Deuxième extrait de la Nouvelle:
"Pour le meilleur et pour le pire, Monsieur" d'Antoine Rameau
Je
demandais à Thomas d’enlever ses vêtements. Je remontais mes manches puis je
posais le corps de Suzanne au bout du tapis. Thomas se déshabillait
intégralement, puis je les posais sur le cadavre. Je me débarrassais ensuite
des différents objets et documents tâchés en les mettant également avec le
corps. J’enroulais Suzanne avec toute la longueur du tapis afin de contenir le
sang. Je conseillais à Thomas de se changer au plus vite. Il sortit de la pièce
en vitesse. Je tirais le tapis enroulé un peu plus loin dans la pièce. J’allais
ensuite chercher de quoi nettoyer. Seau, serpillères, produits détachants puis
de grands sacs poubelles pour jeter les derniers objets tâchés. Je frottais de
toutes mes forces, je faisais plusieurs allers-retours avec les toilettes pour
vider l’eau du seau devenue rouge. Je nettoyais intégralement le parquet du
bureau. Je lavais tout le bureau à l’aide de chiffons que je jetais dans les
poubelles. Thomas revint habillé élégamment, comme si il ne prenait pas
conscience de la tournure de la situation. Il semblait se préparer à un
rendez-vous d’affaires. Il me répondit : « Je dois être présentable
pour faire un dernier adieu à notre Suzanne ». Je ne préférais pas
déstabiliser Thomas par une remarque. J’avais besoin de lui quelques minutes.
Nous portions le tapis à deux, puis nous allions dans le terrain du manoir en
sortant par les portes arrière. Dans le jardin nous avions construits une fosse
pour y mettre le composte et le brûler. J’enlevais tout le composte de la
fosse, puis nous déposions le corps au fond. J’allais chercher un bidon
d’essence dans le garage pendant que Thomas faisait une prière près du trou.
J’arrosais tout le tapis d’essence. Thomas repoussait le composte dans le trou,
je l’arrêtais : « Le corps doit brûler à l’air libre si nous voulons
être sûr d’obtenir des cendres et ne pas nous retrouver avec le squelette. Nous
mettrons le composte au fur et à mesure pour alimenter le feu, puis nous
boucherons le trou avec de la terre et du composte ». Je pris des
allumettes dans ma poche puis les jetais dedans. Le feu pris rapidement et
violement. Thomas s’éloigna du trou puis vomit trois pas derrière moi. La nuit
tombait, je venais de finir le travail. Je suis allé dans le bureau, puis j’ai
passé le chiffon sur toutes les surfaces possibles. Thomas entra à la fin dans
la pièce. Il examina scrupuleusement chaque détail et chaque recoin. Son visage
était ébahit comme celui d’un enfant. Il me regarda puis dit : « tu
es vraiment un magicien Edward ». Le problème semblait résolu pour Thomas,
moi je savais qu’il ne s’agissait que du début.
