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mercredi 28 mai 2014

Analyse et Critique - Maps To The Stars de David Cronenberg


MAPS TO THE STARS – le drame de l’expérience échouée


« Après Cosmopolis, le réalisateur canadien David Cronenberg réitère ses expériences cinématographiques en mettant de nouveaux cobayes dans sa cage. Un savant fou qui façonne ses acteurs en parfaites créatures. Robert Pattinson devient pour David ce que Johnny Depp a souvent été pour Tim Burton, le sujet idéal pour subir toutes les mutations ».


 
Film sorti en salles le 21 mai 2014 et réalisé par David Cronenberg.


Drame – 1h51 (-12 ans). Julianne Moore a remporté le Prix d’Interprétation Féminine au 67e Festival de Cannes.

Filmographie : Stereo (1969), Crimes of the Future (1970), Frissons (1975), Rage (1977), Fast Company (1979), Chromosome 3 (1979), Scanners (1981), Vidéodrome (1981), Dead Zone (1983), La Mouche (1986), Faux-Semblants (1988), Le Festin Nu (1991), M. Butterfly (1993), Crash (1996), eXistenZ (1999), Spider (2002), A History of Violence (2005), Les Promesses de l’Ombre (2007), A Dangerous Method (2011), Cosmopolis (2012), Maps to the Stars (2014)

Casting : Julianne Moore, Mia Wasikowska, Evan Bird, John Cusack, Robert Pattinson.

Résumé : Les membres de la famille Weiss sont célèbres et vivent à Los Angeles dans les sphères Hollywoodiennes. Après de nombreuses années, ils vont être réunis pour la première fois et réveiller de vieux secrets. Stafford Weiss est un psychothérapeute connu, son fils Benjie est une star du cinéma sorti d’une cure de désintoxication et Agatha leur fille réapparaît, libérée de l’hôpital psychiatrique. En parallèle, Havana Segrand une actrice connue et oubliée des écrans, veut jouer dans la nouvelle version du film dans lequel sa mère tenait le rôle principal avant de mourir dans un incendie. 



Ce film s’adresse à ceux qui sont adeptes des cercles vicieux dans lesquels nous découvrons progressivement que les personnages sont liés. Nous suivons tout d’abord des protagonistes qui semblent suivre des chemins différents avant que l’on ne comprenne leur étroite relation. Plus le spectateur en apprend sur eux, plus ce monde de la célébrité vire au cauchemar. Maps to the Stars pourrait être traduit par « Les chemins vers la célébrité » ou « Les chemins vers l’au-delà ». Comme dans Cosmopolis, le réalisateur nous égare dans un monde hors de notre portée, voire même incompréhensible. Un quotidien tellement différent et jonché de rituels inhabituels que l’on se sent perdu dans une dimension complètement déconnectée de la réalité. Cette métaphore, même exagérée, se maintient. Dans son précédent film Cosmopolis, on suit la journée du riche Eric Packer cloitré à bord de sa limousine partant chez son coiffeur pendant que son empire économique s’écroule et que sa vie est menacée. La limousine ressemble à un cercueil prolongeant sa route jusqu’au Purgatoire. Lors de la dernière séquence, Eric Packer est jugé par l’homme dont il a détruit la vie.

Les mises en scènes de Maps to the Stars sont presque mythologiques. Le schéma du cercle qui enferme les personnages au sein d’un drame est assez fréquent au cinéma. David Cronenberg est un artiste qui confine ses personnages au sein d’une expérimentation. Il joue avec les modifications biologiques, organiques et matérielles. Il touche à l’ADN, fusionne le vivant et le non vivant, fait accoupler deux espèces d’une race différente afin d’en soutirer toute la monstruosité. En allant plus loin, on s’aperçoit que le réalisateur mélange consciemment ce qui n’est pas compatible pour analyser la destruction de ses propres univers. Son cinéma d’auteur est l’emprunte d’un cinéma « psycho-horreur » qui lui correspond et qui est identifiable. Ses films s’appuient sur des trucages composés d’une vraie matière, capable de rendre les organismes palpables, suintants, en décomposition ou en putréfaction. Agatha Weiss est brûlée, Benjie souffre de sa désintoxication, Stafford Weiss se sert du spiritualisme pour soigner les gens, Havana entre la dépression et ses passages « scato », désagrège l’image qu’inspire la célébrité faisant d’elle un personnage « pathétique ».

Maps to the Stars est une œuvre que l’on peut rapprocher de Mulholland Drive de David Lynch car ils explorent tous les deux l’envers du décor. Ils déforment à leur façon le rêve « illusoire » créé par Hollywood comme s’il s’agissait d’une allégorie ou d’un Dieu. Sans diaboliser Hollywood, ils donnent la possibilité qu’il s’agisse d’un lieu cauchemardesque. Il y a une sorte de dualité entre rêve et peur qui est mis en scène à travers la schizophrénie des personnages. David Lynch exploite d’avantage le monde des esprits en se servant des lumières tandis que David Cronenberg matérialise la monstruosité.

[SPOIL : On apprend que Stafford et sa femme sont en réalité frère et sœur. Leurs deux enfants qu’ils font passer pour fou, sont nés d’une consanguinité et dans ce cas d’un accouplement « hors normes ». De ce secret est apparu l’instabilité d’Agatha et les évènements tragiques du film. L’intolérance de Stafford change le sens du film. Les enfants ne sont plus les monstres, ils sont nés d’une monstruosité et leur seule présence renvoie au mensonge du père.]

L’érotisme qui occupe une immense place dans la composition des œuvres du cinéaste provoque une forme de dégoût mais aussi une fascination dérangeante. Lorsque Stafford soigne Havana, il prend des positions à connotations sexuelles. Le corps, élément central chez l’artiste, est inévitablement exhibé, mis en action, distillé de sa sueur et de ses phéromones. Dans Crash, les personnages confondent leur peau avec la carrosserie des voitures. Si le réalisateur sait travailler la chair, il sait également rendre chair ce qui est juste matériel.

Il est difficile de donner un verdict définitif à Maps to the Stars. Connaître le parcours de David Cronenberg est un atout dans l’approche du film. En sortant de la salle, impossible de dire « c’était mauvais », « c’était bien ». On dirait plutôt : « qu’est-ce que je viens de regarder ? ». Ce cinéma d’auteur ne risque-t-il pas de devenir excessif au point d’en perdre son public ? Loin d’être sa meilleure œuvre, les fans du réalisateur peuvent courir le voir. Quant aux autres, la nuit porte conseil et la narration mérite d’être décantée.





Rameau Antoine


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