criminelle et médiatique de sa part, dans une
lutte effrénée du bien contre le mal entre deux monstres, le fantomatique homme
chauve-souris face au clown psychopathe.
Voilà
pour le résumé du film, maintenant place à une rapide (re)contextualisation des
événements qui entourent Batman à travers les média.
Au
milieu des années 80, Batman aura subit une véritable résurrection grâce à
l’auteur de comics Frank Miller qui
aura su replacer le chevalier noir dans un récit à l’esprit plus sombre et
torturé. En effet à son lancement en 1939 dans les pages de Detective Comics
puis DC Comics (maison d’édition à l’origine d’autres personnages mythiques
comme Superman), les auteurs de Batman, Bob
Kane et Bill Finger optèrent
pour un récit résolument plus mature qu’à l’accoutumé. Mais au fil des années
le ton du Comic finira par dévier dut à divers facteurs scénaristiques et de
censures, puis s’ensuit une série télévisée populaire avec Adam West dans le rôle-titre, aux allures de comédie, de parodie,
ne digèrent au final que trop mal la substance originelle de l’œuvre. Batman
connu des hauts et des bas, la crédibilité du justicier masqué se remettra
difficilement de l’image de la série. Du côté du cinéma, sortit en 1978
Superman, qui rencontra un tel succès commercial que le projet d’adapter Batman
au cinéma fut lancé. Il fut à maintes reprises retardé, remanié, jusqu’à ce que
la réalisation soit confiée au jeune réalisateur Tim Burton qui avait déjà su
apposer son sens de l’esthétisme avec des longs métrages comme Pee-Wee’s Big Adventure et surtout Beetlejuice.
De
plus le succès des comics The Dark Knight
Returns, Year One de Frank Miller et The Killing Joke d’Alan
Moore relanceront non seulement l’engouement autour du personnage à travers
des récits plus adulte, à l’atmosphère glauque et ténébreuse, mais auront aussi
un impact bénéfique dans la conception du Batman
réalisé par Tim Burton. Un processus
de réécriture va s’appliquer, passant d’un scénariste à un autre et une équipe
technique, chargée de s’occuper des décors, costumes, maquillages et autres
accessoires, sera soigneusement sélectionnée afin d’offrir une cohésion par
rapport à la sensibilité artistique de Burton. Warner débuta la pré-production
en 1988. Lorsque le choix de Michael
Keaton fut dévoilé pour incarner Bruce Wayne/Batman, un vent de
contestation souffla du côté des fans, ne voyant en cet acteur (ayant au
passage interprété Beetlejuice) qu’un
potentiel d’acteur comique, craignant que le ton du film ne soit le même que celui
de la série des années 60. Burton vit en Keaton tout le potentiel nécessaire
dans l’interprétation tourmenté et mystérieuse du personnage principal. Sa
décision sera notamment motivée par la capacité de l’acteur à jouer un Bruce
Wayne aux différentes facettes nuancées et cette faculté à capter l’attention
au travers de son regard si particulier.
Afin
d’asseoir une certaine crédibilité auprès du public, les studios imposèrent à
Burton le choix d’une star de cinéma, notamment dû à des délais de production
un peu court sans que cela n’altère la sève de l’œuvre, plusieurs acteurs
seront approchés pour jouer le Joker jusqu’à ce que Jack Nicholson obtienne le rôle. S’ensuit le choix d’autres acteurs
secondaires au casting dont Kim Basinger
dans le rôle de Vicki Vale, qui sera « castée » au dernier moment, Sean Young dû renoncer au rôle à cause
d’une chute à cheval alors qu’elle avait été choisi, Michael Gough dans le rôle de l’inébranlable majordome de Bruce
Wayne, Alfred et Billy Dee Williams dans celui du
procureur Harvey Dent, etc... . Chers amis, que nos
esprits s’épanouissent. Alors qu’en est-il de ce Batman proposé par
Burton ? Il marque incontestablement à travers chaque aspect, la griffe du
réalisateur, avec son atmosphère gothique et déjantée, sombre et poétique,
jouant l’excessivité avec une représentation comique et décalée de la mort. Le
film use de différentes techniques convoitées par le réalisateur. L’équipe qui
s’est attelée à matérialiser la vision de Burton a clairement du talent et de
la créativité à revendre.
Pour
représenter architecturalement Gotham City, le film s’inspire de divers
mouvements arts déco et de l’expressionnisme allemand, notamment du film Metropolis de Fritz Lang, ce qui confère à la ville un certain gigantisme et une
identité forte. L’idée fut de proposer un esthétisme rétro-moderne plongeant le
film dans sa propre réalité, le rendant de ce fait presque intemporel où les
trais y sont tirés pour apporter beaucoup d’expressivité. L’ambiance n’est pas
sans rappeler les polars noirs des années 40, même les coups de feu rappellent
les bruitages d’époque. Gotham est le berceau du crime et cela se ressent :
c’est vaporeux, rouillé, grisonnant, ça suinte et les ruelles sont sinueuses. En
parlant d’art, le Joker est défini dans le film comme un artiste fou, marginal
qui cherche à imposer à son image sa vision du crime, de la folie et du chaos
en apparaissant à chaque fois à travers une mise en scène théâtral. En allant
jusqu’à défigurer un visage « fou furieux » à son image au sourire
figé. Détruire l’aspect de certaines toiles dans une galerie d’art. Jack
Nicholson n’interprète pas le Joker, Jack Nicholson joue Jack Nicholson, il est
le Joker.