Les
jours suivants, Thomas prenait ses cours avec l’intervenant commercial, comme
si rien ne s’était passé. Ce n’était pas le professeur qui remarqua quoi que ce
soit, cependant il nota une différence : « votre jeune servante n’est
pas là aujourd’hui ? ». Je m’attendais à ces questions. Il fallait
d’ailleurs que je trouve une solution, pour écarter tout soupçon. Comment
allais-je amener la disparition auprès de la famille de Suzanne qui vit en
France ? Elle leur écrivait régulièrement. J’imaginais la meilleure
solution, tout en gardant à l’esprit que des parents connaissent suffisamment
leur enfant pour savoir ce qui semblait habituel ou non dans son comportement. Je
pris en considération le fait que Suzanne était venue en Angleterre dans
l’espoir de s’éloigner des conflits familiaux. Quand elle vivait avec eux, la
vie était invivable. Elle était la plus grande sœur de cinq enfants. Elle
s’occupait de tout, de la maison, des parents, puis des frères et sœurs. Quand
la deuxième sœur fut assez grande pour gérer également les corvées ménagères,
elle incita sa sœur à quitter le foyer pour aller faire sa vie. Elle rencontra
en France, un homme d’origine britannique beaucoup plus âgé, qui l’emmena vivre
avec lui. Il buvait beaucoup et était violent. Suzanne coupa toute
communication avec ses parents qui désapprouvaient sa nouvelle vie. Il arriva à
Suzanne de ne plus leur répondre. Les parents demandèrent aux autorités de
retrouver leur fille. Bien qu’elle était tout juste majeure et en droit de ne
plus revenir chez ses parents, elle n’avait cependant toujours pas la
nationalité anglaise. Elle revint en France, en emportant une annonce sur
laquelle il était écrit qu’une famille recherchait une jeune servante, prête à
travailler jour et nuit chez un riche chef d’entreprise. Elle trouva une
nouvelle occasion pour partir de chez elle définitivement. Ce travail lui
donnait le droit de séjourner en Angleterre, tant qu’elle travaillait pour les
Anderson. Après deux années, grâce à l’influence des Anderson, elle obtenue la
nationalité anglaise, elle avait alors 21 ans. Suzanne était très jeune, elle
arriva vers ses 19 ans, et Thomas avait 7 ans. Connaître la vie des gens peut
être un atout pour s’en servir contre eux. Suzanne dévoilait assez facilement
ses petits secrets. Je pouvais m’attendre à voir venir la police tôt ou tard.
L’important était d’enlever toute trace de la présence de Suzanne. Faire croire
qu’elle était partie spontanément. Après tout, la nationalité permettait enfin
à Suzanne de circuler librement dans le pays, de retrouver son amant passé par
exemple. Se servir de la mort de Monsieur Anderson et la possibilité qu’elle pouvait
être en proie aux concurrents de l’entreprise Anderson. Mieux même, qu’elle ait
décidée de donner des informations privées à notre sujet afin de basculer les
choses en son avantage. Comment demeurer en toute crédibilité ? La
meilleure issue était certainement de ne pas comprendre pourquoi elle était
soudainement partie. Le manoir était retiré au fond des landes A-t-elle appelée
un taxi ? Quelqu’un est-il venu la chercher ? Je rassemblais toutes
les affaires de Suzanne. Si j’hésitais, en me demandant s’il s’agissait d’un
bien à nous ou à Suzanne, je prenais le risque de m’en débarrasser. Je
demandais à Thomas, des endroits éventuels où Suzanne aurait rangée des
affaires à elle. Il m’amena quelques sous vêtements qui étaient encore parsemés
dans la maison. Je pouvais compter sur Thomas pour ce genre de chose. James
Anderson, ne nous facilitait pas la tâche. Il avait du offrir une véritable
collection de lingerie à Suzanne, pour satisfaire ses fantasmes. Il avait répendu
ces saletés comme le petit Poucet. Heureusement que Thomas épiait suffisamment
ce genre de détails. Nous avions rempli
deux grosses valises. Un après midi j’allais seul au lac le plus proche. Les
valises étaient enroulées dans du plastique noir et ficelées avec des poids
pour leur permettre de couler. Je poussais les affaires de la barque. Les
valises sombraient au beau milieu de l’immense étendue d’eau. Le temps était
brumeux et froid. Personne ne serait venu et je
connaissais bien l’endroit. De retour au manoir Thomas me demanda si
j’allais engager une nouvelle servante. Je pris peur au fond de moi, d’une
répétition du drame. Je lui proposais : « Si vous me le permettez
monsieur, je me porterais bien mieux à m’occuper intégralement de la maison.
Nous ne sommes plus que deux. En vu des circonstances, il serait risqué
d’intégrer une nouvelle personne dans notre quotidien » « Tu as
certainement raison Edward, tu as toujours tout pris en main sans l’aide de
personne. Cela me convient. »
Les
fêtes de Noël approchaient. Afin de redonner un peu de gaieté au manoir,
j’avais décoré toutes les grandes pièces de boules et de guirlandes de Noël.
