Il est 20h30 à Clermont de l’Oise, Fairecourt diffuse sa seconde
projection après celle de Thourotte du mardi 5 novembre. Le thème de ce mois de
novembre et décembre laisse place au frisson avec en programmation sept courts
métrages.
La soirée réunie dans le cinéma du Clermontois une dizaine de personnes
curieuses et intriguées par cette sélection d’une durée d’1h40 environ.
-Terminus (4’05
- 2012) de Nikodem Rautszko Panz, produit par Video Graphic, est certes très court
mais il fonctionne. La scène se passe dans un wagon de métro et nous avons à
faire à trois personnages. Le plus inquiétant des trois semble à l’origine des
incidents qui se produisent. Là où Silence exploite le son, Terminus se sert de la lumière pour traduire
la force fantomatique présente dans l’histoire. Ce court métrage prouve que l’on
peut construire le suspense et nourrir la peur avec très peu de moyens. Les
lumières du wagon s’éteignent plongeant les personnages dans le noir. On joue
sur des disparitions qui nous permettent de supposer qu’il y a des transferts
ou des permutations qui s’effectuent entre les protagonistes. Terminus propose une intrigue simple
mais qui mérite sa place au sein de la sélection.
-Saïd (23’ -
2012) réalisé par Valentin Frentzel et Benjamin Rancoule, visite l’univers du
zombie et de l’infection. Leur maison de production « 1986 Prod » est
associée avec certains labels de la musique ou des artistes tels que La Fouine
(Laouni Mouhid) qui est le personnage principal de Saïd. Influencés par le cinéma de Danny Boyle avec 28 jours plus tard, Saïd présente un climat de chaos ou les personnages sont sans cesse
en train de fuir. Valentin et Benjamin font le choix d’esthétiser le court métrage
en filmant en noir et blanc. L’infecté, forme évoluée du zombie, est un monstre
avide de chair capable de pourchasser inlassablement. Les mouvements
frénétiques de la caméra permettent de rendre la situation encore plus réelle.
Telle une vue subjective, le cameraman court tout en tenant son appareil. Cet
effet nous laisse penser que la catastrophe est bien réelle et qu’il en est de
la survie des deux artistes de fuir aux côtés de Saïd.
-Tommy (9’ -
2011) est réalisé par Arnold de Parscau et produit par ESRA Bretagne. L’ESRA
est l’Ecole Supérieure de Réalisation Audiovisuelle créée en 1972 à Paris et
implantée à Nice en 1988 puis à Rennes en 1999. Arnold réalise Tommy dans le cadre de ses études et se
fait remarquer par David Lynch qui se sert du court métrage comme clip officiel
pour sa chanson « good bye today ». Il obtient grâce à son œuvre le
prix Eric JEAN. Tommy est un jeune garçon perturbé par le cocon viscéral de sa
famille. Véritable huis clos, la salle à manger ressemblerait à l’intérieur encombré
de sa boîte crânienne. Comme un tableau
irréaliste, chaque membre de la famille participe en tant qu’élément actif de
la folie de Tommy. C’est probablement cette mise en scène de la folie qui a
retenue l’attention de David Lynch. On peut rapprocher la salle à manger dans
Tommy avec celle dans le film Inland
Empire sorti en salles en 2006. Dans le film de Lynch les protagonistes
portent des masques de lapin et semblent enfermés dans leur dimension. Cette
dimension construite directement par le studio de cinéma, confine les
personnages dans un lieu où habiterait « la mort ». Tommy plonge
métaphoriquement dans la folie en introduisant profondément son jouet dans son
plat. Le rêve du garçon nous transporte sur les mers brumeuses qui entourent la
Bretagne.
Le Cinéma du Clermontois allume ses lumières. C’est l’entracte. Tout le
monde se réuni dans l’entrée du cinéma et partage leurs premières impressions
autour d’un verre. Les avis sont partagés et les sensibilités différentes. Les
spectateurs de Fairecourt rejoignent impatiemment leur siège.
