Deuxième article sur Le Chevalier Noir rédigé par Teddy Slamani, Bat-Fan et surtout connaisseur de l'univers DC Comics.
Histoire: Tucker
et Esther Cobblepot, un couple aristocratique vivant à Gotham City, abandonnent
leur enfant Oswald Cobblepot en le balançant dans les égouts par ce qu’ils
éprouvent en voyant son physique difforme. 33 ans plus tard, Oswald Cobblepot
élevé depuis par des pingouins, fomente une attaque à Gotham lors d’une
représentation publique de Max Schrek (un industriel Millionnaire) visant à le
kidnapper. Le Pingouin décide de se servir du pouvoir politique de Max Schreck
pour refaire surface et s’imposer auprès des citoyens de Gotham. Pour ce faire
le Pingouin décide de le faire chanter en le menaçant de dévoiler ses activités
criminelles si ce dernier refuse de l’aider.
Le
Pingouin élabore un plan visant à faire son entrée au sein de Gotham en tant
que héros. Il fait kidnapper le fils du maire pour ensuite le délivrer. De son
côté, Bruce Wayne/Batman émet des doutes quant à la sincérité du geste de Cobblepot.
Il décide donc d’enquêter sur son passé et établit un lien avec le Gang du
Cirque du Triangle Rouge (celui-ci ayant récemment été lié à la disparition
d’enfants).
En
parallèle, Selina Kyle, secrétaire de Max Schreck, découvre des documents
compromettants sur les affaires de Schrek. Ces documents concernent une
centrale qui rejette des déchets toxiques. Max Schreck prend Selina en flagrant
délit et la défenestre. Laissée pour morte, Selina Kyle survit réanimée par des
chats. De cette renaissance naîtra Catwoman, cambrioleuse vêtue d’un costume de
chatte noire avec pour principal objectif : se venger de son patron.
Pendant
ce temps, Max Shreck cherche à remplacer le maire actuel par le Pingouin, lui
permettant d’accroître son pouvoir sur la ville et par la même occasion de
concrétiser son projet de centrale électrique. Bruce et Selina se rencontrent
et entament une relation amoureuse sans connaître la double identité de
l’autre, créant ainsi une situation conflictuelle puisque Catwoman et le
Pingouin s’allient pour se débarrasser de Batman en le discréditant et le
faisant passer pour ce dont il s’est toujours juré de combattre : un
criminel.
Suite
au succès du premier opus, on peut parler de phénomène de société. Le Batman de
Burton relança l’engouement auprès du personnage, ce qui sera alors appelé la
Bat-mania. Rappelons que le film rapporta un peu plus de 400 millions de
dollars pour un budget de 35 millions de dollars. Les Studios Warner décidèrent
donc de produire un deuxième film, avec encore une fois Tim Burton aux commandes.
Il n’était, dans un premier temps, pas d’accord pour réaliser la suite de
Batman. D’autant plus que les Studios désiraient inclure Robin (le sidekick de
Batman) et ce depuis le premier film alors que Burton a toujours été réticent à
l’idée d’inclure ce personnage. Robin sera introduit par la suite dans les
adaptations cinématographiques de Batman «dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom»
réalisé par Joel Schumacher.
Tim
Burton décida entre temps de se consacrer à la réalisation d’un projet beaucoup
plus personnel, Edward aux mains d’argent,
qui sortira en 1990. La Warner relança le réalisateur en lui proposant cette
fois une totale liberté artistique. Burton figure même parmi les producteurs du
film. Traumatisé par le tournage du premier opus, il se pencha sur ce projet
avec une certaine prudence. Il réalisa ce qui devint l’un de ses films les plus
personnels et à mon humble avis l’un de ses meilleurs.
Du
côté du casting, on retrouve bien évidemment les mêmes acteurs pour leurs rôles
respectifs lors du premier film. Dans les nouveaux nous avons, Michelle
Pfeiffer dans le rôle de Selina Kyle/Catwoman, Danny DeVito dans celui du
Pingouin/Oswald Cobblepot et Christopher Walken en Max Schrek.
Gotham
City
Graphiquement
le film est toujours dans la même lignée que le premier opus. Gotham City a entièrement
été conçu en Studio avec une touche à la fois plus raffinée et gargantuesque.
Dans le premier Batman, Gotham paraissait grisâtre voire rouillée. Ici le film
se déroule en hiver, en pleine période de Noël. La ville y est enneigée, une
imagerie récurrente chez Burton, qui n’est pas sans rappeler son précédent long
métrage, Edwards aux mains d’argent.
La ville apparait comme étant littéralement nettoyée des crimes dont elle fut
gangrenée. En réalité, la neige apparait comme un voile visant à cacher les
maux dont Gotham est affublée. Un élément produit un fort contraste avec la
neige qui couvre la ville : le film se situe uniquement de nuit, même
quand certaines scènes sont censées se dérouler en plein après-midi. Le premier
film s’amusait à brouiller les pistes concernant l’époque de l’histoire. Ici,
c’est le temps qui est encore plus encré dans l’univers. Les choix du film
brouillent les pistes en nous plongeant dans une réalité aux antipodes de la nôtre.
