Retour sur Insidious Chapitre 2 : C’est dans les vieux pots que l’on fait les meilleures confitures !
Est-ce que cette suite
rencontrera le même succès que son prédécesseur ?
Insidious réalisé par James Wan (The Conjuring) et sorti en 2010 a été une réussite inattendue. Le film a coûté 1,5 millions de dollars pour
un bénéfice d’un montant de 95 millions de dollars.
Comment expliquer ce phénomène
alors que d’autres films d’épouvantes tels que Paranormal Activity n’arrivent pas à ce même résultat. Il
semblerait que la mode revienne au film à petit budget, produit par des petites
boîtes de productions. Est-ce que Insidious
aurait trouvé les ingrédients mystères ? Ce deuxième volet reste-il aussi
efficace ? On constate alors que « succès » ne rime pas avec
originalité mais plutôt avec « stratégie commerciale ».
Quand on nous parle de vampires,
d’aliens, de momies, de zombies ou de bien d’autres monstres, l'impact n’est
pas le même qu’avec tueurs psychopathes et esprits (fantômes). Nous savons que
les tueurs psychopathes, même déguisés, peuvent exister. Le fantôme ou appelons
cela plutôt esprit, est tout autre chose. Il n’en tient qu’à l’individu de
croire aux esprits ou aux fantômes. Ils sont de l’ordre de ce qu’appellerait
Freud « l’inquiétante étrangeté ». Ce n’est pas parce que nous ne les
voyons pas que cela n’existe pas. La peur fabriquée par des films comme
Insidious s’appuie sur le domaine des « croyances ». L’Homme a
toujours essayé d’expliquer tout ce qui lui semble irrationnel en nommant des
forces qu’il n’arrive pas à déterminer. On parle d’un dieu, on parle d’anges,
de démons, d’esprits. Insidious exploite nos croyances et notre imaginaire :
et si c’était possible ? Nous accordons une place différente à l’esprit, car nous sommes naturellement superstitieux. C’est
la raison pour laquelle le film d’épouvante qui traite des fantômes marque déjà un
point. De plus, Insidious puise sa force dans des croyances très anciennes. On
a déjà plus ou moins entendus parler de la dame blanche, de l’ange Gabriel, des démons à l’image du bouc (sacrificiel). La créature du premier
chapitre que l’on peut voir sur l’image ci-dessus est la figure la plus
emblématique du premier volet. Il représente à lui seul les plus grandes phobies :
les ténèbres, celui qui se cache dans l’ombre, le rouge vif qui symbolise le
feu des enfers et le sang, les yeux pénétrants d’un prédateur, des dents
pointues faites pour dévorer, une apparence de "cannibale" qui évoque la sauvagerie. Cette créature que l’on peut distinguer qu’à des micros instants
ressemble de près au monstre du placard ou celui caché sous le lit. Vous ne le
voyez pas car il fait trop sombre, mais vous savez qu'il voit correctement et ne vous lâche pas du regard. Quel est ce sentiment que l’on essaye de
décrire et qui explique le succès d’Insidious ?
L’ingrédient mystère: le sentiment de « Persécution ».
L'être humain traverse les
époques en entraînant avec lui les mêmes peurs et les mêmes phobies. Si le
monde des esprits, à l’image d’un diable, vient perturber votre vie sans vous
laisser le moindre répit, votre mental s’affaiblit. Après la peur il y a l’hystérie,
l’euphorie, puis la résignation. Le monde des vivants se sent en proie au monde
des esprits car il ne peut le toucher, le voir, ni le vaincre à moins d’user d’une
magie « blanche » qui contrebalancerait avec les ténèbres. Si le
spectateur est réduit à l’état de proie et que son prédateur l’épuise
continuellement, la peur est alors très efficace. Insidious fait du spectateur
la proie des esprits. Il ne peut plus dormir sans risquer de voyager dans le
monde des morts, il ne peut changer de maison sans que la créature le
poursuive comme son ombre. Pourtant le spectateur est curieux, il assiste à la
séance de cinéma, il veut des réponses, il veut comprendre ce qu’est la peur,
découvrir ce film dont tout le monde parle, il veut tellement croire que cet
univers est faux, qu’il s’y confronte. Un peu maso le spectateur, et pourtant
le cinéma peut se vanter de son pouvoir de mise en scène. L’être humain est
connu pour être le plus grand prédateur parmi les espèces vivantes. Il affronte
les autres espèces en inventant des armes, des pièges, en collaborant avec ses
semblables. Il est effroyable pour lui de devenir la proie d’une autre entité.
La « Persécution » est l’arme du film d’horreur.
Comment les deux chapitres d’Insidious
procèdent ?