J’ai même installé un immense sapin dans le hall de l’entrée. La demeure
devenait chaleureuse et accueillante. Je piquais d’anciennes chaussettes à
Thomas que j’accrochais au dessus de la cheminée. Nous regardions devant le feu
de cheminée, les photos de son enfance. Nous restions devant la photo de la
naissance de Thomas. Il y avait au centre James tenant son fils dans ses bras, assis
dans un fauteuil. Je me tenais debout aux côtés de James. Lydia était assise
sur une chaise à la droite de James. J’avais une trentaine d’années. La photo a
été prise le 13 octobre 1968. Thomas me demanda si je possédais des souvenirs de
ma jeunesse. Je lui expliquais mon passé : « J’ai perdu mes parents
lors de la guerre, je les ais à peine connus. J’étais placé en famille
d’accueil jusqu’à mes 18 ans. J’ai suivi différents apprentissages quand
j’étais adolescent, mais je voulais me reconvertir majordome. Sans doute
était-ce là, une manière d’appartenir à une famille. Je débutais en travaillant
pour ton grand père, Paul Anderson. J’avais trois années de plus que ton père,
nous étions comme des amis. Malgré tout, je me devais de garder une certaine
distance. Lydia était déjà là, elle avait 38 ans je crois. Elle me confia des
travaux, m’informa sur les Anderson. Elle me prit sous son aile, jusqu’à ce que
je fusse capable de prendre en charge les affaires les plus importantes de la
famille. Quand tu es venu au monde j’avais 30 ans et ton père 27 ans. Je n’ai
pas réellement d’histoire. Votre famille, vos problèmes, ont toujours été les
miens. Ma vie prit un nouveau sens à ta naissance. On me chargea de m’occuper
de toi comme d’un père. Seulement, je n’ai jamais connu de relations avec des
parents. J’ai grandis avec d’autres enfants de mon âge. Je me reconnais
beaucoup en toi Thomas, et c’est probablement pour cela que j’ai pris ton
éducation en main le plus sérieusement possible. Mon seul regret, est de te
voir dans ce manoir, coupé du monde. Je ne suis pas sur que cela t’ai aidé à
t’épanouir ». « Tu as tant fait pour moi Edward. Je ne serais jamais
suffisamment reconnaissant. Ce manoir me rend de plus en plus malade. Nous
devrions revendre cet endroit et partir vivre en ville, près de la
civilisation. Cela ne pourra que m’aider à surmonter mes démons ». Je
restais silencieux un moment avant de répondre : « Nous le ferons
Thomas, mais je sens venir une succession d’évènements. Partir maintenant comme
ça, éveillerait de nombreux soupçons. Donnons-nous le temps, puis
déménageons ». « Moi je te suivrais Edward ».
Un
jour, quelqu’un sonna à la porte. Je fus extrêmement surpris de voir Lydia se
tenir derrière la porte, toujours en aussi bonne santé malgré son âge. Elle me disait
qu’elle eut l’idée de passer souhaiter de bonnes fêtes de Noël. Je la laissais
entrer, puis j’accrochais ses vêtements au porte manteau. Je lui demandais
comment elle était venue. Elle s’arrangea avec un taxi. Elle paya le chauffeur
pour un forfait à la journée. Le chauffeur attendait dans la voiture. Je
passais la tête par la porte d’entrée et fit signe au chauffeur d’entrer. Il
entra et me salua chaleureusement. J’installais Lydia et le chauffeur sur la
petite table de la cuisine puis leur servais un bon café noir. Lydia me demanda
si Thomas était là. Je lui proposais d’aller le voir dans son bureau après le
café. Elle remarqua ensuite une chose, Suzanne ne s’était pas manifestée depuis
son arrivée. Elle me questionna : « Et Suzanne, elle est là ? Je
m’attendais à ce qu’elle vienne pour voir de qui il s’agit ». Des frissons
me traversèrent, je restais immobile, cherchant ma réponse. Une première idée
simple me vint : « Après tout ces changements, elle considéra que
c’était le moment idéal pour quitter le manoir. Elle me disait qu’elle comptait
travailler dans le sud du pays afin de se rapprocher en même temps de la France
pour voir sa famille. Je me souviens de notre discussion, elle avait l’espoir
de voler de ses propres ailes, de devenir une vedette. Bref, elle emporta tout
avec elle, ses affaires et ses rêves ». « C’est étrange, ça nous
arrivait de nous envoyer des lettres. Elle a toujours été très attentionnée
avec moi. On se racontait nos vies et nos envies comme deux petites commères. A
aucun moment elle me confia qu’elle voulait quitter le manoir. Elle s’y
plaisait beaucoup ». Les sueurs froides me montaient à la tête :
« Depuis quelques années, tout semble dégringoler dans ce monde tu sais.
