L'Art est sur l'Image Cinématographique

Un Blog sur l'analyse filmique et la critique


jeudi 30 janvier 2014

L'Alternative


1. EXTÉRIEUR. STATION ESSENCE. NUIT


Une voiture noire s'arrête à côté d'une pompe à essence. Un homme habillé d'un blouson en cuir, cheveux châtains, la fin trentaine, sort de son véhicule. Le conducteur est de taille moyenne. Dans les 1m75. On peut entendre une petite musique dans la station. (ACTION: enclencher ou non la vidéo)




Le conducteur rempli son réservoir de gazole. Dans l'obscurité le bruit d'une moto devient de plus en plus fort. Un phare éclaire le parking sombre. La moto vient pénétrer dans la lumière de la station. Les distributeurs sont en libre service, pas un chat ne traîne dans les environs. Le motard porte un casque. Il s'arrête derrière la pompe du conducteur. Les deux hommes ne se voient pas. Le motard fait le tour et regarde la voiture noire tout le long. Il se place derrière lui pour regarder quelle essence il utilise. Le conducteur est de plus en plus suspicieux. Il prête attention aux faits et gestes du motard. Il s'attend à une réaction. Le motard enlève son casque. L'homme est brun, mal rasé, la trentaine également. Il regarde longuement le conducteur qui est sur ses gardes. Le motard lui demande un service.


MOTARD
Tu me filerais un peu d'essence ?


Le conducteur se sent coincé.

CONDUCTEUR
L'essence est chère et je ne roule pas sur l'or.


MOTARD
(insistant)
Je ne vous demande pas une pipe. Juste cinq balles d'essence.


CONDUCTEUR
Même cinq balles.


Le motard reste plusieurs secondes appuyé sur le distributeur. Il fixe le conducteur. Ce dernier perd son sang froid.
 


Bienvenue dans un scénario aux mondes parallèles. Nous parlons parfois dans une histoire de fins alternatives, c'est à dire une fin qui a la possibilité de se terminer de plusieurs façons. Il existerait des mondes parallèles au notre. Un monde dirigé par un même temps T. La vie est faite de choix. A chaque choix, le cours des évènements prennent des tournures différentes. On peut ainsi dire qu'il existe dans la vie des Hommes, une infinité de mondes parallèles. L'Alternative permettrait de revivre un instant T sous une autre possibilité. Jouez le jeu, ne trichez pas. Faites un choix, mais ne revenez pas en arrière même si votre choix ne vous convient plus. A moins que vous soyez capable de suivre toutes les alternatives en même temps. Cette petite histoire, cependant conséquente par son challenge, est une expérience d'écriture scénaristique qui va se développer doucement au sein de ce blog. Il faudra parfois attendre avant de pouvoir valider le dernier choix. Nous allons faire en sorte de rendre captivant L'Alternative. Lors des derniers choix, vos propositions, vos idées pour faire avancer ces mondes parallèles sont les bienvenues. N'hésitez pas à laisser un commentaire.

Rameau Antoine






lundi 27 janvier 2014

Analyse et Critique: Le Vent se Lève, l'ultime film d'animation de Hayao Miyazaki


Le maître de l'animation japonaise Hayao Miyazaki se retire du cinéma en nous livrant son onzième long métrage, Le Vent se Lève. Il nous laisse une magnifique filmographie pleine de beauté et de poésie.

 
Le Château de Cagliostro -1979
Nausicaä de la vallée du vent -1984
Le Château dans le Ciel -1986
Mon voisin Totoro -1988
Kiki la petite sorcière -1989
Porco Rosso -1992
Princesse Mononoké -1997 (de loin mon préféré)
Le Voyage de Chihiro -2001
Le Château Ambulant -2004
Ponyo sur la falaise -2008
Le Vent se Lève -2013




