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dimanche 6 octobre 2013

Analyse et Critique d'Insidious Chapitre 1 & 2


Retour sur Insidious Chapitre 2 : C’est dans les vieux pots que l’on fait les meilleures confitures !



Est-ce que cette suite rencontrera le même succès que son prédécesseur ?
Insidious réalisé par James Wan (The Conjuring) et sorti en 2010 a été une réussite inattendue. Le film a coûté 1,5 millions de dollars pour un bénéfice d’un montant de 95 millions de dollars.

Comment expliquer ce phénomène alors que d’autres films d’épouvantes tels que Paranormal Activity n’arrivent pas à ce même résultat. Il semblerait que la mode revienne au film à petit budget, produit par des petites boîtes de productions. Est-ce que Insidious aurait trouvé les ingrédients mystères ? Ce deuxième volet reste-il aussi efficace ? On constate alors que « succès » ne rime pas avec originalité mais plutôt avec « stratégie commerciale ».

 
Quand on nous parle de vampires, d’aliens, de momies, de zombies ou de bien d’autres monstres, l'impact n’est pas le même qu’avec tueurs psychopathes et esprits (fantômes). Nous savons que les tueurs psychopathes, même déguisés, peuvent exister. Le fantôme ou appelons cela plutôt esprit, est tout autre chose. Il n’en tient qu’à l’individu de croire aux esprits ou aux fantômes. Ils sont de l’ordre de ce qu’appellerait Freud « l’inquiétante étrangeté ». Ce n’est pas parce que nous ne les voyons pas que cela n’existe pas. La peur fabriquée par des films comme Insidious s’appuie sur le domaine des « croyances ». L’Homme a toujours essayé d’expliquer tout ce qui lui semble irrationnel en nommant des forces qu’il n’arrive pas à déterminer. On parle d’un dieu, on parle d’anges, de démons, d’esprits. Insidious exploite nos croyances et notre imaginaire : et si c’était possible ? Nous accordons une place différente à l’esprit, car nous sommes naturellement superstitieux. C’est la raison pour laquelle le film d’épouvante qui traite des fantômes marque déjà un point. De plus, Insidious puise sa force dans des croyances très anciennes. On a déjà plus ou moins entendus parler de la dame blanche, de l’ange Gabriel, des démons à l’image du bouc (sacrificiel). La créature du premier chapitre que l’on peut voir sur l’image ci-dessus est la figure la plus emblématique du premier volet. Il représente à lui seul les plus grandes phobies : les ténèbres, celui qui se cache dans l’ombre, le rouge vif qui symbolise le feu des enfers et le sang, les yeux pénétrants d’un prédateur, des dents pointues faites pour dévorer, une apparence de "cannibale" qui évoque la sauvagerie. Cette créature que l’on peut distinguer qu’à des micros instants ressemble de près au monstre du placard ou celui caché sous le lit. Vous ne le voyez pas car il fait trop sombre, mais vous savez qu'il voit correctement et ne vous lâche pas du regard. Quel est ce sentiment que l’on essaye de décrire et qui explique le succès d’Insidious ?


L’ingrédient mystère: le sentiment de « Persécution ».

L'être humain traverse les époques en entraînant avec lui les mêmes peurs et les mêmes phobies. Si le monde des esprits, à l’image d’un diable, vient perturber votre vie sans vous laisser le moindre répit, votre mental s’affaiblit. Après la peur il y a l’hystérie, l’euphorie, puis la résignation. Le monde des vivants se sent en proie au monde des esprits car il ne peut le toucher, le voir, ni le vaincre à moins d’user d’une magie « blanche » qui contrebalancerait avec les ténèbres. Si le spectateur est réduit à l’état de proie et que son prédateur l’épuise continuellement, la peur est alors très efficace. Insidious fait du spectateur la proie des esprits. Il ne peut plus dormir sans risquer de voyager dans le monde des morts, il ne peut changer de maison sans que la créature le poursuive comme son ombre. Pourtant le spectateur est curieux, il assiste à la séance de cinéma, il veut des réponses, il veut comprendre ce qu’est la peur, découvrir ce film dont tout le monde parle, il veut tellement croire que cet univers est faux, qu’il s’y confronte. Un peu maso le spectateur, et pourtant le cinéma peut se vanter de son pouvoir de mise en scène. L’être humain est connu pour être le plus grand prédateur parmi les espèces vivantes. Il affronte les autres espèces en inventant des armes, des pièges, en collaborant avec ses semblables. Il est effroyable pour lui de devenir la proie d’une autre entité. La « Persécution » est l’arme du film d’horreur.


Comment les deux chapitres d’Insidious procèdent ?