Je ne comprends plus grand-chose. Les gens changent littéralement. Les crises
et les drames ne cessent de s’enchaîner. Je ne m’étonne plus de ce genre de
réaction. La jeunesse est très changeante au fil du temps. Ils sont confrontés
à de nouveaux choix, que nous n’avons jamais connus ». « Tu sais le
choix aujourd’hui… tant qu’il y a du travail à prendre il ne faut plus hésiter
à le saisir. J’espère qu’elle sait ce qu’elle fait ». Je me sentais
énormément soulagé quand elle prononça cette dernière phrase. Elle écarta
Suzanne de la conversation, comprenant qu’il n’y avait plus grand-chose à en
dire. Lydia constata avec humour : « J’ai remarquée que tu avais
oublié de passer certaines horloges à l’heure d’hivers Edward. Heureusement que
la vieille Lydia vient voir si tout est en ordre ». « C’est vrai tu
as raison, mais ma montre à moi est toujours à l’heure. Et c’est le principal.
Je n’ai jamais manqué un rendez-vous. La ponctualité est l’une de mes plus
grandes qualités. La maison est entre de bonnes mains ». « J’en suis
sure Ed… Allons déranger un peu Thomas ».
Je
frappais à la porte du bureau, Thomas me demandait d’entrer. J’ouvrais la porte
et laissais Lydia entrer. Il ferma aussitôt un tiroir. Comme un enfant heureux
de voir le retour du père Noël, Thomas se précipita serrer Lydia, pour
l’embrasser sur la joue. Lydia le reprit : « Monsieur, tout de même,
contrôlez vous un peu. Moi aussi je suis ravie de vous revoir. Comment vous
portez vous ? ». « Comme un charme ma chère Lydia et vous ? ».
« Ma vieille carcasse tient le coup Monsieur ». « Vous êtes une
battante, c’est bien connu ». « Avez-vous repris les affaires
Monsieur ? Je n’ai pas eu de nouvelles ces derniers temps ».
« Je suis encore en formation, mais cela ne devrait plus trop tarder, dans
un an je pense ». Lydia jette un regard dans la pièce, puis regarde Thomas
d’un air sérieux : « Depuis qu’il n’y a plus que deux hommes dans le
manoir, il y a du laissé aller je trouve ». Thomas surpris : « Comment
cela Lydia ? ». « Je connais chaque recoin et chaque détail de
cette maison. Je peux affirmer qu’il se fait un vide dans cette pièce ».
Thomas dirige son regard vers moi. Je me mets à craindre sa réaction.
Thomas : « je ne vois pas ce qui cloche Lydia. Eclairez-moi ». «
Le tapis monsieur, le tapis, cela change toute l’harmonie qui régnait dans
cette pièce ». Je vis Thomas, s’immobiliser. Je devais prendre les devants
pour le calmer : « J’apportais un plateau repas à monsieur, avec une
bouteille de vin, mais je me pris les pieds dans le tapis, et renversa le
liquide dessus. Je l’ai retiré pour le lavé et monsieur Anderson trouvait qu’il
était dangereux de le laisser, par peur de nous prendre dedans. Mais vous avez
raison, cela brise une certaine harmonie dans la pièce ». Lydia :
« Vous commencez à vous faire vieux vous aussi Edward. C’est dommage, il
s’accordait parfaitement à la pièce ». Edward : « Et si nous
allions dans le grand salon, nous y serions mieux pour discuter ». Lydia
quitta le manoir vers 18h. Le chauffeur nous remercia de l’hospitalité et
emmena Lydia jusque chez elle. Je fis rapidement le tour des grilles et des
portes, pour tout fermer à clef. Mon cœur battait vite, comme si je pressentais
une catastrophe très prochaine.
