L'Art est sur l'Image Cinématographique

Un Blog sur l'analyse filmique et la critique


mercredi 9 octobre 2013

Nouvelle: "Pour le meilleur et pour le pire, Monsieur" (2eme partie)


Deuxième extrait de la Nouvelle:
"Pour le meilleur et pour le pire, Monsieur" d'Antoine Rameau
 
 
Je demandais à Thomas d’enlever ses vêtements. Je remontais mes manches puis je posais le corps de Suzanne au bout du tapis. Thomas se déshabillait intégralement, puis je les posais sur le cadavre. Je me débarrassais ensuite des différents objets et documents tâchés en les mettant également avec le corps. J’enroulais Suzanne avec toute la longueur du tapis afin de contenir le sang. Je conseillais à Thomas de se changer au plus vite. Il sortit de la pièce en vitesse. Je tirais le tapis enroulé un peu plus loin dans la pièce. J’allais ensuite chercher de quoi nettoyer. Seau, serpillères, produits détachants puis de grands sacs poubelles pour jeter les derniers objets tâchés. Je frottais de toutes mes forces, je faisais plusieurs allers-retours avec les toilettes pour vider l’eau du seau devenue rouge. Je nettoyais intégralement le parquet du bureau. Je lavais tout le bureau à l’aide de chiffons que je jetais dans les poubelles. Thomas revint habillé élégamment, comme si il ne prenait pas conscience de la tournure de la situation. Il semblait se préparer à un rendez-vous d’affaires. Il me répondit : « Je dois être présentable pour faire un dernier adieu à notre Suzanne ». Je ne préférais pas déstabiliser Thomas par une remarque. J’avais besoin de lui quelques minutes. Nous portions le tapis à deux, puis nous allions dans le terrain du manoir en sortant par les portes arrière. Dans le jardin nous avions construits une fosse pour y mettre le composte et le brûler. J’enlevais tout le composte de la fosse, puis nous déposions le corps au fond. J’allais chercher un bidon d’essence dans le garage pendant que Thomas faisait une prière près du trou. J’arrosais tout le tapis d’essence. Thomas repoussait le composte dans le trou, je l’arrêtais : « Le corps doit brûler à l’air libre si nous voulons être sûr d’obtenir des cendres et ne pas nous retrouver avec le squelette. Nous mettrons le composte au fur et à mesure pour alimenter le feu, puis nous boucherons le trou avec de la terre et du composte ». Je pris des allumettes dans ma poche puis les jetais dedans. Le feu pris rapidement et violement. Thomas s’éloigna du trou puis vomit trois pas derrière moi. La nuit tombait, je venais de finir le travail. Je suis allé dans le bureau, puis j’ai passé le chiffon sur toutes les surfaces possibles. Thomas entra à la fin dans la pièce. Il examina scrupuleusement chaque détail et chaque recoin. Son visage était ébahit comme celui d’un enfant. Il me regarda puis dit : « tu es vraiment un magicien Edward ». Le problème semblait résolu pour Thomas, moi je savais qu’il ne s’agissait que du début.