Le film s'inspire de la vie de Jiro Horikoshi qui conçut (entre les deux Guerres Mondiales) les chasseurs bombardiers japonais Mitsubishi A6M ou appelés "Chasseurs Zéro". Le personnage principal voue depuis son enfance une véritable passion pour l'aéronautique. Son modèle, Caproni est un personnage directement inspiré de Giovanni Battista Caproni, un ingénieur italien en aéronautique (ingénieur civil, électricien, concepteur d'aéronefs) qui fonda en 1910 sa société de construction d'aéronefs. L'entreprise Caproni a participé à la construction d'avions utilisés pendant la Première et la Seconde Guerre Mondiale.
Le personnage de Jiro marche sur les pas de Caproni. Possédant tous les deux le même désir, construire de beaux avions, ils se retrouvent à bord d'un rêve commun dans lequel ils souhaitent fabriquer des avions qui transporteront des personnes et non des armes. La plus grande partie du film se situe entre les deux Guerres. Jiro consacre tout son temps aux études et à la conception. Il est brillant et se fait reconnaître auprès de la marine impériale japonaise. Le film est de bon ton car il fait le choix d'accentuer l'amour et les passions des personnages. Le but n'était pas de présenter Caproni ni Jiro comme des collaborateurs, mais simplement comme des gens qui aimaient leur métier. Le film commence avec le rêve de Jiro dans lequel il aperçoit des bombardiers en train de détruire les villages. D'une certaine façon Jiro participe à l'effort de guerre. Les attitudes souvent positives des personnages de Miyazaki, font qu'ils ne travaillent pas au nom de la Guerre, mais pour pousser leur créativité (nous devons beaucoup de choses à Einstein, y compris la bombe atomique...). Le mal n'est pas de créer, il réside dans l'utilisation de sa création. Afin de rester tout public, Miyazaki prend le parti de la beauté. Il s'agit d'un film beaucoup plus technique dans lequel l'auteur mêle Histoire de l'aéronautique et Rêverie. Le réalisateur qui est habitué aux films fantastiques, suggère par moments un peu de fantaisie. Lors du tremblement de terre nous entendons les hurlements de la planète. Les avions également produisent des bruits "bestiaux". Le vent, acteur central du film, anime ce qui semble difficile à animer. Il confie même une âme à la mécanique. Lorsque Jiro fait des tests sur un porte avion avec son patron, les avions projettent, crachent de l'huile de moteur. Les personnages sont souillés par ces gouttes noires qui ressemblent plus à des gouttes de sang. Miyazaki humanise les avions en leur donnant des cris et en les maltraitant. Leur but devrait être de servir et non détruire.
Le vent permet à Jiro de faire la connaissance de Naoko dont il va tomber amoureux. Cette force naturelle les rapproche sans cesse. Le vent sert même de messager entre les deux personnages. Le vent provoque l'intuition et sert d'énergie à ceux qui l'inspirent.
Sans doute la force de Hayao Miyazaki est de donner de la force à ce qui ne peut être animé. Le vent qui n'a pas de forme ou de visage est omniprésent. Tout dépend du mouvement de la nature, des vêtements, des objets... . La force du réalisateur est de donner vie à ce qui l'est difficilement. Comme dans tous ses films, il rend la nature complice. Il nous permet de croire en des forces qui influent sur le monde et l'environnement. La majeure partie de ses films ont pour thèmes: le ciel, le vent, le voyage, les amours épiques et les châteaux. Porco rosso était lui même un personnage pilote d'avion. Kiki vole grâce à son balai, nous retrouvons les mondes cachés et perdus avec les châteaux. Tout réside dans le voyage inattendu, le transport immatériel, les divinités. Les personnages grandissent grâce à des expériences de vie. Ils acquièrent de la sagesse et de la maturité.
Avec ce dernier film, Miyazaki s'aventure dans un sujet peut être un peu plus adulte que d'habitude, plus complexe, tout en révélant le monde beau tel qu'il est.

Rameau Antoine



Analyse et Critique: Le Loup de Wall Street - Le Capitaine et ses moussaillons

 
Après quelques semaines en stand-by, je me lance enfin sur le dernier film sulfureux de Martin Scorsese. 32e long métrage du cinéaste. On se disait avec un ami: "du Scorsese ça ne se périme jamais". Un Léonardo Di Caprio toujours aussi remarquable dans des rôles de Golden Boy hystériques. Gatsby l'enfant terrible, qui enchaîne les blockbusters, attend son heure de gloire. Talent reconnu, Di Caprio passe toujours à travers les mailles du filet et pourtant depuis ses fréquents retours, le poisson du Titanic devient un véritable requin. En parlant de requin, Le Loup de Wall Street nous jette indéniablement en pâtures.