Ils allument et éteignent les
lumières, le vent éteint les bougies ou fait bouger les objets, ils font rouler
des objets au sol, claquer des portes, ouvrent des placards, ils allument les
télévisions, jouent avec la technologie numérique comme les caméras amateurs ou
bien ils augmentent la luminosité des écrans pour nous permettre de distinguer
les figures tapis dans l’obscurité, le film joue sur des sons d’ambiance qui
explosent, les angles de caméra handicapent notre vue. Un peu de fil de nylon, un
peu de montage audio et vidéo puis le tour est joué. Les moyens utilisés pour
réaliser Insidious sont dérisoires mais ils suffisent. La meilleure stratégie est de connaître l’être humain et de renouer avec
ses plus vieilles peurs.
Originalité ? On passera.
Insidious chapitre 2 est très bien construit dans la limite où il crée les
bonnes connexions avec le premier film. Flashbacks, retours sur l’enfance de
Josh, montage parallèle entre les deux films qui viennent clarifier les zones d’ombres
du premier chapitre. Insidious 2 est une suite acceptable. Il propose quelques
touches d’humours, notamment avec les deux compères chasseurs de fantômes.
Parfois des informations sont complètement inutiles et provoque finalement le
rire dans la salle de cinéma: « tu t’appelles Marilyn ! » (Petit
clin d’œil à une réplique). En mon sens, ce deuxième volet perd sa créature
rouge fétiche que l’on aura probablement le plaisir de retrouver dans un
troisième chapitre.
Recette
Insidious serait un mélange entre
Shining (1980) de Stanley Kubrick (ou
Rosemary’s Baby de Polanski, 1968) et
Suspiria de Dario Argento (1976). Dans
un cas, le père devient fou, la maison semble avoir une emprise sur le
personnage. Des fantômes hantent l’hôtel et transforme Jack Torrance, le
personnage interprété par Jack Nicholson en un meurtrier psychopathe qui poursuit
sa femme et son fils Danny (Dalton dans Insidious). Renée et Dalton sont à l’image
de ces personnages. Josh les poursuit en enfonçant une porte à coups d’extincteurs
et en prononçant leurs noms comme un dératé. On pense aussitôt à la scène où
Jack détruit la porte à coups de hache. Josh brise le mur afin de se frayer le
chemin le plus rapide.
Je cite Suspiria parce que le
film traite de la magie noire et puise sa force sur des couleurs franches comme
le rouge, le jaune ou le bleu. De nombreuses fenêtres teintées diffusent une
lumière colorée dans les pièces de l’académie de danse. Ces lumières colorées
permettent de plonger l’intérieur d’un bâtiment dans une autre dimension.
Insidious 2 joue sur la lumière rouge diffusée dans la maison de la mère de
Josh. Ce jeu de lumière nous renvoi à l’idée des enfers, d’une dimension
parallèle. Elle coupe nos liens avec le monde extérieur en nous privant d’une
lumière naturelle, d’un ciel bleu et de ses nuages. Les personnages sont comme
enfermés et le monde de dehors semble inexistant. Ces carreaux teintés
permettent de renforcer les zones d’ombres. On peut décrire une scène
importante dans Suspiria, lorsque Suzy dort dans le dortoir avec les autres
filles. Un paravent constitué d’un tissu blanc se sert de la lumière rouge projetée
du fond de la salle pour dessiner la silhouette squelettique de la prétendue
directrice de l’académie. On distingue l’ombre (chinoise) de cette femme proche
de l’état de momie, puis de cette forme mi fantôme, mi cadavre émane une
respiration douloureuse et macabre. La lumière colorée nourrit l’imaginaire et
la peur du spectateur. Elle est à la fois symbolique selon sa teinte et son
utilisation. Cette lumière extrêmement forte dans Insidious, ressemble
également à celle que l’on utilise dans les films d’extraterrestres où les
vaisseaux illuminent l’intérieur des maisons comme dans Rencontre du troisième
type de Steven Spielberg.
La très récente première saison
de la série American Horror Story
exploite les mêmes schémas qu’Insidious. Les points communs sont mêmes très
nombreux : la maison de l’époque victorienne, les fenêtres teintées, les
esprits des anciens défunts, les parents possédés… . Le succès réside dans
cette « stratégie commerciale » qu’il ne faut pas forcement
interpréter comme un manque d’imagination. Insidious 2 n’est sûrement pas le
film de l’année mais il fonctionne. Le film d’horreur est ainsi fait, il existe
des codes vieux comme le monde. Comme quoi, c’est dans les vieux pots qu’on
fait les meilleures confitures.
Rameau Antoine
Excellent papier
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