Les jours suivants, Thomas prenait ses cours avec l’intervenant commercial, comme si rien ne s’était passé. Ce n’était pas le professeur qui remarqua quoi que ce soit, cependant il nota une différence : « votre jeune servante n’est pas là aujourd’hui ? ». Je m’attendais à ces questions. Il fallait d’ailleurs que je trouve une solution, pour écarter tout soupçon. Comment allais-je amener la disparition auprès de la famille de Suzanne qui vit en France ? Elle leur écrivait régulièrement. J’imaginais la meilleure solution, tout en gardant à l’esprit que des parents connaissent suffisamment leur enfant pour savoir ce qui semblait habituel ou non dans son comportement. Je pris en considération le fait que Suzanne était venue en Angleterre dans l’espoir de s’éloigner des conflits familiaux. Quand elle vivait avec eux, la vie était invivable. Elle était la plus grande sœur de cinq enfants. Elle s’occupait de tout, de la maison, des parents, puis des frères et sœurs. Quand la deuxième sœur fut assez grande pour gérer également les corvées ménagères, elle incita sa sœur à quitter le foyer pour aller faire sa vie. Elle rencontra en France, un homme d’origine britannique beaucoup plus âgé, qui l’emmena vivre avec lui. Il buvait beaucoup et était violent. Suzanne coupa toute communication avec ses parents qui désapprouvaient sa nouvelle vie. Il arriva à Suzanne de ne plus leur répondre. Les parents demandèrent aux autorités de retrouver leur fille. Bien qu’elle était tout juste majeure et en droit de ne plus revenir chez ses parents, elle n’avait cependant toujours pas la nationalité anglaise. Elle revint en France, en emportant une annonce sur laquelle il était écrit qu’une famille recherchait une jeune servante, prête à travailler jour et nuit chez un riche chef d’entreprise. Elle trouva une nouvelle occasion pour partir de chez elle définitivement. Ce travail lui donnait le droit de séjourner en Angleterre, tant qu’elle travaillait pour les Anderson. Après deux années, grâce à l’influence des Anderson, elle obtenue la nationalité anglaise, elle avait alors 21 ans. Suzanne était très jeune, elle arriva vers ses 19 ans, et Thomas avait 7 ans. Connaître la vie des gens peut être un atout pour s’en servir contre eux. Suzanne dévoilait assez facilement ses petits secrets. Je pouvais m’attendre à voir venir la police tôt ou tard. L’important était d’enlever toute trace de la présence de Suzanne. Faire croire qu’elle était partie spontanément. Après tout, la nationalité permettait enfin à Suzanne de circuler librement dans le pays, de retrouver son amant passé par exemple. Se servir de la mort de Monsieur Anderson et la possibilité qu’elle pouvait être en proie aux concurrents de l’entreprise Anderson. Mieux même, qu’elle ait décidée de donner des informations privées à notre sujet afin de basculer les choses en son avantage. Comment demeurer en toute crédibilité ? La meilleure issue était certainement de ne pas comprendre pourquoi elle était soudainement partie. Le manoir était retiré au fond des landes A-t-elle appelée un taxi ? Quelqu’un est-il venu la chercher ? Je rassemblais toutes les affaires de Suzanne. Si j’hésitais, en me demandant s’il s’agissait d’un bien à nous ou à Suzanne, je prenais le risque de m’en débarrasser. Je demandais à Thomas, des endroits éventuels où Suzanne aurait rangée des affaires à elle. Il m’amena quelques sous vêtements qui étaient encore parsemés dans la maison. Je pouvais compter sur Thomas pour ce genre de chose. James Anderson, ne nous facilitait pas la tâche. Il avait du offrir une véritable collection de lingerie à Suzanne, pour satisfaire ses fantasmes. Il avait répendu ces saletés comme le petit Poucet. Heureusement que Thomas épiait suffisamment ce genre de détails.  Nous avions rempli deux grosses valises. Un après midi j’allais seul au lac le plus proche. Les valises étaient enroulées dans du plastique noir et ficelées avec des poids pour leur permettre de couler. Je poussais les affaires de la barque. Les valises sombraient au beau milieu de l’immense étendue d’eau. Le temps était brumeux et froid. Personne ne serait venu et je connaissais bien l’endroit. De retour au manoir Thomas me demanda si j’allais engager une nouvelle servante. Je pris peur au fond de moi, d’une répétition du drame. Je lui proposais : « Si vous me le permettez monsieur, je me porterais bien mieux à m’occuper intégralement de la maison. Nous ne sommes plus que deux. En vu des circonstances, il serait risqué d’intégrer une nouvelle personne dans notre quotidien » « Tu as certainement raison Edward, tu as toujours tout pris en main sans l’aide de personne. Cela me convient. »