As-tu déjà dansé avec le diable au clair de
Lune ?
Tim
Burton apporte plus d’importance au Joker avec sa mise en scène et ses
nombreuses apparitions à l’écran qu’il ne le fait avec Batman. Un point décrié
par certains, qui s’explique non seulement par le fait que Burton a toujours
été plus attiré par les monstres mais aussi parce que Batman n’existe qu’à
travers ses ennemis. Il peut être perçu comme un simple faire-valoir mais
l’approche de Burton de Batman est juste. Batman agit comme un justicier
fantomatique qui n’apparaît que lorsque le mal, qui ronge la ville, l’appelle à
répliquer. Le héros n’existerait pas sans criminalité et c’est cela qui motive
Bruce Wayne à endosser le rôle du justicier masqué. Il ne se sert au final de
ce statut que comme une sorte d’exutoire motivé par la mort de ses parents. Il
en arrive à un point où il ne fait plus cela pour soulager son mal être, mais
parce que c’est devenu l’intégralité de sa personnalité et de sa vision
manichéenne.
-Qui es-tu ?
-Je
suis Batman.
Le
temps d’apparition de Batman est en ce sens bien dosé. Même si le choix de
Michael Keaton s’avère judicieux, celui-ci jouant un « Batman/Bruce Wayne »
à la force mentale contenue et mystérieuse, marquant ainsi la dualité de ses
différentes facettes psychologiques, il apparaît la plupart du temps en un Bruce
Wayne pensif et déconnecté. Il aurait été intéressent d’exploiter un peu plus le
ressenti du personnage en extériorisant d’avantage son conflit intérieur. D’autres
éléments décriés comme celui d’avoir lié les origines de Batman à celle du
Joker (celui-ci ayant tué les parents de Bruce dans le film) me paraissent
plutôt censés car à travers le comic, la relation entre les deux protagonistes
est symboliquement caractérisée par le fait que l’un n’a pas lieu d’être sans
l’autre. Chacun est à l’origine de l’autre, leur raison d’être en est que plus
forte et leur confrontation marque chez Bruce Wayne un moyen de faire le deuil.
Autre
reproche : Batman dans le film tue le Joker ce qui est à priori contradictoire
et contestable par rapport à la ligne de conduite du personnage. Mais à l’origine,
Batman était un justicier qui utilisait des armes et qui n’hésitait pas à tuer
ses ennemis. Le personnage dans les comics a simplement, au fil du temps, été
aseptisé afin de respecter une loi visant à moraliser les comics. Cela a permis
aux scénaristes de faire réapparaître certains ennemis très appréciés des
lecteurs. Du côté des personnages secondaires, la reporter Vicki Vale, qui
cherche à en savoir plus sur l’énigme que représente l’homme chauve-souris, donne
la touche romantique du film et aussi un point d’entrée à l’intrigue. Elle fait
à son désavantage figure « d’élément racolée », cependant le contexte,
« emblème métaphorique » de la lutte du bien contre le mal qui s’insinue à la fois dans Gotham et dans
l’esprit de ses personnages, utilise des archétypes entendus et cohérents.
Le
procureur Harvey Dent et le commissaire Gordon sont hélas trop peu exploités
dans le film alors que dans le comic ils représentent avec Batman une trinité
qui lutte contre la criminalité de Gotham. Ils apparaissent ici de façon
anecdotique. Un dernier point concernant la musique composée par Danny Elfman, fidèle compositeur de Tim
Burton : ses compositions rendent une véritable claque. Elles viennent
illustrer l’aspect ténébreux, grotesque, décalé, parfois burlesque avec une
telle excessivité et expressivité, que le thème principal donne déjà le ton
avec cette sorte de marche funèbre et militaire dont les mélodies resteront
dans l’inconscient collectif et redéfiniront ce que doit être un univers de
super héros.
Au
final le film réussi ce qu’il entreprend. On peut lui reprocher certains
traitements de personnages ou autres facilitées es
mais Batman ne manque pas de style. Ce n’est pas le film ultime de Burton,
cependant il parvient à en faire un excellent film à l’expression visuelle
marquée avec tout le bagage artistique et les thématiques chères au
réalisateur. Il récidivera et viendra parachever sa vision du personnage 3 ans
plus tard avec Batman Returns qui est
une version encore plus personnelle et intense du chevalier noir.
Teddy Slamani
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