 
L'effet du surnom



Jordan Belfort est surnommé par les média Le Loup de Wall Street. Ce titre qui lui est attribué est un coup marketing utilisé par les journaux mais il donne au personnage une dimension doublement fictive. Ce genre de titres transforment les simples individus en légendes ou héros de contes. Il aurait pu se faire appeler Capitaine crochet, Barbe bleue, Long John Silver, parce qu'il est présenté non comme un Président ou un Directeur Général, mais plutôt comme un Capitaine qui commande à bord de son navire. Son micro est sa barre, ses employés derrière leurs écrans tiennent les rames. Excellent orateur, qui détrousse les honnêtes gens, Jordan apprend à ses recrues comment détrousser les autres. Il accumule un butin conséquent, ils font régulièrement la fête pour se féliciter de leurs attaques, ils ne semblent pas travailler durement, ils volent le peuple en leur servant des mensonges et en bluffant. Cette jolie petite bande de pirates, parient comme si il s'agissait d'un inlassable poker menteur dont ils connaissent les règles et les failles du jeu. Cette faille a été démontrée lorsque Jordan a demandé à son coéquipier de lui vendre un stylo. L'intérêt n'est pas de mettre l'objet en valeur, mais de prouver que sans cet objet l'acheteur potentiel restera dans le besoin.
 
Un chant Indien, rituel d'initiation
Jordan veut devenir courtier. Il entre dans une société (comme moussaillon) où il obtient son brevet. Le navire à la suite d'une mauvaise attaque, coule, entraînant tous les courtiers à l'eau. Jordan déjeune avec l'un des chefs de la société (Matthew McConaughey) qui veut s'assurer que son petit protégé évolue avec la mentalité adéquate. Ils simulent un chant indien des plus ridicules. Ils se frappent la poitrine du poing, geste qui les ramène sans cesse à eux: moi, moi, moi, moi, moi... . Ce chant et ce geste définissent leur égocentrisme. En se prenant pour des indiens, ils se considèrent comme étant à la fois les fondateurs de la puissante Amérique et comme des marginaux incompris. Ce chant sera transmis à Jordan qui le répétera une nouvelle fois durant le film.
 
Le recrutement du Capitaine

Partant de zéro, Jordan recrute ses bras droits qui eux mêmes recruteront les prochains employés. Une nouvelle société Stratton Oakmont voit le jour. Comme un père et sa famille, Jordan leur apprend les ficelles du métier. Ils prennent plaisir à embobiner les citoyens américains. La famille s'agrandit et ressemble plutôt à une bande de joyeux gai lurons sortis du cirque Freaks. Des nains, une femme au crâne rasé, des larbins, des filles de joie, un petit monde qui ressemblerait plutôt à la bande de Jackass. Au micro, Jordan est le roi du discours: émotions, excitations, moqueries, craintes, retournements de situations. Il est un artiste de one man show, un clown avec un sacré charisme.
 
Une allusion à risques
Au milieu du film Scorsese frappe extrêmement fort. Dans l'euphorie la plus complète Jordan compare son équipage à: "des putains de terroristes". On prend du recule avec l'Histoire. La cible des attentats du 11 septembre étaient les tours du World Trade Center, c'est à dire des buildings comme celui qu'occupe l'équipage de Jordan Belfort. Des bureaux situés haut dans le ciel. On supposerait alors que des terroristes kamikazes auraient détruits un repère de "terroristes de l'économie". Ce sujet étant très sensible, Scorsese se permet une provocation des plus culottée. Nous savons pourtant que les traders ont été tenus en partie responsables des nombreuses chutes économiques.
 
Une comédie noire
D'un humour grinçant, le film expose principalement les côtés festifs des rois de la finance. Jordan offre le symbolique bateau à sa femme. Comme de nombreuses organisations illégales, les courtiers se focalisent sur les différentes trahisons dont ils sont victimes. Nous quittons la salle sans vraiment comprendre comment des personnes comme Jordan arrivent à devenir aussi riches. Ils passent leur temps à vendre du vent et à attendre que le cours des actions change. Ils guettent du haut de leur mat les navires à piller. L'image du capitaine et du marin nous sont suggérés lorsque Jordan prend modèle sur le personnage de Popeye. Après une dose de cocaïne il trouve la force suffisante pour sauver son ami d'un morceau de jambon avalé de travers. On peut appeler Le Loup de Wall Street une comédie noire. Comme de nombreux films chez Scorsese, nous assistons à l'élévation d'un criminel qui est rattrapé par la folie des grandeurs.
Le film s'achève sur un meeting ou une conférence pendant laquelle Jordan fait son "mea culpa". Il essaye d'expliquer son métier. Toutefois il sort de nouveau son stylo et demande au public de le lui vendre. Jordan repart de plus belle, il est en pleine séance de recrutement afin de découvrir quels seront les prochains moussaillons capables de constituer le futur navire.
 
Rameau Antoine