Les fêtes de Noël approchaient. Afin de redonner un peu de gaieté au manoir, j’avais décoré toutes les grandes pièces de boules et de guirlandes de Noël. J’ai même installé un immense sapin dans le hall de l’entrée. La demeure devenait chaleureuse et accueillante. Je piquais d’anciennes chaussettes à Thomas que j’accrochais au dessus de la cheminée. Nous regardions devant le feu de cheminée, les photos de son enfance. Nous restions devant la photo de la naissance de Thomas. Il y avait au centre James tenant son fils dans ses bras, assis dans un fauteuil. Je me tenais debout aux côtés de James. Lydia était assise sur une chaise à la droite de James. J’avais une trentaine d’années. La photo a été prise le 13 octobre 1968. Thomas me demanda si je possédais des souvenirs de ma jeunesse. Je lui expliquais mon passé : « J’ai perdu mes parents lors de la guerre, je les ais à peine connus. J’étais placé en famille d’accueil jusqu’à mes 18 ans. J’ai suivi différents apprentissages quand j’étais adolescent, mais je voulais me reconvertir majordome. Sans doute était-ce là, une manière d’appartenir à une famille. Je débutais en travaillant pour ton grand père, Paul Anderson. J’avais trois années de plus que ton père, nous étions comme des amis. Malgré tout, je me devais de garder une certaine distance. Lydia était déjà là, elle avait 38 ans je crois. Elle me confia des travaux, m’informa sur les Anderson. Elle me prit sous son aile, jusqu’à ce que je fusse capable de prendre en charge les affaires les plus importantes de la famille. Quand tu es venu au monde j’avais 30 ans et ton père 27 ans. Je n’ai pas réellement d’histoire. Votre famille, vos problèmes, ont toujours été les miens. Ma vie prit un nouveau sens à ta naissance. On me chargea de m’occuper de toi comme d’un père. Seulement, je n’ai jamais connu de relations avec des parents. J’ai grandis avec d’autres enfants de mon âge. Je me reconnais beaucoup en toi Thomas, et c’est probablement pour cela que j’ai pris ton éducation en main le plus sérieusement possible. Mon seul regret, est de te voir dans ce manoir, coupé du monde. Je ne suis pas sur que cela t’ai aidé à t’épanouir ». « Tu as tant fait pour moi Edward. Je ne serais jamais suffisamment reconnaissant. Ce manoir me rend de plus en plus malade. Nous devrions revendre cet endroit et partir vivre en ville, près de la civilisation. Cela ne pourra que m’aider à surmonter mes démons ». Je restais silencieux un moment avant de répondre : « Nous le ferons Thomas, mais je sens venir une succession d’évènements. Partir maintenant comme ça, éveillerait de nombreux soupçons. Donnons-nous le temps, puis déménageons ». « Moi je te suivrais Edward ».

Un jour, quelqu’un sonna à la porte. Je fus extrêmement surpris de voir Lydia se tenir derrière la porte, toujours en aussi bonne santé malgré son âge. Elle me disait qu’elle eut l’idée de passer souhaiter de bonnes fêtes de Noël. Je la laissais entrer, puis j’accrochais ses vêtements au porte manteau. Je lui demandais comment elle était venue. Elle s’arrangea avec un taxi. Elle paya le chauffeur pour un forfait à la journée. Le chauffeur attendait dans la voiture. Je passais la tête par la porte d’entrée et fit signe au chauffeur d’entrer. Il entra et me salua chaleureusement. J’installais Lydia et le chauffeur sur la petite table de la cuisine puis leur servais un bon café noir. Lydia me demanda si Thomas était là. Je lui proposais d’aller le voir dans son bureau après le café. Elle remarqua ensuite une chose, Suzanne ne s’était pas manifestée depuis son arrivée. Elle me questionna : « Et Suzanne, elle est là ? Je m’attendais à ce qu’elle vienne pour voir de qui il