L'Art est sur l'Image Cinématographique

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samedi 9 mars 2013

Critique et analyse de Spring Breaker d'Harmony Korine

 "Les Bunnies and Clyde des temps modernes"


Quatre jeunes filles au sang chaud, malades de la vie qu'elles mènent, veulent vivre les sensations fortes du Spring Break. Le Spring Break est cette période de l'été, en Floride, consacrée à la fête. Un instant pour profiter du soleil, de la mer et de la chair. La "défonce" est la vision de l'ultime bonheur de nos protagonistes: alcool, drogue, sexe et musique. Le film d'Harmony Korine, traduit le mal d'existence des dernières générations. Les jeunes revendiquent leur droit de profiter de la vie, en jouant sur les excès et sur la frontière de la mort et de l'illégal. Une ballade effrénée contre un monde conventionné et ses interdits.
Certaines, se font passer pour les durs-à-cuir qu'elles ne sont pas. Elles voient leur rêve devenir cauchemar, quand les responsabilités de la vie adulte revient au galop. Le rêve est en perte de contrôle et  provoque un retour forcé de leur réalité déformée.
 
Elles échappent de justesse à la Justice, quand le personnage de James Franco, "Alien" fait son apparition et paie leur caution. Spring Break ressemble à ces clips de MTV en mode "shake ton booty, bling bling, mate ma tire". La jeunesse est bercée par l'illusion d'une vie facile, où il suffirait de tendre la main et de se servir. Que rien n'est impossible.
Alien derrière sa popularité de rappeur, dévoile les coulisses de sa vie de Gangsta: trafics, guerre de gangs, proxénétisme détourné.
 
Le vrai visage de ce monde consommateur (flingues, fringues et filles) a pour conséquence, d'en effrayer certaines comme Selena Gomez, jeune pratiquante. Son plaisir atteint ses limites, la voix de la raison, l'avertie du danger qui les guette. Le thème de la Tentation du Christ est évoqué. Selena est prête à partager le corps, mais certainement pas verser le sang. On est un enfant de choeur ou on ne l'est pas. Au yeux de Selena, Alien ressemble plus à une sorcière, aux dents pourries, aux divers gris gris vaudou, bijoux et exerçant un pouvoir et une pression sur ce qu'il convoite.
 
Comme Bonnie and Clyde, nous avons là, une progression sur une route sans issue vers la criminalité. Nos Spring Breakers, dénoncent un monde pourri dont les lois nous priveraient de notre liberté de jouir de notre propre personne.
Les jeunes filles, participent à un braquage au début du film, afin de se payer le Spring Break du siècle. Après cela, la suite du film est une course où les vacances se transforment en enfer.
Nos jeunes filles, réclament la fin de l'innocence. Les anges se transforment en démon. Jusqu'au point de commettre l'irréparable. Que reste-t-il une fois l'orgasme atteint ? Harmony Korine fini son film aussi sec, montrant que rien n'a changé. Alien et ses filles, les Bonnie and Clyde modernes, vivent leur passion comme un amour inébranlable et acide.

La chanteuse Britney Spears est sans doute mentionnée pour une raison assez précise: l'artiste est la preuve actuelle, de cette transformation de la dernière génération. Petit oiseau blessé, la petite fille rose bonbon, en pleine crise d'existence, se débarrasse de ses cheveux puis revient plus tard en cuir noir dans des clips plus sensuels et "femme fatal". Forme d'innocence blessée, rattrapée par les responsabilités et les faces obscures du succès et du monde de la célébrité. Alien nous joue ce petit morceau au piano, pour nous rappeler qu'il y a un coeur qui saigne chez Britney. Les quatre filles, fringuées de couleurs claires (bleu ciel, jaune, rose, vert) portant des sacs à dos en forme de nounours, décident de porter des tenues de gangsta et des cagoules, puis d'user de la violence. Lors de la chanson au piano et du ralenti esthétisé, les spring breakeuses dans une salle d'arcade, menace une jeune fille à terre, qui n'est pas sans rappeler nos jeunes apprentis bimbo avant le décollage. Une forme de sosie, un refus de redevenir ce qu'elles étaient: fragiles. C'est décidé, le monde il faut le voir comme un film, un jeu vidéo, ne plus avoir peur, et mater tous ces abrutis.
 
Nous pourrions voir Spring Breakers, comme une réutilisation du mythe d'Icare. Ces filles, perdues dans les dédales de leur vie, cherchent à s'évader, s'élever, à atteindre le Spring Break, cette allégorie du Soleil. Nos quatre filles, s'envolent, jusqu'à se brûler les ailes. Une recherche naïve de la grandeur et du plaisir. Un égocentrisme qui transforment des anges en démons. Le labyrinthe correspondrait au braquage, lorsque les filles entrent dans le restaurant, passent les portes, sortent du champ de la caméra et rejoigne leur issue de secours. Opposition entre les appels téléphoniques en voix off racontant les meilleurs aspects, puis l'univers suicidaire de la drogue et de l'alcool.  Harmony Korine nous présente chaque scène dans ses débuts et dans son issue, et cherche le réglage, comme une antenne que l'on ajuste sur le toit, afin de capter le déroulement de la scène. Monde hypnotique télévisuel, quelques parallèles avec un Las Vegas Parano, les images sont filmés, floues et distordues. Nos filles révèlent leur vraie nature, et Alien dévoile sa peur de mourir. Belle contradiction, pour un homme qui est une armée à lui seul. Les filles prennent le contrôle, semblent dicter les lois, et appâter les hommes avec l'une de ses faiblesses: la belle chair humaine. Univers coloré, vintage, sorte d'écho aux années 70. Dans la continuité d'un Drive et l'hommage d'un Scarface (homme noir décédé dans la piscine), nous procédons à un renversement absolu des règles. Méfiez vous du petit chaperon rouge !

 
 
Rameau Antoine

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