-Rail (20’ –
2009) d’Yvan Georges dit Soudril ouvre la deuxième partie de cette soirée. Yvan
a réalisé trois courts métrages : Block
(2005) et Rail (2009) qu’il a
autoproduit et Le Syndrome de Cushing
(2011) avec Heska Productions une société créée en juin 2011 par Cyril
Schulmann et Nabil Khouri. Rail
présente un personnage qui du statut de victime se dirige vers celui du
monstre. Il se métamorphose lorsqu’il prend possession d’une arme. Il cherche à
se venger et à enterrer définitivement ses faiblesses. Tel Robert De Niro dans Taxi Driver, le personnage veut se
transformer en un individu dangereux et surentraîné. Il répète de nombreux
gestes, il modifie son look afin d’inspirer la crainte. Cette transformation le
pousse à rejeter tout ce qui lui semble faible, au point d’écraser d’autres victimes
selon lui incapables de se défendre. Progressivement l’organisme du
protagoniste est affecté, il devient une entité indescriptible tantôt en
décomposition, tantôt en pleine mutation. On retrouve l’influence du
cinéaste David Cronenberg qui travaille le corps humain en fusionnant l’organique
et le matériel. Le personnage ne fait plus qu’un avec le pistolet. Son corps
rejette des balles. Il arrache ses ongles comme le fit l’acteur Jeff Goldblum dans
La Mouche (1986). On peut faire un
parallèle avec le film Existenz
(1999) de Cronenberg dans lequel l’acteur Jude Law constitue une arme en se
servant des restes d’un plat et en prenant ses dents comme balles. Le
personnage de Rail devient l’arme, il
perd toute identité et se confond lui-même avec la violence dont il fut
victime.
-On continue la soirée Fairecourt avec
un deuxième court métrage d’Yvan Georges dit Soudril : Le Syndrome de Cushing (17’ - 2011). Le
syndrome de Cushing serait une maladie hormonale aux conséquences
psychiatriques. Le personnage de l’intrigue, malade, tente d’échapper à sa
situation en s’imaginant dans un autre corps et vivant une autre vie. Cependant
son esprit instable perturbe le monde qu’il s’est créé et chavire de nouveau
vers la folie. Il rêve de meurtres et de vengeances. Ce syndrome est défini comme
un hypercortisolisme chronique. Ceci est dût à un excès de sécrétion d’hormones
cortico-surrénalienne. Harvey Cushing décrit ce syndrome en 1932. Il se
manifeste chez l’homme par l’apparition d’une obésité chronique de la partie
supérieure du corps, des aspects bouffis du visage, des manifestations
cutanées, un hirsutisme et des troubles psychologiques variés. Le personnage du
court métrage apparaît brièvement de dos au début de l’histoire. Quand nous
revenons à lui, on constate comment il a manipulé la réalité pour rendre sa vie « supportable ».
-Nous en arrivons au dernier court
métrage de cette soirée frissons avec La
Dame Blanche (15’ – 2012) d’Arnaud Baur, produit par Nitrium Films. Arnaud
s’est rendu à Lisbonne en octobre 2012 et a visité la ville de Cintra où serait
apparue la dame blanche pour la première fois. Malgré toutes les versions qui
peuvent exister autour de la légende, le réalisateur reste au plus près de la
version originale et reprend simplement le nom américain de la défunte. L’histoire
raconte qu’une jeune femme a été renversée par un automobiliste et qu’elle
hante depuis les routes ainsi que sa famille. Ceux qui ont la possibilité de la
rencontrer ne peuvent détourner leur regard de cette femme. Ils tentent de la
suivre jusqu’à ce que la mort ne les emporte. La dame blanche est comparable à une
sirène, elle charme, hypnotise ceux qui peuvent la voir et les marque de sa
malédiction.
La soirée Fairecourt s’achève. Les spectateurs sortent de la salle
satisfaits, donnant leur ultime appréciation. Parmi le public, l’un d’entre eux
a assisté pour la première fois à une soirée Fairecourt et prend cette expérience
comme une excellente façon d’aborder le cinéma.
RAMEAU Antoine.
Je suis Yvan Georges-dit-soudril, le réalisateur de RAIL et Le SYNDROME DE CUSHING. Merci d'avoir pris le temps de parler des films. Et merci pour le texte de RAIL, d'avoir su aussi bien cerner le film.
RépondreSupprimerBonne continuation
Merci à vous d'avoir pris le temps de lire le texte et de m'avoir communiqué votre appréciation. Les paragraphes sont courts mais j'essaye de synthétiser au mieux.
SupprimerBien à vous.
I.T