s’agit ». Des frissons me traversèrent, je restais immobile, cherchant ma réponse. Une première idée simple me vint : « Après tout ces changements, elle considéra que c’était le moment idéal pour quitter le manoir. Elle me disait qu’elle comptait travailler dans le sud du pays afin de se rapprocher en même temps de la France pour voir sa famille. Je me souviens de notre discussion, elle avait l’espoir de voler de ses propres ailes, de devenir une vedette. Bref, elle emporta tout avec elle, ses affaires et ses rêves ». « C’est étrange, ça nous arrivait de nous envoyer des lettres. Elle a toujours été très attentionnée avec moi. On se racontait nos vies et nos envies comme deux petites commères. A aucun moment elle me confia qu’elle voulait quitter le manoir. Elle s’y plaisait beaucoup ». Les sueurs froides me montaient à la tête : « Depuis quelques années, tout semble dégringoler dans ce monde tu sais. Je ne comprends plus grand-chose. Les gens changent littéralement. Les crises et les drames ne cessent de s’enchaîner. Je ne m’étonne plus de ce genre de réaction. La jeunesse est très changeante au fil du temps. Ils sont confrontés à de nouveaux choix, que nous n’avons jamais connus ». « Tu sais le choix aujourd’hui… tant qu’il y a du travail à prendre il ne faut plus hésiter à le saisir. J’espère qu’elle sait ce qu’elle fait ». Je me sentais énormément soulagé quand elle prononça cette dernière phrase. Elle écarta Suzanne de la conversation, comprenant qu’il n’y avait plus grand-chose à en dire. Lydia constata avec humour : « J’ai remarquée que tu avais oublié de passer certaines horloges à l’heure d’hivers Edward. Heureusement que la vieille Lydia vient voir si tout est en ordre ». « C’est vrai tu as raison, mais ma montre à moi est toujours à l’heure. Et c’est le principal. Je n’ai jamais manqué un rendez-vous. La ponctualité est l’une de mes plus grandes qualités. La maison est entre de bonnes mains ». « J’en suis sure Ed… Allons déranger un peu Thomas ».

Je frappais à la porte du bureau, Thomas me demandait d’entrer. J’ouvrais la porte et laissais Lydia entrer. Il ferma aussitôt un tiroir. Comme un enfant heureux de voir le retour du père Noël, Thomas se précipita serrer Lydia, pour l’embrasser sur la joue. Lydia le reprit : « Monsieur, tout de même, contrôlez vous un peu. Moi aussi je suis ravie de vous revoir. Comment vous portez vous ? ». « Comme un charme ma chère Lydia et vous ? ». « Ma vieille carcasse tient le coup Monsieur ». « Vous êtes une battante, c’est bien connu ». « Avez-vous repris les affaires Monsieur ? Je n’ai pas eu de nouvelles ces derniers temps ». « Je suis encore en formation, mais cela ne devrait plus trop tarder, dans un an je pense ». Lydia jette un regard dans la pièce, puis regarde Thomas d’un air sérieux : « Depuis qu’il n’y a plus que deux hommes dans le manoir, il y a du laissé aller je trouve ». Thomas surpris : « Comment cela Lydia ? ». « Je connais chaque recoin et chaque détail de cette maison. Je peux affirmer qu’il se fait un vide dans cette pièce ». Thomas dirige son regard vers moi. Je me mets à craindre sa réaction. Thomas : « je ne vois pas ce qui cloche Lydia. Eclairez-moi ». « Le tapis monsieur, le tapis, cela change toute l’harmonie qui régnait dans cette pièce ». Je vis Thomas, s’immobiliser. Je devais prendre les devants pour le calmer : « J’apportais un plateau repas à monsieur, avec une bouteille de vin, mais je me pris les pieds dans le tapis, et renversa le liquide dessus. Je l’ai retiré pour le lavé et monsieur Anderson trouvait qu’il était dangereux de le laisser, par peur de nous prendre dedans. Mais vous avez raison, cela brise une certaine harmonie dans la pièce ». Lydia : « Vous commencez à vous faire vieux vous aussi Edward. C’est dommage, il s’accordait parfaitement à la pièce ». Edward : « Et si nous allions dans le grand salon, nous y serions mieux pour discuter ». Lydia quitta le manoir vers 18h. Le chauffeur nous remercia de l’hospitalité et emmena Lydia jusque chez elle. Je fis rapidement le tour des grilles et des portes, pour tout fermer à clef. Mon cœur battait vite, comme si je pressentais une catastrophe très prochaine. 