Au
mois de février 1993, nous recevions la première lettre envoyée par les parents
de Suzanne. Ils décrivirent leur inquiétude de ne plus recevoir de nouvelles de
leur fille. Je dus leur répondre à peu près la même chose qu’à Lydia. Je
détaillais les problèmes que nous rencontrions depuis la mort de James
Anderson. Puis je mentionnais l’envie de Suzanne, de partir à l’autre bout du
pays dans l’espoir d’entreprendre la vie qu’elle ne pu mener quand elle vint en
Angleterre pour la première fois. Ses parents menèrent de nouveau une enquête.
Ils recherchèrent l’homme qui l’emmena pour la première fois dans le pays.
Celui-ci était marié, avait deux enfants et vivait en Irlande. Ce suspect fut
écarté très vite de la liste. Je reçu d’autres lettres, me demandant si j’étais
sur de n’avoir rien oublié, rien trouvé concernant le départ de Suzanne. Je ne
pouvais qu’affirmer. Un autre jour, comme je l’attendais, deux inspecteurs
arrivèrent au manoir. Je ressentais à nouveau cette peur que j’éprouvais quand
Lydia nous rendit visite. Je saluais courtoisement les deux hommes. Ils me
posèrent une série de question. Je devinais assez rapidement que ce
déplacement, était pour eux une des routines les plus pénibles et qu’ils ne
demandaient qu’à trouver un petit prétexte pour repartir de plus belle.
D’autant plus, qu’il s’agissait d’une affaire externe et que les petits soucis
de la France leur importait guère. Puisque le protocole leur imposait de
fouiller dans l’ancienne chambre de Suzanne, puis de regarder la composition de
chaque pièce afin de déterminer les raisons de la disparition de Suzanne, je
les fis entrer le plus naturellement possible. Je ne m’inquiétais pas pour
l’histoire du tapis, puisqu’ils n’avaient jamais connus la composition du
mobilier. Ils regardèrent dans la salle de bain, dans sa chambre, dans les
grandes salles, rapidement dans le jardin. Pendant ce temps je les suivais et
j’essayais de les induire en erreur en leur demandant si il y avait peut être
un lien entre la mort de James Anderson et la disparition de Suzanne. Ils
écoutèrent d’une oreille, mais ne firent que de hocher des épaules. Mes
inquiétudes ne les troublaient pas. Je me sentais sorti d’affaires. Thomas qui avait
constaté la présence des policiers, changea constamment de pièce pour ne pas
les croiser. Ils entrèrent dans le bureau, firent le tour du mobilier sans ne
rien toucher. L’un d’entre eux resta planté au milieu de la pièce, puis
affichait des expressions d’étonnement. Inspecteur : « C’est moi, où
il manque quelque chose dans cette pièce ? ». Je fus figé en un
instant. Thomas qui entendait tout, entra dans la pièce puis salua les
inspecteurs. Thomas : « Qu’y a-t-il messieurs ? Il s’agit
de mon lieu de travail ». Thomas se dirigeait jusqu’au bureau puis s’appuyait
dessus. Inspecteur : « Oui, quelque chose qui casse la régularité du
décor ». L’homme s’accroupit puis caressa le parquet. Je voyais la main de
Thomas se diriger vers un couteau à ouvrir les enveloppes. Je le regardais, et
lui fit signe du regard de ne pas tenter quoi que ce soit. Il me regardait
également mais saisi tout de même la lame. Il resta appuyée contre le bureau.
Je devais faire quelque chose au plus vite. L’homme se leva, très fier et satisfait,
comme si il venait de découvrir la vérité : « Ah ah ! Je me
disais bien qu’il manquait quelque chose. Vous voyez messieurs, c’est bien là,
l’une des raisons pour lesquelles j’adore mon métier. J’ai le sens de
l’observation, même quand je ne connais rien des lieux. Puis-je vous emprunter
un crayon de bois ? ». Thomas : « Oui dans l’un des tiroirs,
servez vous ». L’inspecteur alla derrière le bureau, et ouvrit le dernier
tiroir. Il s’arrêta devant le bas vert émeraude en dentelles qui était au fond
du tiroir. Il s’agissait de celui qu’avait donné Suzanne en échange des autres.