Ils allument et éteignent les lumières, le vent éteint les bougies ou fait bouger les objets, ils font rouler des objets au sol, claquer des portes, ouvrent des placards, ils allument les télévisions, jouent avec la technologie numérique comme les caméras amateurs ou bien ils augmentent la luminosité des écrans pour nous permettre de distinguer les figures tapis dans l’obscurité, le film joue sur des sons d’ambiance qui explosent, les angles de caméra handicapent notre vue. Un peu de fil de nylon, un peu de montage audio et vidéo puis le tour est joué. Les moyens utilisés pour réaliser Insidious sont dérisoires mais ils suffisent. La meilleure stratégie est de connaître l’être humain et de renouer avec ses plus vieilles peurs.

Originalité ? On passera. Insidious chapitre 2 est très bien construit dans la limite où il crée les bonnes connexions avec le premier film. Flashbacks, retours sur l’enfance de Josh, montage parallèle entre les deux films qui viennent clarifier les zones d’ombres du premier chapitre. Insidious 2 est une suite acceptable. Il propose quelques touches d’humours, notamment avec les deux compères chasseurs de fantômes. Parfois des informations sont complètement inutiles et provoque finalement le rire dans la salle de cinéma: « tu t’appelles Marilyn ! » (Petit clin d’œil à une réplique). En mon sens, ce deuxième volet perd sa créature rouge fétiche que l’on aura probablement le plaisir de retrouver dans un troisième chapitre.


Recette

Insidious serait un mélange entre Shining (1980) de Stanley Kubrick (ou Rosemary’s Baby de Polanski, 1968) et Suspiria de Dario Argento (1976). Dans un cas, le père devient fou, la maison semble avoir une emprise sur le personnage. Des fantômes hantent l’hôtel et transforme Jack Torrance, le personnage interprété par Jack Nicholson en un meurtrier psychopathe qui poursuit sa femme et son fils Danny (Dalton dans Insidious). Renée et Dalton sont à l’image de ces personnages. Josh les poursuit en enfonçant une porte à coups d’extincteurs et en prononçant leurs noms comme un dératé. On pense aussitôt à la scène où Jack détruit la porte à coups de hache. Josh brise le mur afin de se frayer le chemin le plus rapide.

Je cite Suspiria parce que le film traite de la magie noire et puise sa force sur des couleurs franches comme le rouge, le jaune ou le bleu. De nombreuses fenêtres teintées diffusent une lumière colorée dans les pièces de l’académie de danse. Ces lumières colorées permettent de plonger l’intérieur d’un bâtiment dans une autre dimension. Insidious 2 joue sur la lumière rouge diffusée dans la maison de la mère de Josh. Ce jeu de lumière nous renvoi à l’idée des enfers, d’une dimension parallèle. Elle coupe nos liens avec le monde extérieur en nous privant d’une lumière naturelle, d’un ciel bleu et de ses nuages. Les personnages sont comme enfermés et le monde de dehors semble inexistant. Ces carreaux teintés permettent de renforcer les zones d’ombres. On peut décrire une scène importante dans Suspiria, lorsque Suzy dort dans le dortoir avec les autres filles. Un paravent constitué d’un tissu blanc se sert de la lumière rouge projetée du fond de la salle pour dessiner la silhouette squelettique de la prétendue directrice de l’académie. On distingue l’ombre (chinoise) de cette femme proche de l’état de momie, puis de cette forme mi fantôme, mi cadavre émane une respiration douloureuse et macabre. La lumière colorée nourrit l’imaginaire et la peur du spectateur. Elle est à la fois symbolique selon sa teinte et son utilisation. Cette lumière extrêmement forte dans Insidious, ressemble également à celle que l’on utilise dans les films d’extraterrestres où les vaisseaux illuminent l’intérieur des maisons comme dans Rencontre du troisième type de Steven Spielberg. 

On peut encore donner deux références en ce qui concerne les deux Insidious. L’affiche du film du premier chapitre représente Dalton (le jeune garçon) avec les yeux rouges flammes. La figure de l’enfant dans le film d’horreur est un moyen d’amplifier l’inquiétude chez le spectateur. On pense par exemple aux enfants dans le film Le Village des Damnés (film de Wolf Rilla 1960 et remake de John Carpenter 1995), dotés de pouvoirs surnaturels. L’enfant qui est habituellement la figure de l’innocence, devient encore plus inquiétant dans ces conditions et donc efficace dans un film d’horreur.

La très récente première saison de la série American Horror Story exploite les mêmes schémas qu’Insidious. Les points communs sont mêmes très nombreux : la maison de l’époque victorienne, les fenêtres teintées, les esprits des anciens défunts, les parents possédés… . Le succès réside dans cette « stratégie commerciale » qu’il ne faut pas forcement interpréter comme un manque d’imagination. Insidious 2 n’est sûrement pas le film de l’année mais il fonctionne. Le film d’horreur est ainsi fait, il existe des codes vieux comme le monde. Comme quoi, c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures confitures.





Rameau Antoine

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