Au mois de février 1993, nous recevions la première lettre envoyée par les parents de Suzanne. Ils décrivirent leur inquiétude de ne plus recevoir de nouvelles de leur fille. Je dus leur répondre à peu près la même chose qu’à Lydia. Je détaillais les problèmes que nous rencontrions depuis la mort de James Anderson. Puis je mentionnais l’envie de Suzanne, de partir à l’autre bout du pays dans l’espoir d’entreprendre la vie qu’elle ne pu mener quand elle vint en Angleterre pour la première fois. Ses parents menèrent de nouveau une enquête. Ils recherchèrent l’homme qui l’emmena pour la première fois dans le pays. Celui-ci était marié, avait deux enfants et vivait en Irlande. Ce suspect fut écarté très vite de la liste. Je reçu d’autres lettres, me demandant si j’étais sur de n’avoir rien oublié, rien trouvé concernant le départ de Suzanne. Je ne pouvais qu’affirmer. Un autre jour, comme je l’attendais, deux inspecteurs arrivèrent au manoir. Je ressentais à nouveau cette peur que j’éprouvais quand Lydia nous rendit visite. Je saluais courtoisement les deux hommes. Ils me posèrent une série de question. Je devinais assez rapidement que ce déplacement, était pour eux une des routines les plus pénibles et qu’ils ne demandaient qu’à trouver un petit prétexte pour repartir de plus belle. D’autant plus, qu’il s’agissait d’une affaire externe et que les petits soucis de la France leur importait guère. Puisque le protocole leur imposait de fouiller dans l’ancienne chambre de Suzanne, puis de regarder la composition de chaque pièce afin de déterminer les raisons de la disparition de Suzanne, je les fis entrer le plus naturellement possible. Je ne m’inquiétais pas pour l’histoire du tapis, puisqu’ils n’avaient jamais connus la composition du mobilier. Ils regardèrent dans la salle de bain, dans sa chambre, dans les grandes salles, rapidement dans le jardin. Pendant ce temps je les suivais et j’essayais de les induire en erreur en leur demandant si il y avait peut être un lien entre la mort de James Anderson et la disparition de Suzanne. Ils écoutèrent d’une oreille, mais ne firent que de hocher des épaules. Mes inquiétudes ne les troublaient pas. Je me sentais sorti d’affaires. Thomas qui avait constaté la présence des policiers, changea constamment de pièce pour ne pas les croiser. Ils entrèrent dans le bureau, firent le tour du mobilier sans ne rien toucher. L’un d’entre eux resta planté au milieu de la pièce, puis affichait des expressions d’étonnement. Inspecteur : « C’est moi, où il manque quelque chose dans cette pièce ? ». Je fus figé en un instant. Thomas qui entendait tout, entra dans la pièce puis salua les inspecteurs. Thomas : « Qu’y a-t-il messieurs ? Il s’agit de mon lieu de travail ». Thomas se dirigeait jusqu’au bureau puis s’appuyait dessus. Inspecteur : « Oui, quelque chose qui casse la régularité du décor ». L’homme s’accroupit puis caressa le parquet. Je voyais la main de Thomas se diriger vers un couteau à ouvrir les enveloppes. Je le regardais, et lui fit signe du regard de ne pas tenter quoi que ce soit. Il me regardait également mais saisi tout de même la lame. Il resta appuyée contre le bureau. Je devais faire quelque chose au plus vite. L’homme se leva, très fier et satisfait, comme si il venait de découvrir la vérité : « Ah ah ! Je me disais bien qu’il manquait quelque chose. Vous voyez messieurs, c’est bien là, l’une des raisons pour lesquelles j’adore mon métier. J’ai le sens de l’observation, même quand je ne connais rien des