Il fit mine de rien puis referma le tiroir. Il ouvrit celui du dessus puis prit
un crayon de bois. Thomas avait totalement oublié qu’il avait gardé une
dernière trace de Suzanne dans ses affaires privées. Il ne remarqua pas la
réaction de l’inspecteur. Celui-ci revint au centre de la pièce, puis traça
légèrement une très grande forme rectangulaire au sol. Inspecteur :
« Vous voyez, je ne pense pas qu’il ait s’agit d’un meuble, car cela
aurait empêché toute circulation dans la pièce. Cependant il y avait bien
quelque chose. Un tapis par exemple ». Thomas serrant fort la lame cachée
derrière lui : « À quoi voyez-vous cela ? ». « C’est
très simple, regardez l’usure du parquet. Un tapis protège une certaine zone.
Nous pouvons voir autour différentes traces. Probablement des meubles déplacés
ou des traces tout simplement provoqué par le passage de plusieurs personnes.
Ici au milieu, tout est net et en bon état. Je pense pouvoir dire que vous
aviez ici même un tapis ». Thomas : « Vous êtes très fort
inspecteur. En effet, nous avions un tapis mais il a été tâché par du vin, et
de toute manière, les gens se prenaient les pieds dedans. Imaginez quelqu’un
qui chute et viendrait se cogner malencontreusement la tête sur le bord du
bureau ». Je constatais avec surprise, que Thomas réutilisait la même
version que je sortis à Lydia. L’inspecteur prétentieusement :
« C’est pour cela qu’il est inutile de nous cacher la vérité. Nous avons
suffisamment l’œil pour percevoir ces petits détails. S’il y avait eu le moindre indice prouvant
quelque chose sur la disparition de votre servante, nous l’aurions
immédiatement remarqué. Mais je dois dire, qu’en effet, elle n’a rien laissée
derrière elle. C’est assez inhabituel ». Thomas :
« Impressionnant Inspecteur ! ». Thomas s’amusait à caresser
l’inspecteur dans le sens du poil. Thomas : « Si vous en avez fini,
je charge mon majordome de vous reconduire jusqu’à votre voiture. J’espère
sincèrement que vous retrouverez notre servante ». « Vous savez, le
nombre de disparitions, où la personne a décidée de s’éclipser pour des raisons
personnelles, nous n’en manquons pas. La relation de la disparue avec ses
parents était assez conflictuelle. Non, je pense qu’elle s’est fait la malle ».
L’inspecteur rend le crayon à Thomas, qui repose silencieusement la lame sur le
bureau. Je raccompagnais les hommes et lança un dernier regard vers Thomas
avant de quitter la pièce. Thomas souffla profondément, puis regarda son crayon
en se demandant, dans quel tiroir il était rangé. Il ouvra le dernier tiroir et
vit le sous vêtement de Suzanne. Son sang se glaça, sa peau devenait rouge. Il venait
de se rappeler qu’il avait laissé l’inspecteur ouvrir les tiroirs. Il couru
vers la fenêtre du couloir pour jeter un œil vers la voiture garée des
policiers. Il me vit serrer les hommes de la main. Je me dirigeais vers
l’entrée du manoir puis je vis l’un des inspecteurs chuchoter quelque chose à
l’oreille de son coéquipier. La voiture s’en alla, et Thomas vint me rejoindre.
Il me tendit un sous vêtement en dentelles, puis me dit avec inquiétude :
« Ils ont ouverts les tiroirs. Je compte sur toi pour le faire disparaitre
Edward ! ».
Pendant
le mois de Février, les cartons de déménagement s’empilaient un peu partout. En
brûlant la dernière trace de Suzanne, je brisais toute connexion avec la
disparition de Suzanne. Par moment Thomas s’enfermait dans le bureau pour
pleurer. Je l’entendais marmonner quelques phrases comme: « J’ai
dépassé les limites, je suis maudit ». Je me demandais si son état
s’arrangerait une fois que nous aurons déménagés à Londres. Thomas comptait
monter son siège dans la capitale. James Anderson détestait Londres, il voyait
la ville comme une décharge putréfiant de corps empilés et en décomposition.