Catwoman
Au
début du film, Selina Kyle est représentée comme une secrétaire assez
maladroite, qui a du mal à s’exprimer et à exister auprès des autres. Avant sa
transformation, elle n’apparaît qu’en arrière-plan et appartient au décor. Une
fois ressuscitée, un changement va s’opérer dans sa personnalité. Elle va
totalement s’émanciper d’une société ou règne les hommes sous sa forme la plus
féminine. Telle une force brute de la nature et indomptable. Elle va se créer
un personnage masqué, une nouvelle peau à travers Catwoman, un masque qui ne
lui permettra pas de se cacher mais plutôt de laisser ressortir sa vraie
nature. Son costume noir, luisant, très sexuel, aux coutures découpant son
corps, rappelle à la fois des monstres tels que la créature de Frankenstein,
mais aussi l’état d’esprit du personnage. Les coutures représentent à la fois
le chaos qui règne dans la tête de Selina Kyle mais aussi les cicatrices causées
par les hommes dont elle essaiera de se venger (notamment son patron Max Shreck).
Michelle Pfeiffer incarne une Catwoman absolument parfaite, au regard très
félin, à l’allure et à la façon de se mouvoir très sensuelle. Notons aussi une
alchimie et un jeu de regard assez intense lorsque Bruce Wayne/Batman et Selina
Kyle/Catwoman apparaissent ensemble.
Le
Pingouin
Oswald
Cobblepot alias le Pingouin, représente le monstre que Burton adule, un être
abandonné par ses parents, vivant dans les égouts, en marge de la société,
élevé par des pingouins, rejeté à cause de son physique et perçu comme n’étant
qu’une bête de foire. Celui-ci le dit d’ailleurs dans le film « c’est humain
hélas, que de rejeter ce qui est autre ». Il va alors chercher à se faire
accepter auprès des citoyens de Gotham à l’aide de Max Schreck. Ce dernier va
se servir de lui pour mener une campagne et prouver qu’Oswald Cobblepot « l’homme
» est quelqu’un de bien. Pour ce faire, Oswald va alors maquiller ses
véritables intentions, ne pouvant se plier aux conventions de la société. Il
laissera réapparaître sa nature profonde, sa part d’animalité, d’homme
«pingouin», dont la mort rendra son existence d’autant plus pathétique. Sous le
costume du Pingouin se cache un Danny DeVito méconnaissable qui incarne le
personnage avec beaucoup de sens.
Max
Shreck
Le
véritable méchant si l’on regarde sous un autre angle n’est autre que Max
Shreck. Il apparait comme étant le plus humain mais s’avère être au fond le
véritable monstre. Contrairement au Pingouin, il est accepté au sein de la
société, il a l’air sympathique et présente « bien » afin de
s’attirer le soutien du peuple. En réalité il s’agit d’un homme d’affaire
véreux, sans scrupule, un assassin ne reculant devant rien et n’hésitant pas à
corrompre et manipuler son entourage à des fins personnelles. Il se construit
une façade. Toutefois, il n’est pas
complètement dénué d’humanité puisqu’il n’hésitera pas à se sacrifier à la
place de son fils. On peut noter, que le personnage qu’incarne Christopher
Walken est une autre référence à l’Expressionnisme Allemand. Son personnage
s’appelle Max Shreck comme l’acteur Allemand Max Schreck qui a joué en 1921
dans Nosferatu.
[Rameau Antoine : Christopher
Walken (Max Shreck) ressemble de près à l’acteur Rudolf Klein-Rogge de Metropolis dans lequel il donne vie à
Maria l’androïde. Michelle Pfeiffer (Catwoman), par la découpe de son costume est, à la manière de Tim Burton, la création de Max Shreck.]
Batman
Et
Batman au milieu de tout ça ? Il a toujours l’aura d’un fantôme qui surveille
sa ville, tel une bête défendant son territoire. Il est placé sur un même pied
d’égalité avec ses ennemis. Cependant il se retrouve vite dépassé par les
événements. Dans un monde qu’il ne comprend plus où chacun avance à visage
masqué laissant paraître sa vraie nature. Ou au contraire avance à visage
découvert cachant leur nature profonde. Il tente de nouer une relation
amoureuse avec Selina Kyle, ce qui s’avère impossible à cause de la rivalité
qui les anime via leur double identité.
Danny
Elfman
Compositeur
attitré de Tim Burton, qui a œuvré dans tous ses films (à l’exception d’Ed Wood et Sweeney Todd), Danny Elfman vient ici parachever les compositions
du premier Batman. Il compose un véritable opéra. Les thèmes y sont mémorables
pour chacun des protagonistes. Ainsi le thème de Batman y est transcendé grâce
à l’utilisation omniprésente de chœurs rappelant Edward aux mains d’argent. Le Pingouin profite d’un thème à
l’atmosphère funèbre et pour Catwoman, personnage sinueux et torturé, des
musiques portées par une émotion incroyable.
Ainsi
vous l’aurez compris, la dualité est l’un des thèmes qui inonde le film. En
effet Batman Returns met en exergue
la dualité des Hommes à travers l’animalité de chacun. Représentés
respectivement par une chauve-souris, un chat et un pingouin. Où chaque
personnage cherche à exorciser ses névroses, s’émanciper ou tirer profit de la
faiblesse des autres. Plus personne ne sait où il en est quant à sa place dans
la société. Le film démontre à travers tous ses personnages qu’il est loin d’être
« manichéen » et fait preuve d’une certaine profondeur dans son
traitement. Tout n’est pas, soit noir soit blanc, tout y est nuancé. Il y a
encore énormément de choses à dire sur ce film tant les thématiques abordées y
sont riches en symbolisme. Tim Burton développe en ce sens l’une des œuvres les
plus pessimistes, riches et profondes sur le Chevalier Noir. La nature humaine
qui hisse le film parmi les meilleures adaptations de Batman, de Super héros
est en fait tout simplement l’un de ses plus grands films.
Teddy Slamani
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