lieux. Puis-je vous emprunter un crayon de bois ? ». Thomas : « Oui dans l’un des tiroirs, servez vous ». L’inspecteur alla derrière le bureau, et ouvrit le dernier tiroir. Il s’arrêta devant le bas vert émeraude en dentelles qui était au fond du tiroir. Il s’agissait de celui qu’avait donné Suzanne en échange des autres. Il fit mine de rien puis referma le tiroir. Il ouvrit celui du dessus puis prit un crayon de bois. Thomas avait totalement oublié qu’il avait gardé une dernière trace de Suzanne dans ses affaires privées. Il ne remarqua pas la réaction de l’inspecteur. Celui-ci revint au centre de la pièce, puis traça légèrement une très grande forme rectangulaire au sol. Inspecteur : « Vous voyez, je ne pense pas qu’il ait s’agit d’un meuble, car cela aurait empêché toute circulation dans la pièce. Cependant il y avait bien quelque chose. Un tapis par exemple ». Thomas serrant fort la lame cachée derrière lui : « À quoi voyez-vous cela ? ». « C’est très simple, regardez l’usure du parquet. Un tapis protège une certaine zone. Nous pouvons voir autour différentes traces. Probablement des meubles déplacés ou des traces tout simplement provoqué par le passage de plusieurs personnes. Ici au milieu, tout est net et en bon état. Je pense pouvoir dire que vous aviez ici même un tapis ». Thomas : « Vous êtes très fort inspecteur. En effet, nous avions un tapis mais il a été tâché par du vin, et de toute manière, les gens se prenaient les pieds dedans. Imaginez quelqu’un qui chute et viendrait se cogner malencontreusement la tête sur le bord du bureau ». Je constatais avec surprise, que Thomas réutilisait la même version que je sortis à Lydia. L’inspecteur prétentieusement : « C’est pour cela qu’il est inutile de nous cacher la vérité. Nous avons suffisamment l’œil pour percevoir ces petits détails.  S’il y avait eu le moindre indice prouvant quelque chose sur la disparition de votre servante, nous l’aurions immédiatement remarqué. Mais je dois dire, qu’en effet, elle n’a rien laissée derrière elle. C’est assez inhabituel ». Thomas : « Impressionnant Inspecteur ! ». Thomas s’amusait à caresser l’inspecteur dans le sens du poil. Thomas : « Si vous en avez fini, je charge mon majordome de vous reconduire jusqu’à votre voiture. J’espère sincèrement que vous retrouverez notre servante ». « Vous savez, le nombre de disparitions, où la personne a décidée de s’éclipser pour des raisons personnelles, nous n’en manquons pas. La relation de la disparue avec ses parents était assez conflictuelle. Non, je pense qu’elle s’est fait la malle ». L’inspecteur rend le crayon à Thomas, qui repose silencieusement la lame sur le bureau. Je raccompagnais les hommes et lança un dernier regard vers Thomas avant de quitter la pièce. Thomas souffla profondément, puis regarda son crayon en se demandant, dans quel tiroir il était rangé. Il ouvra le dernier tiroir et vit le sous vêtement de Suzanne. Son sang se glaça, sa peau devenait rouge. Il venait de se rappeler qu’il avait laissé l’inspecteur ouvrir les tiroirs. Il couru vers la fenêtre du couloir pour jeter un œil vers la voiture garée des policiers. Il me vit serrer les hommes de la main. Je me dirigeais vers l’entrée du manoir puis je vis l’un des inspecteurs chuchoter quelque chose à l’oreille de son coéquipier. La voiture s’en alla, et Thomas vint me rejoindre. Il me tendit un sous vêtement en dentelles, puis me dit avec inquiétude : « Ils ont ouverts les tiroirs. Je compte sur toi pour le faire disparaitre Edward ! ».