Les rues de Londres lui semblaient misérables et dangereuses. Il préférait de
loin sentir la terre de son enfance. Thomas étouffait dans le manoir. La
capitale était sans doute selon lui un remède dans son malheur. Les policiers
revinrent une dernière fois au manoir pour une dernière inspection. Une fois le
nouveau propriétaire installé, les forces de l’ordre seraient dans
l’impossibilité d’enquêter à nouveau sur les lieux, à condition bien évidemment
de trouver une preuve irréfutable du meurtre de Suzanne. J’accompagnais encore
une fois ces messieurs à travers toutes les pièces. Quand nous retournâmes dans
le bureau, je constatais plusieurs lacérations produites à l’espace du tapis.
Thomas a dut faire plusieurs entailles dans le sol suite aux observations de
l’inspecteur. Celui-ci beaucoup moins patient que la dernière fois, analysa
chaque recoin avec encore plus de rigueur. Il réagissait comme quelqu’un qui
avait le sentiment d’être pris pour un imbécile. Il constata sans mal, la différence
d’état du sol entre aujourd’hui et la dernière fois. Il me fit la remarque et
je lui répondais que mon maître avait absolument besoin d’uniformité dans la
pièce. On me regarda comme un fou. Il ne put s’empêcher de faire le tour du
bureau, puis d’ouvrir discrètement le dernier tiroir. Je lui en fis la
remarque : « Je pensais qu’il était interdit de fouiller la vie
privée de Monsieur Anderson, surtout quand il s’agit de ses affaires ». Il
grommela puis sorti de la pièce. Il murmura quelque chose dans l’oreille de son
coéquipier, puis lui fit signe de le suivre. Cette fois ci ils allèrent
jusqu’au fond du jardin sans remarquer l’ancienne fosse que je m’étais assuré
de boucher intégralement et d’y faire pousser du gazon. L’inspecteur arrêta de
réfléchir puis s’en alla jusqu’à sa voiture avec son coéquipier. Je mis en
place une petite stratégie des plus astucieuses. Avant de voir l’inspecteur
s’en aller je m’assurais de lui enlever certains doutes par un tour de
passe-passe. Je m’adressais une dernière fois à lui avant qu’il ne monte dans
sa voiture de fonction : « Aimez-vous la magie
Inspecteur ? » « Je ne m’intéresse pas à ces choses là »
« C’est dommage, parce qu’il serait gênant que vous perdiez vos dessous
aux yeux de vos collègues » « Que me racontez-vous ? Vous vous fichez
de moi ? » « Non pas du tout, regardez ». Je lui tirais de
ses poches plusieurs tissus de couleurs ficelés entre eux. Je lui tirais de
chacune de ses manches d’autres mouchoirs colorés. Je m’abaissais pour lui
sortir un autre de sa chaussette. Puis pour conclure, dépassant de derrière sa
ceinture, je lui tirais un sous vêtement féminin en dentelles. Son coéquipier
restait ébahit. Je lançais une plaisanterie à l’inspecteur : « Je ne
connaissais pas les goûts de la police pour de telles choses ». Son
coéquipier me demanda : « Comment avez-vous fait pour sortir une
culotte en dentelles du pantalon de mon collègue ? » « Secret
maison messieurs, mon maître adore me voir jouer ce petit tour des plus
complexes, à nos nouveaux visiteurs. Puisque qu’il fut impressionné par votre
observation de la dernière fois, au sujet du tapis, il voulait que je vous
montre l’un de nos tours. Il aime lui aussi être surpris par ce tour de temps à
autre. Je m’occupe de lui depuis tout petit et la magie l’a toujours
intéressé ». L’inspecteur mal à l’aise regardait son collègue et lui
adressa un regard significateur. Je compris qu’ils faisaient la connexion avec
ce qu’ils avaient peut être vu dans le tiroir du bureau. Ils leur seraient
impossible de se souvenir si celui du tiroir était usagé et celui de Suzanne.
Par l’excentricité de cette idée, j’étais à peu près sur d’avoir brouillé les
pistes.
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