Pendant le mois de Février, les cartons de déménagement s’empilaient un peu partout. En brûlant la dernière trace de Suzanne, je brisais toute connexion avec la disparition de Suzanne. Par moment Thomas s’enfermait dans le bureau pour pleurer. Je l’entendais marmonner quelques phrases comme: « J’ai dépassé les limites, je suis maudit ». Je me demandais si son état s’arrangerait une fois que nous aurons déménagés à Londres. Thomas comptait monter son siège dans la capitale. James Anderson détestait Londres, il voyait la ville comme une décharge putréfiant de corps empilés et en décomposition. Les rues de Londres lui semblaient misérables et dangereuses. Il préférait de loin sentir la terre de son enfance. Thomas étouffait dans le manoir. La capitale était sans doute selon lui un remède dans son malheur. Les policiers revinrent une dernière fois au manoir pour une dernière inspection. Une fois le nouveau propriétaire installé, les forces de l’ordre seraient dans l’impossibilité d’enquêter à nouveau sur les lieux, à condition bien évidemment de trouver une preuve irréfutable du meurtre de Suzanne. J’accompagnais encore une fois ces messieurs à travers toutes les pièces. Quand nous retournâmes dans le bureau, je constatais plusieurs lacérations produites à l’espace du tapis. Thomas a dut faire plusieurs entailles dans le sol suite aux observations de l’inspecteur. Celui-ci beaucoup moins patient que la dernière fois, analysa chaque recoin avec encore plus de rigueur. Il réagissait comme quelqu’un qui avait le sentiment d’être pris pour un imbécile. Il constata sans mal, la différence d’état du sol entre aujourd’hui et la dernière fois. Il me fit la remarque et je lui répondais que mon maître avait absolument besoin d’uniformité dans la pièce. On me regarda comme un fou. Il ne put s’empêcher de faire le tour du bureau, puis d’ouvrir discrètement le dernier tiroir. Je lui en fis la remarque : « Je pensais qu’il était interdit de fouiller la vie privée de Monsieur Anderson, surtout quand il s’agit de ses affaires ». Il grommela puis sorti de la pièce. Il murmura quelque chose dans l’oreille de son coéquipier, puis lui fit signe de le suivre. Cette fois ci ils allèrent jusqu’au fond du jardin sans remarquer l’ancienne fosse que je m’étais assuré de boucher intégralement et d’y faire pousser du gazon. L’inspecteur arrêta de réfléchir puis s’en alla jusqu’à sa voiture avec son coéquipier. Je mis en place une petite stratégie des plus astucieuses. Avant de voir l’inspecteur s’en aller je m’assurais de lui enlever certains doutes par un tour de passe-passe. Je m’adressais une dernière fois à lui avant qu’il ne monte dans sa voiture de fonction : « Aimez-vous la magie Inspecteur ? » « Je ne m’intéresse pas à ces choses là » « C’est dommage, parce qu’il serait gênant que vous perdiez vos dessous aux yeux de vos collègues » « Que me racontez-vous ? Vous vous fichez de moi ? » « Non pas du tout, regardez ». Je lui tirais de ses poches plusieurs tissus de couleurs ficelés entre eux. Je lui tirais de chacune de ses manches d’autres mouchoirs colorés. Je m’abaissais pour lui sortir un autre de sa chaussette. Puis pour conclure, dépassant de derrière sa ceinture, je lui tirais un sous vêtement féminin en dentelles. Son coéquipier restait ébahit. Je lançais une plaisanterie à l’inspecteur : « Je ne connaissais pas les goûts de la police pour de telles choses ». Son coéquipier me demanda : « Comment avez-vous fait pour sortir une culotte en dentelles du pantalon de mon collègue ? » « Secret maison messieurs, mon maître adore me voir jouer ce petit tour des plus complexes, à nos nouveaux visiteurs. Puisque qu’il fut impressionné par votre observation de la dernière fois, au sujet du tapis, il voulait que je vous montre l’un de nos tours. Il aime lui aussi être surpris par ce tour de temps à autre. Je m’occupe de lui depuis tout petit et la magie l’a toujours intéressé ». L’inspecteur mal à l’aise regardait son collègue et lui adressa un regard significateur. Je compris qu’ils faisaient la connexion avec ce qu’ils avaient peut être vu dans le tiroir du bureau. Ils leur seraient impossible de se souvenir si celui du tiroir était usagé et celui de Suzanne. Par l’excentricité de cette idée, j’étais à peu près sur d’avoir brouillé les pistes.
 
(à suivre)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire